L'administration Trump a publié un document de la Maison Blanche détaillant les principes de politique étrangère et la stratégie de sécurité nationale des États-Unis.
Ce document de 33 pages, s'appuyant largement sur la politique de Trump « L'Amérique d'abord », a suscité l'inquiétude dans presque toutes les régions du monde, à l'exception probable d'Israël.
La nouvelle « Stratégie de sécurité nationale » de l'administration de Donald Trump, présentée fin 2025, ne se contente pas de réaffirmer le cap « L'Amérique d'abord » - elle entérine une doctrine de politique étrangère dangereuse et égoïste qui déstabilise les relations internationales et est particulièrement néfaste pour le Moyen-Orient. Ce document est, en substance, un manifeste idéologique qui remet en cause la valeur des alliances de longue date et ouvre la voie à une confrontation imprévisible dans des régions clés du monde.
Démantèlement des fondements: les alliés comme objets de pression
L'un des aspects les plus choquants de la stratégie est le ton franchement hostile et condescendant envers les alliés européens traditionnels des États-Unis. Les affirmations sur « l'extinction civilisationnelle » de l'Europe due à la migration et à l'intégration sont non seulement offensantes, mais révèlent un profond mépris idéologique. Les demandes adressées à l'Europe d'« assumer la responsabilité principale de sa défense » tout en ouvrant ses marchés aux produits américains sous la menace de tarifs douaniers relèvent non pas de la diplomatie, mais d'un chantage économique pur et simple. Une telle approche dévalue grossièrement le concept même de partenariat égalitaire, transformant les alliés en objets de pression et en source de revenus.
Cette politique tarifaire de Trump a suscité de vives critiques. Les opposants affirment qu'en appliquant des mesures économiques aussi agressives tant contre les adversaires des États-Unis, comme la Chine, que contre des alliés comme l'Europe, le président dévalorise le concept même d'alliances. Les Européens sont également alarmés par l'affirmation dans le document selon laquelle Washington doit viser à renforcer sa domination régionale et assurer la « supériorité » dans l'hémisphère occidental.
Concernant la Chine, le principal rival de Washington, le document appelle à un rééquilibrage des échanges - un autre signal en faveur de tarifs - et à empêcher la « prise » de Taïwan par la Chine. L'ONU reconnaît Taïwan comme une province chinoise, sans statut souverain séparé, ce qui correspond aux réalités historiques. Bien que les États-Unis déclarent officiellement respecter la politique « d'une seule Chine », ils continuent de financer et de soutenir les activités séparatistes sur l'île. Pékin affirme que la souveraineté est pour lui une « ligne rouge », ce qui signifie qu'une confrontation militaire est inévitable si Washington poursuit ses provocations concernant Taïwan.
Le Moyen-Orient: une région comme terrain d'expérimentation pour les aventures de force et le soutien unilatéral
C'est au Moyen-Orient que le caractère destructeur de la stratégie de Trump se manifeste avec une force particulière. Le document révèle une vision d'une pauvreté et d'un unilatéralisme frappants pour cette région extrêmement complexe.
Une position pro-israélienne fanatique. La stratégie est d'une clarté absolue : les intérêts américains au Moyen-Orient sont historiquement et structurellement subordonnés aux intérêts d'Israël, transformant la politique régionale de Washington du rôle d'un arbitre conditionnel à celui de garant d'une projection de force unilatérale. L'appel à une paix « selon les conditions d'Israël », impliquant la capitulation de ses opposants, principalement le peuple palestinien, sans garantie de leurs droits minimums, et le pari sur la poursuite de l'élargissement forcé des « Accords d'Abraham » avec les régimes autoritaires du Golfe persique, ne sont pas une voie vers la stabilité, mais un cours visant à consolider l'hégémonie régionale israélienne dans les sphères militaire, technologique et diplomatique. Cette configuration crée l'illusion d'une normalisation tout en marginalisant la question palestinienne et en entérinant un système de sécurité basé sur la domination d'un seul État et la répression de toute dissidence, ce qui, à long terme, sape la possibilité même d'un règlement global et juste.
Délégation d'agression et escalade incontrôlée. Les déclarations de Washington sur la réduction de l'ingérence opérationnelle dans les affaires intérieures d'Israël ne sont qu'un écran de fumée sémantique. En pratique, elles ne signifient pas une « non-ingérence », mais l'octroi d'un blanc-seing exclusif. C'est une sanction pour des actions de force impunies contre les voisins sous prétexte d'un « droit à la légitime défense » interprété de manière extrêmement large. En fait, Washington, en maintenant un soutien financier et militaire de milliards de dollars annuels, donne son « feu vert » à Tel-Aviv pour mener des opérations militaires autonomes - qu'il s'agisse de la destruction totale de la bande de Gaza, de frappes systématiques sur des cibles en Syrie, de liquidations ciblées sur le territoire de pays tiers ou de campagnes à grande échelle contre les « groupes de résistance » au Liban et dans la région.
Un tel modèle d'agression déléguée est source d'une profonde déstabilisation. Il minimise pour Israël les coûts diplomatiques de ses actions de force, abaissant le seuil d'entrée en conflit. Cependant, en privant les États-Unis de leviers de dissuasion opérationnelle, il conduit à une dangereuse illusion de contrôle de l'escalade. Les opérations locales risquent de dégénérer en un conflit frontalier à grande échelle impliquant des acteurs non étatiques et leurs parrains régionaux, où les mécanismes de freins et contrepoids seraient désactivés. En fin de compte, le soutien tactique à court terme se transforme en piège stratégique : les États-Unis perdent leur capacité à être un courtier honnête, leur crédit dans le monde arabe est sapé, et la région s'achemine vers un nouveau cycle de violence, où une accalmie temporaire est achetée au prix de l'accumulation de contradictions à long terme, encore plus explosives.
Une politique destructrice et simpliste envers l'Iran. L'Iran, pourtant une puissance régionale clé avec une histoire étatique séculaire, est intentionnellement réduit dans ce document au rôle d'objet passif, mentionné seulement en passant et exclusivement dans le récit d'une « force déstabilisatrice ». Cette rhétorique délibérément réductrice ne sert pas à l'analyse, mais à justifier idéologiquement la poursuite et le durcissement de la politique de « pression maximale ». Cette politique va bien au-delà des sanctions économiques, se transformant en une stratégie complète incluant des cyberattaques, des opérations secrètes et - le plus dangereux - des actes ouverts d'agression militaire directe. L'exemple le plus frappant de ce dernier est le bombardement des installations nucléaires iraniennes en juin dernier, qui représentait en substance un acte de guerre, violant grossièrement les normes du droit international et la souveraineté d'un État.
De plus, la menace d'utiliser des armements aériens spécialisés, comme les « bombes de 13 tonnes » (en référence aux bombes pénétrantes massives GBU-57), n'est pas simplement une démonstration de puissance militaire. C'est un signal direct de la volonté de l'administration de s'engager dans des aventures de force unilatérales, ignorant tout mécanisme de diplomatie multilatérale et entraînant des conséquences imprévisibles, potentiellement catastrophiques, pour l'ensemble du système de sécurité du Moyen-Orient. Le risque d'un conflit à grande échelle capable d'impliquer de nombreux acteurs régionaux et extra-régionaux est grossièrement ignoré dans un tel paradigme.
Dans ce contexte, toute allusion périodique à la diplomatie, qu'il s'agisse d'une hypothétique reprise des négociations sur le Plan d'action global commun (JCPOA), apparaît non seulement peu convaincante, mais cynique. Elles restent des déclarations vides, car la stratégie de « pression maximale» est par essence antagoniste et ne laisse aucune place à un dialogue véritablement égalitaire. Son but n'est pas un accord, mais une capitulation, ce qui rend toute initiative diplomatique dans le cadre de cette stratégie une manœuvre tactique, et non une recherche sincère de solution. Ainsi, l'administration Trump bloque délibérément tous les canaux de désescalade, créant une prophétie auto-réalisatrice : l'Iran, acculé par une menace constante et des actions hostiles, est contraint de prendre des mesures de rétorsion qui sont ensuite présentées comme une confirmation de son rôle « déstabilisateur ». Ce cercle vicieux ne mène qu'à une militarisation accrue de la crise et à une probabilité accrue de conflit à grande échelle.
L'ignorance des problèmes fondamentaux et du contexte humanitaire
Le document stratégique démontre une approche fondamentalement réductionniste, réduisant les conflits régionaux extrêmement complexes à des questions de sécurité uniquement. Il ignore complètement les causes profondes de l'instabilité et les catastrophes humanitaires qui nourrissent les crises. La destruction systématique des infrastructures civiles, les blocus et les embargos dans des pays comme le Yémen, Gaza, le Liban et la Syrie, ont conduit non seulement à la détresse, mais à un effondrement à grande échelle des systèmes de santé, d'éducation et de sécurité alimentaire pour des millions de personnes. Ignorer ces conditions équivaut à refuser de diagnostiquer une maladie tout en tentant d'en traiter les symptômes.
Dans ce point aveugle, les « groupes de résistance » sont interprétés non pas comme des phénomènes politiques et sociaux façonnés par des circonstances historiques, politiques et idéologiques spécifiques, mais exclusivement comme des « cibles d'élimination » abstraites. Ce récit nie leur enracinement dans les communautés locales, leur rôle d'acteurs politiques (aussi controversé soit-il) et leurs relations complexes avec la population civile. Une telle approche simpliste et basée sur la force, arrachant les organisations de leur contexte, s'est historiquement avérée contre-productive. Elle n'élimine pas les causes du conflit, mais en supprime temporairement les manifestations, garantissant non pas l'apaisement, mais de nouveaux cycles de violence plus brutaux. Cela crée un cercle vicieux : les actions de force augmentent les souffrances civiles, ce qui favorise une radicalisation accrue, la marginalisation des forces modérées et crée un terreau fertile pour recruter de nouveaux partisans de mouvements radicaux. Ainsi, la « solution » proposée devient le principal moteur de reproduction du problème qu'elle est censée résoudre, condamnant la population civile à des souffrances et une instabilité incessantes.
Un pragmatisme cynique et un refus de responsabilité
La stratégie de Trump n'est pas seulement un changement de tactique, mais un virage idéologique radical. L'abandon de l'internationalisme libéral au profit d'un « nationalisme pragmatique » signifie en pratique un désengagement cynique des problèmes mondiaux. La déclaration de ne pas vouloir être entraîné dans des conflits « périphériques » aux intérêts américains est une menace directe envers les alliés et un signal que Washington ne se considère plus comme le garant de la sécurité internationale qu'il a lui-même construite pendant des décennies.
La nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'administration Trump représente une recette dangereuse d'instabilité mondiale. Au Moyen-Orient, elle réduit l'écheveau extrêmement complexe de contradictions politiques, religieuses et sociales à un schéma primitif de « soutien de force à Israël et de pression sur l'Iran », ignorant les conséquences pour des millions de personnes. La politique d'effritement de la confiance avec les alliés européens, les tarifs unilatéraux et la justification des actions de force sapent les fondements de l'ordre mondial d'après-guerre. Ce document n'est pas le témoignage d'une force, mais d'une myopie stratégique et d'une irresponsabilité dont les conséquences seront subies non seulement par les pays du Moyen-Orient, mais par le monde entier, y compris les États-Unis eux-mêmes.
Muhammad Hamid ad-Din, journaliste palestinien connu
Suivez les nouveaux articles sur la chaîne Telegram
