04/12/2025 essentiel.news  7min #298003

Briser le silence sur la nocivité des ondes électromagnétiques

Un scandale sanitaire de plus, étouffé par l'État français au bénéfice des lobbies.

 Alexandra Joutel

Sorti en 2025, le film L'Omerta retrace le calvaire vécu par Frédéric Salgues, éleveur de bovins basé à Mazeyrat d'Allier, en Haute-Loire, qui a vu ses vaches produire moins de lait et dépérir à partir de juillet 2021, juste après l'installation d'une antenne de téléphonie 4G à proximité de son exploitation.

Saisi, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rendu en mai 2022 une décision dans laquelle il ordonnait la suspension de l'activité de l'antenne pendant deux mois, afin de vérifier si l'état de santé du troupeau s'améliorait. Mais les quatre opérateurs Orange, Bouygues Télécom, Free et SFR, appuyés par le ministre de l'Économie et des Finances de l'époque (Bruno Lemaire), ont immédiatement formé un pourvoi en cassation auprès du Conseil d'État. Ce dernier a cassé la décision du tribunal administratif, rendant impossible cette expérimentation pourtant simple et factuelle qu'on appelle dans le jargon médical «challenge-déchallenge-rechallenge» (un protocole qui consiste à vérifier si des effets indésirables sont dus à un médicament en observant ce qui se passe quand on l'administre, quand on cesse de l'administrer, puis quand on le réadministre).

Démunis et comprenant qu'ils étaient impuissants face à des lobbies soutenus par l'État, Frédéric Salgues et ses deux associés (son épouse et son frère) ont cessé de se battre. Ils ont fini par vendre leurs bêtes pour éviter de les voir mourir et se sont reconvertis. Frédéric Salgues est par ailleurs devenu électrohypersensible et ne peut plus s'approcher d'une antenne-relais sans avoir des plaques rouges qui apparaissent sur sa peau comme des brûlures.

Réaction sur la peau de Frédéric Salgues (extrait du film)

Des perturbations touchant tous les organismes vivants

Basé sur une enquête menée par Philippe Dussart et produit par  Robin des Toits (Association nationale pour un système de communication sans risques sanitaire, environnemental et sociétal), ce documentaire de 27 minutes cherche à briser le silence sur un scandale sanitaire et social trop peu médiatisé. Selon les chiffres de l'ANAST (Association nationale animaux sous tension), 2 500 éleveurs français seraient aujourd'hui victimes d'installations génératrices de champs électromagnétiques artificiels (antennes-relais, éoliennes, lignes à haute tension, transformateurs électriques...), avec des répercussions lourdes les menant bien souvent à la faillite et au désespoir.

Les vaches amaigries de Frédéric Salgues (extrait du film)

L'impact délétère des ondes électromagnétiques sur la santé, en particulier des radiofréquences utilisées en téléphonie mobile, ne concerne cependant pas que le bétail et les éleveurs. Comme le souligne dans le film Gérard Ledoigt, docteur en sciences biologiques et ancien directeur d'un laboratoire de recherche sur les tumeurs et l'autosurveillance cellulaire à l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, tout organisme vivant peut en être perturbé.

Une étude publiée en juillet 2024 dans la revue  Ecotoxicology and Environmental Safety a ainsi observé les changements génétiques occasionnés chez des adultes en bonne santé vivant pendant au moins cinq ans près de tours de téléphonie mobile en Allemagne. Résultat: plus les résidents suivis vivaient près des tours et étaient exposés à des niveaux élevés de rayonnement radiofréquence (RF), plus des ruptures et des perturbations étaient observées au niveau de leurs chromosomes. D'autres études, réalisées précédemment dans plusieurs pays, ont établi un lien entre la proximité de tours de téléphonie cellulaire et l'augmentation du risque de développer un cancer.

Un niveau d'exposition en constante augmentation

Le documentaire de Robin des Toits souligne que la France compte aujourd'hui 70 685 sites 4G et 52 069 sites 5G, avec une forte augmentation du nombre de points atypiques sur la dernière décennie. Les points atypiques sont les lieux dans lesquels le niveau d'exposition aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l'échelle nationale par l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Le seuil des points atypiques est actuellement défini à 6 volts par mètre (V/m).

D'après le dernier rapport publié par l'ANFR, sur 4 651 mesures réalisées en 2024 dans des lieux d'habitation ou des lieux accessibles au public, 74 points atypiques ont été recensés (contre 15 en 2017 pour 3 836 mesures). La quasi-totalité (95%) se situaient dans des zones urbaines denses, le plus souvent en extérieur (balcon, cour, terrasse, jardin...) et à une certaine hauteur (18 mètres au-dessus du sol en moyenne, ce qui correspond à un immeuble d'habitation de six étages). Ces points atypiques se trouvent généralement à une trentaine de mètres du site radioélectrique le plus proche (sachant qu'il peut y en avoir plusieurs autour d'eux, chacun pouvant être utilisé par plusieurs opérateurs).

(Extrait du rapport de juin 2025 de l'ANFR sur les points atypiques)

En 2017, le taux de résorption de ces points atypiques était de 73%. Il est tombé à 22% en 2024, la densification des réseaux et l'usage accru des technologies mobiles rendant la résolution de ces points de plus en plus ardue. Pour régler le problème (ou le masquer), l'ANFR a proposé en 2025 de redéfinir le seuil des points atypiques en le faisant passer de 6 V/m à 9 V/m. Ceci dit, ce seuil n'a rien de sanitaire puisqu'il est établi à partir de la moyenne des niveaux d'exposition observés sur le terrain. Son évolution permet juste de confirmer que l'exposition globale de la population aux champs électromagnétiques augmente.

(Extrait du rapport de juin 2025 de l'ANFR sur les points atypiques)

Les limites réglementaires sont-elles vraiment adaptées?

Malgré tout, les niveaux des points atypiques mesurés en 2024 (entre 6 V/m et 27,1 V/m) restent inférieurs aux limites réglementaires en vigueur en France, fixées entre 28 V/m et 61 V/m selon les fréquences. Ces valeurs sont celles recommandées par l'Union européenne, elles-mêmes basées sur les recommandations de l'ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants). En Belgique et en Suisse, la réglementation est plus stricte concernant certains lieux.

Cependant, au vu des dégâts occasionnés sur des milliers de troupeaux et chez des millions de personnes dites électrohypersensibles (EHS, elles représenteraient environ 5% de la population française selon une estimation de l'ANSES parue dans son  rapport de mars 2018), la vraie question n'est pas de savoir si ces seuils réglementaires sont respectés, mais plutôt de savoir s'ils sont réellement adaptés pour protéger notre santé.

Quid des effets non thermiques?

Il est d'ailleurs important de souligner que les réglementations actuelles ne tiennent compte que des effets thermiques et de stimulation nerveuse des champs électromagnétiques, les seuls à être officiellement reconnus à ce jour, tandis que les effets non thermiques continuent d'être ignorés par les autorités. Ces derniers sont pourtant suspectés d'être responsables de nombreux désordres physiologiques, dont le développement de cancers (lire le document réalisé par Robin des Toits à ce sujet, ainsi que  l'étude publiée en novembre 2018 dans la revue Environmental Pollution par une équipe de l'European Cancer Environment Research Institute dirigée par le  Pr Dominique Belpomme).

Ÿ Pour plus d'informations sur les risques sanitaires liés aux ondes électromagnétiques:

 5G et 6G : un environnement de plus en plus nocif pour le vivant

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 L'électrohypersensibilité: une maladie environnementale

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