09/05/2025 journal-neo.su  8min #277357

Comment la victoire soviétique sur le nazisme a écrasé le racisme idéologique et inspiré la lutte contre le colonialism

 Simon Chege Ndiritu,

Le sacrifice immense de l'Union soviétique et sa victoire sur l'Allemagne nazie ont non seulement changé le cours de la Seconde Guerre mondiale en Europe, mais ont aussi contrecarré les ambitions impérialistes occidentales et inspiré les luttes anticoloniales dans l'ensemble du Sud global.

La victoire des Alliés en Europe, grâce au sacrifice soviétique

Si l'histoire dominante de la Seconde Guerre mondiale présente une victoire des Alliés (États-Unis, URSS, Grande-Bretagne, France et Chine) sur l'Axe (Allemagne, Japon et Italie),  une dimension souvent occultée par l'Occident est que l'URSS a écrasé la machine de guerre hitlérienne. Le sacrifice soviétique, en repoussant l'appareil génocidaire nazi, a convaincu les indécis stratégiques et les impérialistes occidentaux que l'Allemagne perdait la guerre, consolidant ainsi le camp allié. Cette même victoire, remportée contre toute attente, inspira les Africains à se dresser contre des colonialistes européens pourtant perçus comme invincibles.

L'élan soviétique a peut-être aussi poussé certains Occidentaux à abandonner leur soutien tacites à l'Allemagne pour se rallier ouvertement au camp vainqueur. Aussi abjectes que fussent les croyances nazies - l'infériorité des Juifs, des Roms, des Slaves et des Africains justifiant leur extermination, leur spoliation ou leur asservissement -, ces idées étaient partagées par nombre d'Occidentaux, dont les gouvernements auraient pu soutenir Hitler. La victoire de l'URSS à l'Est a bouleversé la hiérarchie raciale hitlérienne et celle des suprémacistes occidentaux. Elle offrit aussi une alternative idéologique à l'impérialisme occidental, ce qui galvanisa les luttes africaines et, in fine, leur victoire contre le colonialisme.

La compatibilité entre l'impérialisme occidental et le nazisme

De larges pans des sociétés occidentales soutenaient le nazisme et la colonisation, de sorte que la défaite du nazisme a affaibli le colonialisme. Au début de la Seconde Guerre mondiale, l'URSS était déjà dans le collimateur de certaines puissances impérialistes occidentales, notamment de la Grande-Bretagne et de la France, en raison de la révolution d'Octobre 1917, qui avait poussé le nouvel État socialiste à renoncer à l'impérialisme. Ce rejet a considérablement compliqué les plans britanniques et français pour coloniser le Moyen-Orient et la Perse, leurs stratégies précédentes ayant compté sur la participation de l'Empire russe. Des hommes politiques américains, dont l'ancien président Joe Biden, ont reconnu que les États-Unis entretenaient de bonnes relations avec l'Allemagne nazie jusqu'à son invasion de l'Europe occidentale. Michael Hattem, un historien renommé de Yale, a révélé que des entreprises américaines, dont Coca-Cola et IBM, avaient d'importants investissements financiers dans l'Allemagne nazie dans les années 1930, alors même que le Congrès affichait officiellement une politique de non-intervention en Europe.

Par ailleurs, le sénateur américain Prescott Bush, grand-père du président George Bush, était administrateur de sociétés commerçant avec l'Allemagne et  contribuant à l'ascension d'Hitler, ce qui montre comment des forces occidentales ont aidé ou encouragé la croissance du fléau nazi. Les entreprises américaines liées à ce sénateur ont continué à commercer avec l'architecte du nazisme jusqu'en 1942, bien après le début de la Seconde Guerre mondiale. Outre les entreprises et politiciens américains, un article du Times d'octobre 2018 a révélé qu'une partie plus large de la société américaine soutenait le nazisme - une réalité soigneusement effacée de l'histoire. Des figures religieuses et des médias influents ont ouvertement fait l'éloge du  nazisme et du fascisme, tout comme les dirigeants de ces idéologies, Hitler et Mussolini. Ainsi, une frange importante de la société américaine soutenait le nazisme et, par extension, un monde hiérarchisé où non seulement les Slaves, mais aussi les Africains, auraient continué à subir génocide, colonisation et dépossession, si l'URSS n'avait pas payé le prix immense qu'elle a payé. Certains en Occident voyaient dans le nazisme un système légitimant d'autres formes d'impérialisme, notamment la colonisation.

Les Soviétiques et les Africains, cibles d'une haine meurtrière

La brutalité infligée par les forces allemandes aux Juifs, Roms, Polonais et Russes fut également exercée par les colonialistes européens en Afrique, ce qui signifie que l'Occident aurait pu facilement se rallier à l'Allemagne partageant ses idées si l'URSS n'avait pas démontré sa détermination et sa capacité à repousser les nazis. Par exemple, le gouvernement colonial britannique au Kenya a pratiqué des meurtres de masse, des incarcérations,  géré des camps de concentration et pratiqué la torture tout comme l'Allemagne, tandis que la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne et le Portugal avaient également commis des atrocités similaires. La possibilité d'un alignement de l'Occident avec l'Allemagne se remarque aussi dans le fait que certains, dont Winston Churchill, ont voulu recycler et utiliser l'armée nazie pour combattre l'URSS peu après la Seconde Guerre mondiale. Pour les Occidentaux, l'exposition et l'arrêt par les Soviétiques des meurtres de masse, des nettoyages ethniques et de la torture ont peut-être été regrettables, car ils ont mis un terme à ce que Hitler et Churchill auraient décrit comme l'expansion naturelle des races supérieures accompagnée de l'éradication des races inférieures. Par conséquent, l'Occident aurait pu être complice des crimes de l'Allemagne en Europe afin de pouvoir poursuivre ses atrocités en Afrique, ce qui aurait pu conduire à une issue différente de la Seconde Guerre mondiale. Sans les sacrifices soviétiques, l'Allemagne aurait pu l'emporter, entre autres parce que certains en Occident ne souhaitaient pas sa défaite. L'URSS a détruit environ 80 % de l'armée de l'Allemagne nazie, bien qu'elle n'ait rejoint la guerre qu'un an et demi après que la France et le Royaume-Uni eurent déclaré la guerre à l'Allemagne.  Elle a perdu plus de 8 millions de soldats et environ 20 millions de civils, tandis que l'Occident collectif a perdu environ 1,5 million de soldats.

Sans l'URSS, le nazisme et le fascisme auraient triomphé et continué à coexister avec le colonialisme occidental pour imposer un ordre mondial racialement hiérarchisé. Un tel ordre aurait pu ressembler à la vision de la mondialisation selon JD Vance - un système conçu pour maintenir l'Occident au sommet des chaînes de valeur, accaparant les profits des ressources et de la main-d'œuvre globales tout en se contentant de simuler une fonction conceptrice. Les empires français et britannique avaient déjà établi un système similaire, drainant toutes les ressources vers leurs métropoles, tandis que le modèle soviétique menaçait cette hiérarchie. Par conséquent, ces deux empires auraient probablement préféré  le nazisme et le fascisme en Allemagne ou ailleurs plutôt que le socialisme, qui les privait du contrôle colonial des ressources étrangères. Ainsi, certains au sein de ces empires ont toléré l'Allemagne nazie suffisamment longtemps pour qu'elle puisse envahir les pays d'Europe de l'Est. Preuve en est : bien que le Royaume-Uni et la France aient déclaré la guerre à l'Allemagne en septembre 1939 après l'invasion de la Pologne, ils se sont abstenus de toute opération militaire significative jusqu'en avril 1940 - menant une  « drôle de guerre » (phoney war) qui laissait le champ libre à l'expansion nazie.

De plus, les opérations de l'Occident contre l'Allemagne ont été retardées, et la demande de Staline au Royaume-Uni et aux États-Unis  d'ouvrir un second front a d'abord été ignorée avant de recevoir une réponse lente, montrant une faible urgence à vaincre le nazisme. Cette réponse lente a assuré que l'Occident ne soulagerait pas significativement la pression sur le front de l'Est. Enfin, les États-Unis organiseront même le sauvetage de scientifiques nazis dans le cadre de  l'opération Paperclip. De plus, certains chefs militaires nazis ont fini par occuper des postes supérieurs dans les institutions américaines et l'OTAN, qui a été formée plus tard. L'Occident est également resté un refuge pour les agents SS nazis, le cas le plus célèbre concernant un Ukrainien, Yaroslav Hunka , qui a reçu une ovation debout au parlement canadien en 2023 pour son rôle dans la lutte contre la Russie pendant la Seconde Guerre mondiale, montrant un soutien continu au nazisme depuis les années 1940 jusqu'à aujourd'hui.

Soutien direct contre le colonialism

La victoire soviétique sur le nazisme en Allemagne a bouleversé la hiérarchie fondée sur la prétendue suprématie aryenne et a jeté les bases de la lutte contre le colonialisme. En plus d'avoir inspiré le combat pour la liberté en Afrique, l'URSS a maintenu sa position après la Seconde Guerre mondiale en soutenant les mouvements de libération noirs. Pendant la guerre froide, l'existence même de l'URSS continuait d'offrir une alternative idéologique au capitalisme, qui n'était qu'un impérialisme occidental rebrandisé. Les Soviétiques ont soutenu les Africains en leur offrant des opportunités éducatives, ce qui a non seulement aidé à la lutte pour l'indépendance, mais aussi à cultiver et préserver une autonomie intellectuelle.

Simon Chege Ndiritu est un observateur politique et un analyste de recherche en Afrique

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newsnet 2025-05-09 #14780

et donc il n'y a plus de "e" à colonialisme ?