17/07/2022 infomigrants.net  5 min #212265

À Calais et Grande-Synthe, l'été aggrave le problème de l'eau pour les migrants

Un jeune homme remplit une bouteille au robinet installé près d'un campement, en juillet 2019. Ce lieu de vie a, depuis, été évacué. Crédit : InfoMigrants

Le problème n'est pas nouveau. "L'accès à l'eau a toujours été un énorme souci à Calais", souffle William Feuillard, coordinateur de l'association L'Auberge des migrants. Mais lorsque l'été arrive et que la chaleur s'installe, le problème s'aggrave. En été, à Calais, l'accès à l'eau devient une préoccupation majeure et occupe parfois toute la journée des migrants, comme des associations qui leur viennent en aide.

Alors que la majorité des campements se trouvent aujourd'hui en dehors de la ville, les deux seuls robinets (dans le centre-ville et près de la zone industrielle des Dunes) sont difficilement accessibles à pieds.

La distribution d'eau est assurée par la Vie active, mandatée par l'État. L'association distribue 1 500 à 2 500 litres d'eau par jour via des robinets sur ses camionnettes ainsi que des jerrycans de cinq litres, des quantités révisées à la hausse par la préfecture en cas de fortes chaleurs.

Une distribution de nourriture de La Vie Active, à Calais. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

Mais, selon l'Auberge des migrants, le service reste sous-dimensionné par rapport aux besoins. "Ils ont calculé 5 litres d'eau par personne et par jour alors que les recommandations de l'ONU sont de 20 litres par jour et par personne", souligne William Feuillard, qui relève également le problème que pose les distributions "statiques". "[Elles] ont lieux à des endroits précis donc il y a une inégalité d'accès pour les personnes qui doivent marcher 40 minutes pour venir récupérer de l'eau".

Cuves d'eau

Pour compléter ces distributions, l'association Calais Food Collective a installé des cuves d'eau potable de 1 000 litres sur cinq lieux de vie autour de la ville de Calais. Les bénévoles les remplissent plusieurs fois dans la journée, selon les besoins et le nombre de personnes qui dépendent de chaque cuve.

"La quantité d'eau distribuée fluctue énormément en fonction de la météo. S'il ne fait pas beau, on va en distribuer environ 5 000 litres, mais s'il fait chaud, on atteint les 10 000 litres", détaille Célia Maïr, chargée de plaidoyer à Calais Food Collective.

Ces derniers jours, la bénévole a noté que les missions de remplissages des cuves se multipliaient dans la journée, traduisant un plus grand besoin d'eau des exilés. "On a un numéro sur lequel les personnes peuvent nous appeler si des cuves sont vides et là, en ce moment, on a beaucoup d'appels", signale-t-elle.

Ces derniers temps, l'association rencontre une autre difficulté : de plus en plus de cuves sont percées, généralement au couteau et, depuis plus récemment, à la perceuse. "En l'espace d'un mois, on a eu quatre cuves endommagées, assure Célia Maïr. On réfléchit à un moyen de les réparer parce qu'une cuve c'est quand même 129 euros".

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La solution des cuves d'eau est également celle utilisée à Grande-Synthe par l'association Roots qui assure leur remplissage plusieurs fois par jour. Ici, "la situation est tout le temps en évolution, explique Chloé Magnan, membre de l'association. Les remplissages des cuves d'eau varient en fonction du nombre de personnes qui sont sur le camp. Avec l'été, il y a plus de personnes qui y passent [pour ensuite tenter la traversée de la Manche]."

Toute la journée, les bénévoles effectuent des allers-retours entre le point d'eau mis à disposition par la ville de Dunkerque et le camp, pour apporter environ 14 000 litres aux exilés.

"Tous les matins, on regarde combien il reste d'eau dans les cuves sur les camps. En ce moment, chaque jour, il ne reste rien. Donc les gens n'ont jamais de l'eau en continu. Il y a une coupure jusqu'à ce que l'on arrive", précise Chloé Magnan.

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Plus les migrants vivent dans des campements isolés, moins leur accès à l'eau est assuré. Un groupe de personnes s'est récemment plaint auprès de l'association Utopia 56 d'être resté deux jours sans eau.

Des douches trop rares

À Grande-Synthe, comme à Calais, l'eau est aussi un problème pour les douches que les chaleurs estivales rendent encore plus indispensables. À Calais, La Vie Active assure cinq jours par semaine le transport des migrants qui le souhaitent vers des douches, à l'extérieur du centre-ville. Une offre insuffisante, estiment les associations, vu les quelque 1 200 personnes qui vivent actuellement dans les environs de Calais. La préfecture du Pas-de-Calais, elle, estime leur nombre à 600.

À Grande-Synthe en revanche, la logistique des douches repose quasi-exclusivement sur l'association Roots qui ne peut proposer que trois douches par semaine pour environ 60 personnes. Le dispositif est complété, le dimanche matin, par un accès aux douches d'un gymnase que la municipalité ouvre aux migrants.

Pour les exilés, la manière la plus simple de se rafraîchir est bien entendu de se mettre à l'ombre. Mais celle-ci est de plus en plus difficile à trouver aux abords des campements de Calais  en raison des nombreux déboisements réalisés pour empêcher les migrants de s'installer à l'abri des regards.

"Si on compare à il y a 3-4 ans, les espaces verts ont été beaucoup réduits. De nombreux lieux de vie ont été déboisés et parfois même murés", affirme William Feuillard. Selon lui, plusieurs dizaines d'hectares de végétation ont déjà été détruits au niveau de l'hôpital de Calais.

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