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Comment les colons israéliens organisent la violence pour expulser les Palestiniens

Al Mayadeen, 25 décembre 2025.- Une enquête révèle comment les avant-postes des colons s'étendent grâce à des intimidations coordonnées, à la mobilisation en ligne et aux déplacements forcés répétés de communautés palestiniennes en Cisjordanie occupée.

Expansion des colonies du Grand Israël en Cisjordanie : Des colons terroristes étrangers ajoutent des maisons mobiles à l'avant-poste de colonisation établi sur le mont Qarqafah, entre les villes d'Aqraba et de Jurish, au sud-est de Naplouse. (Source :  Middle East Observer)

Le Guardian décrit l'avant-poste de colons israéliens d'Or Meir comme petit mais stratégiquement situé : un ensemble de structures blanches préfabriquées au bout d'un chemin de terre bifurquant de la route 60, principal axe nord-sud traversant la Cisjordanie occupée. Loin d'être fortuit, son emplacement témoigne d'une volonté délibérée d'accaparer davantage de terres palestiniennes.

Selon le Guardian, les avant-postes comme Or Meir sont systématiquement présentés comme temporaires, avant d'être progressivement consolidés puis officialisés comme colonies permanentes. Des membres du gouvernement israélien ont ouvertement reconnu que cette méthode d'expansion vise à fragmenter le territoire palestinien et à entraver l'émergence d'un État palestinien viable, consolidant ainsi un projet de colonisation largement condamné par le droit international.

Pour les Palestiniens vivant à proximité, cette expansion s'accompagne fréquemment de violences. Une famille bédouine a déclaré à Reuters que des assaillants venus d'Or Meir l'année dernière avaient lancé des cocktails Molotov, les forçant à quitter les terres qu'ils habitaient depuis longtemps. Ils craignent de ne jamais pouvoir y retourner. Les messages partagés sur la chaîne Telegram publique d'Or Meir célèbrent l'expulsion des éleveurs bédouins et présentent cette initiative comme une campagne visant à assurer un contrôle durable sur ce que les colons qualifient de territoire « stratégique ».

Une année d'escalade de la violence des colons

Selon les données des Nations Unies, cette année a été parmi les plus violentes jamais enregistrées en matière d'attaques de colons israéliens contre les Palestiniens en Cisjordanie, avec plus de 750 blessés. Cette violence coïncide avec une expansion rapide des avant-postes de colons sur des terres que les Palestiniens considèrent comme essentielles à tout futur État.

L'ONG israélienne La Paix Maintenant a recensé 80 avant-postes construits pour la seule année 2025, un record depuis le début de son suivi de cette activité en 1991. Le 21 décembre, le gouvernement israélien a approuvé 19 nouvelles colonies, dont plusieurs anciens avant-postes.

Depuis des décennies, les colons établissent des avant-postes sans autorisation officielle. Bien que les autorités israéliennes les démolissent parfois, nombre d'entre eux réapparaissent et finissent par être reconnus comme des colonies officielles. Smotrich a joué un rôle déterminant dans les initiatives visant à légaliser des dizaines de ces sites.

La majeure partie de la communauté internationale considère que toute activité de colonisation israélienne en Cisjordanie est illégale au regard du droit international régissant l'occupation militaire. « Depuis notre installation sur ces terres, nous avons démantelé neuf avant-postes bédouins illégaux et restitué 6.000 dunams [600 ha] aux Juifs », indiquait un compte Or Meir publié en septembre.

Campagnes organisées pour s'accaparer les terres palestiniennes

Une enquête menée par Reuters sur la chaîne Telegram d'Or Meir, ainsi que sur une douzaine de groupes similaires sur Telegram et WhatsApp, des entretiens avec des colons et des militants pro-colonisation, et des reportages de terrain, suggèrent des initiatives coordonnées pour s'emparer des terres et expulser les Palestiniens.

« Les preuves montrent qu'il s'agit d'un schéma de violence systématique », a déclaré Milena Ansari, chercheuse pour Human Rights Watch basée à Al-Quds.

La famille bédouine Musabah a déclaré que des assaillants étaient arrivés de nuit en juin, en provenance d'Or Meir. Lorsque Reuters s'est rendu sur place en décembre, les vestiges calcinés de leur maison et d'une grange étaient encore visibles.

« Nous vivions ici, en sécurité grâce à Dieu », a déclaré Shahada Musabah, 39 ans, qui a trouvé refuge dans le village palestinien voisin de Deir Dibwan. « Ils ont commencé à mettre le feu et ils ont tout détruit. Ils ne nous ont rien laissé. » L'armée israélienne a déclaré à Reuters que des dizaines de colons israéliens avaient incendié des propriétés à Deir Dibwan la nuit en question, mais a affirmé que tous les suspects avaient quitté les lieux avant l'arrivée des forces de sécurité. Un responsable du conseil local a indiqué qu'une soixantaine de colons étaient impliqués et que plusieurs villageois avaient été blessés.

Responsabilisation minimale

Lors d'un appel téléphonique, Elkanah Nachmani, un colon d'Or Meir, a menacé des journalistes de Reuters s'ils s'approchaient à nouveau de l'avant-poste, sans toutefois répondre aux questions concernant les attaques.

L'organisation israélienne de surveillance Yesh Din indique que sur les centaines de cas de violence perpétrés par des colons et documentés depuis le 7 octobre 2023, seuls 2 % ont donné lieu à des inculpations.

Plus de 1.000 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie entre octobre 2023 et octobre 2025, principalement lors de raids israéliens et, dans une moindre mesure, lors d'attaques de colons, selon l'ONU.

Des avant-postes aux colonies

Le groupe Or Meir a ouvertement affiché ses ambitions. En novembre 2024, il a déclaré vouloir établir « une présence juive continue » le long d'une crête près de la colonie d'Ofra.

Dror Etkes, militant israélien pour la paix, a affirmé que de tels avant-postes fragmentent la Cisjordanie et « limitent la possibilité pour les Palestiniens de s'installer dans ces zones ».

Malgré les efforts du gouvernement pour officialiser des dizaines d'avant-postes, l'armée israélienne a déclaré à Reuters qu'Or Meir demeure illégal et a été évacué à plusieurs reprises. Elle n'a pas expliqué pourquoi le site a été démantelé à plusieurs reprises ni comment il a pu réapparaître.

Après sa dernière évacuation en mars, Or Meir a refait surface grâce à plus de 100.000 shekels (30.000 dollars) collectés par le biais de dons, selon son site web, une affirmation que Reuters n'a pas pu vérifier de manière indépendante. Ofra, située juste au nord d'Or Meir sur la route 60, était à l'origine un avant-poste illégal et est depuis devenue une importante agglomération.

« Toutes les avancées dans les implantations ont été réalisées de cette manière », a publié le compte Telegram d'Or Meir après l'évacuation de mars. « Au début, l'État a refusé... mais face à la persévérance des citoyens, il a fini par céder.»

Smotrich a déclaré en décembre que plus de 51.000 logements avaient été approuvés dans les implantations de Cisjordanie depuis fin 2022, ce qui s'inscrit dans ce que l'ONU a qualifié d'expansion la plus rapide depuis le début du suivi en 2017.

Contrôle territorial

En septembre, le compte Telegram Or Meir a publié une carte délimitant une vaste zone s'étendant jusqu'aux abords de Deir Dibwan, affirmant qu'elle était sous le contrôle de l'avant-poste. Les autorités locales indiquent que les Palestiniens n'ont plus accès à environ 25 ha de terres à l'intérieur de cette zone.

La carte identifiait également plusieurs lieux qualifiés d'« avant-poste d'invasion arabe abandonné », en référence à des sites où des familles bédouines avaient été chassées.

La route 60 est bordée de villages et croise la route 505, qui se dirige vers l'est en direction de la vallée du Jourdain. Le long de cette route se trouve Evyatar, un village qui a débuté comme un avant-poste de tentes en 2019, a été évacué en 2021 et a été officiellement reconnu en 2024.

Le maire d'Evyatar, Malkiel Barhai, a remercié Smotrich pour cette reconnaissance. S'exprimant avec un pistolet dissimulé dans son pantalon, Barhai a déclaré que la colonisation était nécessaire pour maintenir la route 505 ouverte « parce que nous avons des villages arabes, des villages arabes hostiles, tout autour ».

Un responsable municipal de Beita a indiqué à Reuters que des colons des avant-postes et colonies voisines avaient tué 14 personnes dans la région entre 2021 et 2024.

Le 8 novembre, des journalistes de Reuters ont été témoins d'une agression de colons contre des Palestiniens récoltant des olives près de Beita. Ils les ont attaqués à coups de bâtons, de gourdins et de pierres. Deux membres de l'équipe de Reuters ont été blessés. Barhai a nié toute responsabilité des colons.

Samer Younes Ali Bani Shamsah, un agriculteur palestinien qui a eu la jambe cassée lors d'une attaque de colons, a déclaré qu'il ne quitterait pas ses terres.

« C'est chez moi, ici. Où irais-je ?» a-t-il dit en désignant un autre avant-poste surplombant ses oliviers.

Article original en anglais sur  Al-Mayadeen / Traduction MR

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