01/07/2022 reseauinternational.net  8 min #211246

La Moldavie sur la voie de devenir pro-américaine

par Philippe Rosenthal.

Depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, les États-Unis ont cherché à tourner la Moldavie vers l'Occident et à créer une atmosphère anti-russe avec l'intention de transformer le pays en un nouveau centre pro-OTAN sur le flanc géopolitique sud de la Russie. Une partie importante de la population moldave, au cours des 30 dernières années, s'est réorientée de positions pro-russes vers des positions pro-occidentales. Le rôle de l'OTAN continue de s'y enraciner.

Le site de l'ambassade des États-Unis en Moldavie  confirme que depuis 30 ans les États-Unis et la Moldavie ont construit un partenariat solide. Et, ce partenariat n'a jamais été aussi important qu'il ne l'est aujourd'hui. L'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID)  évoque en avril dernier la culture des rapprochements entre les États-Unis et la population moldave à l'occasion d'une rencontre entre Samantha Power, l'administratrice de USAID et la présidente moldave, Maia Sandu avec des citoyens américains d'origine moldave. À cette occasion Samantha Power a partagé ses impressions de son récent voyage en Moldavie et a transmis le partenariat des États-Unis avec le peuple et le gouvernement de la Moldavie.

En mai 2022, l'OTAN  indique sur son site que « la Moldavie coopère avec l'OTAN dans un grand nombre de domaines », que « cette coopération vise essentiellement à soutenir les efforts déployés par le pays pour réformer et moderniser ses structures et ses institutions de défense et de sécurité » et que « la Moldavie, dont la neutralité est inscrite dans la Constitution, cherche néanmoins à se rapprocher des institutions euro-atlantiques et à s'aligner sur leurs normes », et précise que « l'OTAN respecte pleinement la neutralité constitutionnelle du pays » alors que sa neutralité est déjà consommé.

Les États-Unis comprennent que de graves changements, concernant la perte du statut de neutralité de la Moldavie, peuvent fortement détériorer les relations entre Chisinau et Moscou dans le contexte de la crise ukrainienne. Ils ont décidé d'utiliser le conflit en Ukraine à leur avantage.

Les États-Unis et leurs alliés aident financièrement la Moldavie. Une pluie de dollars, mais aussi d'euros s'abattent sur le pays. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD)  prête 300 millions d'euros à la Moldavie pour renforcer la sécurité énergétique. Les États-Unis par le biais de l'USAID ont  décidé de fournir 50 millions de dollars au pays, sans oublier qu'un mois auparavant, Kent D. Logsdon, l'ambassadeur des États-Unis en poste en Moldavie, sur le dos de la crise ukrainienne, a  annoncé une aide de 30 millions de dollars.

L'objectif est d'encadrer le parcours pro-occidental du pays et de soutenir la rhétorique anti-russe dans les médias moldaves. Le travail est  attribué au consultant privé Nathan qui met en œuvre le programme de réforme structurelle financé par l'USAID. La mise en œuvre de ces réformes institutionnelles et structurelles a été renforcée par le conflit en Ukraine.

La Moldavie est actuellement dirigée par un parti défini par une orientation libérale occidentale. L'efficacité de ce projet l'amène dans l'escarcelle de l'OTAN et des États-Unis. Il n'est pas trop nécessaire de soudoyer ou de convaincre l'élite que ces projets sont nécessaires car elle acceptera volontiers ce nouvel ordre politique, économique et sociétal.

L'Occident ordonne aux dirigeants moldaves de prendre des mesures anti-russes d'où tous les récents voyages à Chisinau de hauts délégués américains et européens. Les dirigeants moldaves se sont, jusqu'à présent, abstenus de mesures majeures. Washington a pour objectif de transformer la Moldavie en un autre bastion anti-russe, une colonie.

Des réformes économiques spécifiques visent à réorienter l'économie moldave vers les marchés occidentaux car la guerre en Ukraine a affecté les corridors commerciaux, les chaînes d'approvisionnement et la demande de produits. En effet, la Moldavie réoriente ses flux économiques vers l'Occident.

Les responsables américains admettent ouvertement qu'ils envisagent de mettre fin aux relations commerciales et économiques entre la Moldavie et la Russie. Par exemple, même si les flux commerciaux ne devaient pas commencer avant le début de 2023, les réseaux électriques ukrainiens et moldaves se sont  synchronisés avec le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (ENTSO-E) le 16 mars.

Pour atteindre ces objectifs, les États-Unis ont également fourni un programme spécialisé de sous-subventions pour influencer l'opinion publique. Les finances américaines développeront de nouvelles infrastructures de transport et de nouveaux centres logistiques, renforceront le potentiel logistique interne et optimiseront les procédures douanières aux passages frontaliers entre la Moldavie et l'UE - le tout dans le but de faire face à un nouveau continent européen qui devrait émerger après le conflit en Ukraine.

Le 2 juin, le Parlement de Moldavie a  adopté la loi sur la « sécurité de l'information » interdisant la diffusion de programmes d'information russes. Les chaînes de télévision moldaves sont autorisées à ne diffuser que des émissions de divertissement en provenance de Russie car il est interdit de « diffuser à la radio et à la télévision des informations, des émissions militaires, politiques et analytiques d'un pays qui n'a pas ratifié la convention européenne sur la télévision transfrontière », prouvant, par ailleurs, que le russe reste une langue importante dans le pays. 50% des programmes étrangers diffusés à la télévision doivent provenir de l'Union européenne (UE), des États-Unis ou des pays signataires de cette convention européenne. Cela fait partie de la guerre de l'information menée par les États-Unis contre les habitants de la Moldavie pour les rééduquer. De cette façon, Washington continuera, sans aucun doute, à dépenser de l'argent pour remodeler l'opinion publique.

L'OTAN  envisage la possibilité de livrer des armes et de former l'armée moldave. Cela survient à un moment où la présidente moldave, Maia Sandu, lors d'un discours au Parlement européen, a  exhorté la Russie à retirer ses troupes de la région séparatiste de Transnistrie, notant que leur présence « viole la neutralité » de la Moldavie.

Cependant, comme nous pouvons le constater, la neutralité de la Moldavie a depuis longtemps été violée. Le pays poursuit une intégration dans l'OTAN. À titre d'exemple, l'armée moldave fournit des troupes à la Force pour le Kosovo (KFOR) depuis mars 2014 ce qui apporte la preuve que ce n'est pas un pays neutre.

En armant l'armée, en injectant de l'argent dans le secteur public pour développer une position anti-russe et en conseillant à l'élite dirigeante de développer une politique étrangère et intérieure absolument anti-russe, les États-Unis ont pour objectif de retourner la Moldavie contre Moscou. Le succès des États-Unis dans leur mission dépendra en grande partie de la situation en Ukraine. En ce sens, le sort de la Transnistrie pourrait dépendre d'Odessa et du fait que la ville restera ukrainienne ou passera sous le contrôle russe.

En mai dernier, l'ancien président de la Moldavie, Igor Dodon, a  été placé en garde à vue. Il prônait la coopération entre Chisinau et Moscou. Il est une figure centrale en Moldavie et son arrestation a eu un impact négatif sur l'état du bloc d'opposition. Cela pourrait unir l'opposition pour agir très fortement contre le gouvernement au pouvoir. Cependant, selon les médias locaux, elle est restée fracturée et il n'y a pas de dirigeants forts qui peuvent déclencher des manifestations généralisées car la population se concentre davantage sur l'amélioration des niveaux de vie, qui sont bas, que sur les enjeux politiques.

De cette façon, la Moldavie sous Maia Sandu continuera à s'intégrer à l'image d'un pays libéral occidental tout en détruisant les liens traditionnels avec la Russie. Cela devient d'autant plus problématique que de larges segments de la société moldave, y compris la quasi-totalité de la région séparatiste de Transnistrie, restent pro-russes et ne veulent pas voir les liens traditionnels ruinés au nom de servir les intérêts de Washington.

source :  Observateur Continental

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