14/12/2019 usbeketrica.com  9 min #166012

La France se fixe un délai de 20 ans pour interdire les emballages en plastique

Chaque semaine, un(e) journaliste de la rédaction vous raconte, avec plus ou moins de détours, l'actualité des sept jours écoulés. Cette semaine, on vous parle de dates butoir et de caps sans épées.

Première date et premier cap ayant défrayé la chronique cette semaine : 2040. L'Assemblée nationale a voté lundi soir un « objectif de fin de mise sur le marché des emballages plastique à usage unique d'ici 2040 ». Rappelons que les couverts, assiettes, pailles, touillettes à café, cotons-tiges, etc...  doivent disparaître « à partir de 2021 » dans l'UE. Les emballages (« tous les emballages alimentaires, les flacons, bouteilles, ce qui est partout dans nos placards pour l'usage domestique et industriel ») sont logiquement les prochains sur la liste.

Mais attendez... 2040 ? « L'urgence de la crise de la  pollution plastique impose des mesures immédiates »,  s'est indigné le WWF, suivi par de nombreuses ONG. « C'est une interdiction irréaliste qui néglige les conséquences pour les 38 000 collaborateurs du secteur », s'est offusquée l'industrie. Le Ministère de la Transition a pour sa part rappelé que des objectifs successifs de réduction, de réutilisation ou de recyclage des emballages plastiques à usage unique seraient - si le dispositif est définitivement adopté par le Parlement - fixés tous les 5 ans. Tout en fanfaronnant : « C'est un signal très fort et concret que la France envoie à ses partenaires européens et au reste du monde ».

En Europe, la France serait en effet la première à légiférer sur la fin définitive du plastique à usage unique. Mais un tel délai d'application est aussi inédit... Comme le  souligne LCI, en 2017, le Costa Rica a acté son ambition d'interdire l'ensemble du plastique à usage unique en l'espace de 4 ans. Le Canada, lui, a éludé la question en 2019 pour une application en 2021. Soit deux ans plus tard.

https://twitter.com/pierreniney/status/1204341021875810304 Source 

Une information à ne pas communiquer au sénateur australien Peter Whish-Wilson, qui, le 5 décembre, a éclaté d'une énorme colère face à l'inaction de son gouvernement pour protéger les coraux de la Grande barrière - qu'il a vus en « allant surfer », précise-t-il, nous laissant divaguer en imaginant si de tels propos étaient tenus dans l'hémicycle français... Des coraux menacés par l'acidification des océans, les méthodes de pêche, le  tourisme de masse et les déchets plastiques.

Autre date plus lointaine encore : 2050. C'est le cap que se fixe l'Europe pour être le « premier continent climatiquement neutre ». L'objectif a été  annoncé mercredi 11 décembre par la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. Pilier de la feuille de route de son Green Deal européen, l'objectif de neutralité climatique en 2050 doit être atteint « tout en stimulant l'économie, en améliorant la santé et la qualité de vie des citoyens, en préservant la nature et en ne laissant personne de côté ».

« Climatiquement neutre », cela voudrait dire qu'en 2050, l'Europe n'émettrait pas plus de gaz à effet de serre (le CO2 mais aussi le méthane, les HFC...) qu'elle ne peut en absorber via par exemple les forêts, les sols ou les océans. La neutralité carbone en 2050 (on parle de neutralité carbone ou climatique selon que l'on inclut, ou non, les autres GES), c'est aussi le  cap général fixé par le Giec en octobre 2018 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Fixer des caps, c'est très bien, mais il faut garder à l'esprit que de toute évidence, personne ne les respecte

Le problème, évidemment, c'est qu'on n'y est pas. Du tout. Fixer des caps, c'est très bien, mais il faut garder à l'esprit que de toute évidence, personne ne les respecte. Le niveau de concentration des principaux gaz à effet de serre a atteint de nouveaux records en 2018, et la courbe ne connaît  aucun signe de ralentissement, aucune diminution, malgré les engagements pris au titre de l'Accord de Paris. Aucun État ne mène une politique compatible avec cet accord, ont rappelé les ONG Germanwatch et Climate Action Network (CAN) dans un  Climate change performance index publié à l'occasion de la COP25 à Madrid, un classement dont elles ont laissé les trois premières places... vides.

Celle qui brigue donc le haut du podium, l'Europe, est pour sa part en 22e position. Et en son sein, c'est la Pologne qui hérite du titre de plus mauvaise élève de l'UE, du fait de sa forte dépendance au charbon, comme la Hongrie et la République tchèque. La Commission prévoit pour ces pays les plus en retard un « mécanisme de transition juste » qu'elle doit détailler en janvier 2020. L'ampleur de la tâche à accomplir est donc immense.

Mais en même temps... le délai de 30 ans paraît, au regard de l'urgence - encore signalée par une étude  rappelant que l'emballement climatique peut être incontrôlable avant même les +2°C - très long. Ne serait-ce que d'ici 2025, l'Europe sera-t-elle engagée dans une métamorphose drastique de ses modèles de production et de consommation permettant de réduire effectivement ses émissions, avec des objectifs progressifs, contraignants et non-conditionnés par un accès à un financement ou toute autre oui, mais ?

Une troisième échéance a marqué l'actualité de cette semaine, et pas des moindres : 2027. Edouard Philippe avait prévenu qu'il faudrait à l'avenir « travailler plus ». Mercredi 11 décembre, le premier ministre a annoncé  la mise en place d'un âge d'équilibre de 64 ans en 2027, assorti d'un système de bonus-malus permettant d'inciter les Français à travailler plus longtemps, au-delà de l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans, sans toutefois toucher à ce dernier. Pour la CFDT, pourtant favorable à un régime universel par points, avec l'introduction de cet âge d'équilibre, « la ligne rouge a été franchie et clairement franchie ». Son secrétaire général Laurent Berger s'est, dans la foulée, désolidarisé du gouvernement pour rejoindre les rangs de la mobilisation qui s'annonce, mardi 17 décembre, massive.

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