16/05/2022 francesoir.fr  5min #208229

De l'importance de la « libre-pensée »

Auteur(s): Xavier Azalbert, directeur de la publication de FranceSoir

EDITO - Dixit Wikipédia (1) : la libre-pensée est un « mode de pensée et d'action débarrassé des postulats religieux, philosophiques, idéologiques ou politiques ».

En outre, la notion de libre-pensée (apparue pour la première fois dans un discours de Victor Hugo de 1850) se fierait principalement aux propres expériences existentielles du libre-penseur, à la logique et à la raison. Un savant mélange de rationalisme, d'empirisme et de doute, afin de pouvoir se faire une opinion départie de tout dogme.

Mais, évidemment, spécificité du concept oblige, nulle définition de la libre-pensée ne fait consensus. Chaque libre-penseur a la sienne, plus ou moins différente de celles des autres.

Voici la mienne.

La libre-pensée n'est pas une doctrine : c'est une méthode. C'est une manière de conduire sa pensée et son action. Autrement dit, elle n'est pas tant une affirmation de la vérité qu'une recherche de la vérité, recherche qui s'effectue uniquement à travers la raison et l'expérience.

C'est la recherche de l'idéal par la raison.

Toutefois, préséance donnée à la raison oblige, le libre-penseur accepte la méthode scientifique qui apporte des preuves, qui démontre par la logique et qui permet la reproductibilité expérimentale des résultats qu'elle livre.

En effet, cela permet d'acquérir une connaissance empirique qui n'a pas de caractère absolu ou immuable. Une connaissance qui reste modifiable par l'apport de nouveaux éléments, de nouvelles découvertes.

Et philosophiquement, la libre-pensée revient à rechercher ceci :

  • le vrai par la science ;
  • le bien par la morale ;
  • et le beau par l'art.

Une précision importante. Cette méthode, cependant, ne nie ni l'intuition, ni le pressentiment, ni la notion de foi. Bien au contraire. Ces éléments doivent être des moteurs inventifs des arts, des cultures et des mythes humains. Des moteurs qui les séparent rigoureusement des faits matériels, physiques, chimiques et biologiques (ou encore de la logique mathématique), à savoir des faits qui eux, pour leur plus grande part, sont des faits vérifiables.

Et cette séparation philosophique, basée sur la raison, contribue également à fonder la notion de laïcité.

Pour le libre-penseur, il n'y a aucune autorité qui puisse s'opposer à la raison. C'est pourquoi il rejette toute croyance imposée, et toute autorité qui impose :

  • une tradition ou une croyance ;
  • une législation ou un pouvoir public basés sur une tradition ou une croyance ;
  • et des limitations à la liberté de conscience d'un individu.

Toutefois, deux courants philosophiques divergent parmi les libres-penseurs :

  • l'un se base uniquement sur l'acquis (par opposition à l'inné) et sur le déterminisme matérialiste, ceci en vertu du principe de causalité, du passé et de l'objectivité des lois de la physique ;
  • et l'autre accepte la composante anthropologique du genre humain, car il la juge essentielle, essentielle au regard de la subjectivité et en vertu du hasard, du principe d'incertitude et de la théorie du chaos, des paramètres qui rendent imprévisible un système physique purement causal.

Voilà. Et en ces temps actuels, où, dans la version officielle de l'information livrée aux citoyens,  fausses vérités et vrais mensonges s'entremêlent à foison, les libres-penseurs sont devenus aussi rares que fondamentaux. « Fondamentaux » si tant est que la majorité veut encore que la France soit le pays des droits de l'homme, et que sa devise, « Liberté, égalité, fraternité », y ait toute son effectivité.

Car hélas, dans cette crise du Covid qui perdure, « complotiste » est à la fois le synonyme et la définition de « libre-penseur », que la version officielle impose dans les médias subventionnés ; des médias aux ordres via lesquels les stalinistes de tous bords (et qui désormais avancent à visage découvert sur les plateaux de télévision et dans les radios) ont donc remplacé « la libre-pensée » chère à Hugo, Voltaire et autres (car essence même de la démocratie), par « la pensée unique » : l'apanage des dictateurs.

Et ceci avec d'autant plus d'impact négatif pour la liberté tout court, qu'à cette stigmatisation médiatique, l'État a adjoint une répression judiciaire pareillement féroce, et une censure équivalente sans précédent sur les réseaux sociaux.

De surcroît, en annihilant méthodiquement la libre-pensée de la sorte, l'État a similairement réduit (triste constat) à peau de chagrin, son prolongement naturel au cœur de la communauté humaine : les conversations privées. Cela a pour effet d'avoir augmenté en proportion les clivages à l'intérieur de la société, qu'ils soient ethniques, religieux, générationnels, économiques, sociaux ou autres.

Or, face à un danger, c'est à l'unité de la nation qu'il faut œuvrer, et non pas à sa dislocation à tous les niveaux.

À cet égard, le devoir de mémoire que nous impose la journée nationale de commémoration de l'abolition de l'esclavage me semble primordial.

Pourquoi ? Parce qu'enfermer la libre-pensée dans une pensée collective imposée, quelque part, c'est esclavagiser les gens. C'est faire fi du « Je pense, donc je suis. »

A fortiori quand on y enferme aussi le génie.

Diable ! C'est avec la libre pensée et le génie que l'on a fait la science.

Dès lors, cloîtrer la libre-pensée et bloquer son moyen d'expression intrinsèque qu'est la conversation, cela revient ni plus ni moins à empêcher le progrès. (3)

(1) Définition de la libre-pensée

(2)  Fédération nationale de la libre-pensée

(3)  Onfray, le temps de Proudhon

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