06/07/2025 bolivarinfos.over-blog.com  8min #283326

Argentine: Derrière l'accolade entre Lula et Cristina Kirchner

Par Paula Marussich

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos

La rencontre entre Lula et Cristina Kirchner a envoyé deux messages à Milei: la défense du MERCOSUR et le rejet de la persécution que subit l'ancienne présidente qui a dénoncé la « dérive autoritaire » du pays.

Lula da Silva a rendu visite à Cristina Fernández de Kirchner dans son appartement dans le quartier de Constitution et brisé le blocus que le Gouvernement libertaire, l'establishment et le pouvoir judiciaire cherchent à imposer à l'ancienne présidente. Le président du Brésil est venu en Argentine pour prendre la présidence tournante du MERCOSUR où il a plaidé pour l'intégration et le renforcement du multilatéralisme après un semestre marqué par l'ouverture commercial et le mépris que Javier Milei a exprimé pendant son mandat envers le bloc régional. Malgré son emploi du temps serré, le dirigeant du PT est allé à San José 1111 pour exprimer sa solidarité envers CFK. Avant cette rencontre, de fortes pressions ont été exercées sur le Gouvernement du Brésil à propos de l'opportunité de cette rencontre. « Ça n'a pas été facile mais la volonté politique de Lula a prévalu, » a confié une source qui a participé aux négociations. Cristina Kirchner a qualifié cette rencontre « d'acte politique de solidarité » et a dénoncé la « dérive autoritaire » de l'Argentine qu'elle a qualifiée de « terrorisme d'Etat de basse intensité. »

Cette rencontre en tête à tête a duré près d'une heure et s'est déroulée dans en le living de San José. « Ces rencontres sont des tête à tête, » dit-on dans l'entourage de l'ancienne présidente. « Ils ont parlé de l'Argentine, de la région et du monde dans une conversation fraternelle et hautement positive. » A la fin de cette rencontre, CFK a exprimé ses remerciements et a écrit sur les réseaux sociaux : « L'Argentine vit une véritable dérive autoritaire de la main du Gouvernement de Milei que nous pourrions qualifier de « terrorisme d'Etat de basse intensité. » Et elle a alerté sur le processus de fragilisation de la démocratie qui a cours dans le pays: « La démocratie, aujourd'hui, est vidée de l'intérieur par un Gouvernement qui se dit « libertaire »... mais qui ne donne la liberté qu'aux plus riches. »

Pour rendre visite à Cristina Fernández de Kirchner, Lula a dû demander l'autorisation à la Justice: « Il a exposé les conditions arbitraires dans lesquelles elle est détenue, » affirme l'un de ses collaborateurs. « Aujourd'hui, nous avons reçu le camarade Lula chez moi, où je suis assignée à résidence sur décision d'un pouvoir judiciaire qui ne dissimule plus sa soumission politique et est devenu une parti politique au service du pouvoir économique, » a écrit CFK. « Lula aussi a été persécuté, ils l'ont harcelé jusque'à ce qu'il soit mis en prison, ils ont aussi essayé de le faire taire. Ils n'ont pas pu. Il est revenu avec les voix du peuple brésilien et tête haute. C'est pourquoi sa visite, aujourd'hui, a été beaucoup plus qu'un geste personnel:ça a été un geste politique de solidarité. » Son message contenait des critiques envers le Gouvernement, envers Patricia Bullrich et les arrestations arbitraires qui ont eu lieu après l'appel à la lutte de José Luis Espert mais aussi un paragraphe encourageant: « Nous avons quelque chose qu'ils n'auront jamais: un « nous » et un « nous » de la taille et de l'histoire du peuple argentin... on ne se tait pas et on ne s'arrête pas. Ce « nous » revient toujours, Lula l'a démontré au Brésil et nous aussi, nous le ferons, » a écrit l'ancienne présidente en majuscules.

Après sa visite, Lula s'est rendu à la résidence de l'ambassadeur du Brésil et il a aussi parlé de cette rencontre sur ses réseaux sociaux: « En plus de lui exprimer ma solidarité pour tout ce qu'elle a vécu, je suis ai souhaité d'avoir la force de continuer à lutter avec la même détermination qui a caractérisé sa vie personnelle et politique, » a-t-il écrit sur X. « J'ai pu sentir le soutien du peuple qu'elle reçu dans la rue et je connais l'importance de cette reconnaissance dans les moments les plus difficiles, » a ajouté le président du Brésil qui a été détenu plus de 500 jours au siège de la police fédérale à Curitiba et n'a pas pu se présenter aux élections de 2018 au cours desquelles a été élu Jair Bolsonaro.

Les abords de l'appartement de l'ancienne présidente étaient bondés de militants péronistes, du PT et de citoyens venus participer à un moment historique. Il n'y a pas eu d'apparition au balcon comme on l'avait imaginé au début pour ne pas violer les conditions absurdes de l'assignation à résidence qui pèsent sur l'ancienne présidente: « Je suis venu les voir au balcon, » était le désir le plus souvent t exprimé par ceux qui attendaient dans la rue.

Les jeunes du PT qui se sont rassemblés à San José 1111 rappellent le campement « Lula libre » qui s'était installé aux abords du siège de la police fédérale à Curitiba. De là, ils saluaient chaque jour leur dirigeant emprisonné. « Que tu ailles bien et que tu continues ta lutte pour la justice, » a conclu Lula sur X. Une photo du président du Brésil avec une pancarte « Cristina libre », emblème de la campagne destinée à dénoncer la persécution politique, a aussi été diffusée.

La visite de Lula s'inscrit dans une série d'activités de cette campagne aussi bien sur le plan local qu'international. Des comités se sont formés dans différents pays de la région et de nouvelles visites qui sont déjà en train d'être envisagées avec la certitude que le processus sera long ne sont pas écartées. En août, une délégation de cette campagne portera cette revendication devant la Conférence régionale de la Femme organisée par la CEPAL, l'ONU femmes et le Gouvernement du Mexique.

Une décision politique

Lula a quitté le Palais San Martín où se déroulait le sommet du MERCOSUR et s'est rendu dans le quartier de Constitution. Les saluts glacés qu'il a partagés avec Javier Milei ont été à l'opposé du fort soutien qu'il a exprimé à l'ancienne présidente: « Mon amitié avec Cristina est une amitié de longue date et va bien au-delà des relations institutionnelles. C'est la tendresse et l'amour d'amis, de collègues dans le domaine de la politique et des idéaux de justice sociale, » a-t-il écrit sur son compte X après la rencontre. « Ça a été un soutien très important parce que c'est un dirigeant mondial, » a-t-on dit dans l'entourage de l'ancienne présidente. « Cela donne une visibilité très importante à Cristina et à notre protestation à nous, » ont-ils conclu.

Le soutien politique de Lula à Cristina Fernández de Kirchner a été organisé dès qu'on a su que la cour suprême de justice allait confirmer sa condamnation. L'expérience de la campagne « Lula libre » a servi de modèle pour organiser les premières activités autour de la proscription de CFK et pour donner une visibilité à la dénonciation de la persécution politique au niveau international. Le secrétariat du Parti Justicialiste pour les relations internationales et l'institut Patrie ont commencé à se coordonner avec le Parti des Travailleurs du Brésil et l'institut Lula. Une délégation dirigée par le député Paulo Pimenta, le premier à avoir anticipé la future rencontre entre Lula et CFK a participé à la marche du 18 juin. « Le geste de la visite a dépassé les attentes, » a confié une source qui a participé aux conversations.

Mais, les jours précédents, les négociations avaient été tendues. Selon ce que Página/12 a réussi à reconstituer, Lula a commencé à être l'objet de pressions à l'intérieur de son Gouvernement sur la pertinence de cette visite. Le Gouvernement traverse une période de haute sensibilité politique après l'annulation par la chambre des députés d'un décret intitulé IOF qui proposait de taxer les grandes fortunes. Le dirigeant du PT avait déjà annoncé qu'il aurait recours au plus haut tribunal du pays pour revenir sur cette décision. Mais malgré cela, la volonté politique de Lula qui avait compris les conséquences de sa visite a prévalu, » a-t-on expliqué à ce journal. Les intermédiaires du PT et l'ancien chancelier du Brésil Celso Amorim, une figure clef de la coordination entre ces deux espaces et dans la traduction diplomatique de ce geste, ont aussi joué un rôle décisif.

Restaurer le MERCOSUR

Le double ordre du jour de Lula da Silva - sa participation au sommet du MERCOSUR et sa visite à Cristina Fernández de Kirchner - ne répond pas à une logique purement diplomatique mais à une stratégie politique. Ces deux gestes font partie d'un même message: redonner de la valeur à l'intégration régionale. En pleine guerre des droits de douane déclenchée par les Etats-Unis, Lula réaffirme sa conviction qu'il faut renforcer le multilatéralisme. Lors de la passation de la présidence tournante, le président du Brésil a annoncé la remise en marche du Sommet social du MERCOSUR, un espace auquel participent les citoyens démantelé par des Gouvernements de droite. Cette mesure vise à redémocratiser la gouvernance du bloc et à lui rendre sa dimension politique et transformatrice. « C'est le mandat que Néstor et Lula ont partagé », a rappelé une source proche de l'organisation de cet événement.

Ce n'est pas un hasard si le cinquième axe du plan de travail tracé par le Brésil est: »promouvoir les droits de nos citoyens. » A contre-courant de l'ouverture dépolitisée prônée par Javier Milei, Lula cherche à rendre au MERCOSUR une centralisé en tant qu'outil de développement et de protection sociale.

Un peu après 15h, le président du Brésil est rentré à Río de Janeiro pour diriger le sommet des BRICS, le bloc d'économies émergentes qui représente aujourd'hui 36% du Produit Intérieur Brut mondial, un organisme dans lequel l'Argentine aurait pu entrer en tant que membre de plein droit si Milei n'avait pas renoncé à cette opportunité géopolitique.

Source en espagnol:

 resumenlatinoamericano.org
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