José Antonio Egido
AFP
Donald Trump semblait prêt à en découdre avec le gouvernement du Venezuela. Mais voilà que le Wall Street Journal nous apprend que le président US exprimerait des réserves à une intervention militaire. Comment expliquer cette apparente marche arrière?
Après des menaces militaires sans précédent contre l'Amérique latine et les Caraïbes, le déploiement d'une flotte impressionnante, les ordres donnés à la CIA de préparer un coup d'État contre le président Nicolás Maduro et le meurtre de dizaines, voire de centaines, de membres d'équipage de vedettes rapides, le Wall Street Journal du 5 novembre écrit que Trump ne souhaite plus attaquer le Venezuela (« Trump Expresses Reservations Over Strikes in Venezuela to Top Aides »).
Le journal souligne que Trump a déclaré à ses subordonnés qu'une opération militaire ne permettrait pas de renverser le président Maduro. Il refuse d'admettre publiquement que sa principale opération militaire, lancée en août, ne produit pas les résultats escomptés. Le jeudi 6 novembre, la marine américaine a informé The War Zone que le porte-avions géant Gerald Ford restait stationnaire au large des côtes marocaines, sans se diriger vers le Venezuela (« Carrier USS Ford Holding Off Of North Africa As Trump Reportedly Won't Strike Venezuela »).
Trump reconnaît que, malgré les pressions intenses exercées par l'extrême droite, la bourgeoisie compradore latino-américaine et le complexe militaro-industriel des États-Unis pour envahir brutalement le Venezuela et assassiner ses dirigeants, il ne peut surmonter les nombreux obstacles à une attaque similaire à celles menées par Washington contre le Vietnam, la Serbie, l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, la Syrie et le Panama.
Le premier obstacle est l'unité dont bénéficie le président Maduro, non seulement au sein des forces armées vénézuéliennes et de la population qui le soutient, mais aussi parmi les forces d'opposition qui refusent de voir leur pays détruit par des missiles américains, comme ce fut le cas dans les pays susmentionnés.
La CIA a informé Trump que les forces armées vénézuéliennes ne le renverseront pas par un coup d'État, contrairement à ceux tentés par Washington à Caracas en 2002 et 2019, au Guatemala en 1954, au Chili en 1973 et dans de nombreux autres pays. L'intense campagne médiatique lancée principalement par le New York Times, le Wall Street Journal et des dizaines d'influenceurs YouTube, prônant une attaque immédiate et sanglante contre le Venezuela, n'a provoqué ni panique ni divisions au sein de l'armée ou du peuple vénézuéliens, habitués à résister aux menaces de Washington.
La deuxième difficulté réside dans le fait que non seulement le Congrès n'autorise pas un tel coup d'État, mais qu'une grande partie de la société américaine, y compris le mouvement MAGA, s'oppose à une agression militaire. Des personnalités proches de Trump, comme l'ancien stratège Steve Bannon, le commentateur Tucker Carlson et la conseillère Laura Loomer, mettent en garde contre les dangers d'une telle aventure.
La troisième difficulté tient à ce qu'un pays de taille moyenne, doté d'une armée et d'une milice populaire prêtes à combattre, ne pourrait être contrôlé par une invasion américaine. L'opposition de l'amiral Holsey à une attaque contre le Venezuela reflète l'opinion d'une partie des hauts responsables du Pentagone, qui ont tiré les leçons des défaites américaines au Vietnam, au Laos, en Afghanistan, en Irak et dans d'autres conflits.
La quatrième difficulté repose sur la position de la grande compagnie pétrolière américaine Chevron, qui préfère acheter pacifiquement du pétrole au Venezuela plutôt que de risquer que Caracas ne détruise ses propres puits avant qu'ils ne tombent aux mains de compagnies de pays ennemis.
La cinquième difficulté réside dans l'opposition des populations et des forces armées d'Amérique latine et des Caraïbes - y compris celles proches de Washington - à toute agression militaire contre le Venezuela ou tout autre pays de la région.
La sixième difficulté tient au soutien apporté par la Russie et la Chine au Venezuela face à la menace américaine. Trump ne se sent pas en mesure d'assumer les représailles de ces pays s'il attaquait, renversait ou assassinait le président Maduro. Sa récente rencontre avec le dirigeant chinois Xi Jinping marque un recul par rapport à la fermeté récemment affichée par la Chine sur plusieurs points de désaccord avec Washington. La porte-parole du gouvernement chinois, Mao Ning, a exprimé son opposition aux actions américaines contre le Venezuela. La Russie a confirmé le déploiement de systèmes de défense aérienne, de missiles balistiques et de missiles de croisière à Caracas. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a réaffirmé un soutien indéfectible à Maduro. Il n'est pas exclu que le président Poutine ait secrètement discuté avec Trump des conséquences négatives qu'aurait pour les États-Unis une intervention militaire d'envergure contre le Venezuela.
La septième difficulté réside dans l'affaiblissement du secteur d'extrême droite dirigé par Mme Machado et financé par le National Endowment for Democracy, lié à la CIA. Le soutien à un renversement violent de Maduro s'est érodé, tant en raison des actions du gouvernement vénézuélien que de la perte d'appui d'une partie de l'opposition interne.
Le risque d'une attaque nord-américaine désespérée demeure cependant. Trump subit toujours de fortes pressions de la part de son principal subordonné, Marco Rubio, du chef adjoint de cabinet de la Maison-Blanche, Stephen Miller, et du sénateur Lindsey Graham, qui représentent les intérêts les plus enracinés du complexe militaro-industriel, des compagnies pétrolières, des grandes banques et de la bourgeoisie compradore latino-américaine. Ils savent qu'un échec à renverser Maduro aujourd'hui renforcerait non seulement le président vénézuélien, mais aussi l'ensemble des pays indépendants de la région : outre le Venezuela, Cuba, le Nicaragua et les îles de l'ALBA, ainsi que le Honduras, le Mexique, la Colombie et le Brésil. Trump tentera de masquer son échec en imposant de lourds droits de douane aux pays qui continuent d'acheter du pétrole vénézuélien, même si Chevron en demeure l'un des principaux acheteurs.
Les peuples d'Amérique latine pousseront un soupir de soulagement si Trump renonce à ses fanfaronnades belliqueuses à leur égard.
