Par Corinne Autey-Roussel
« Quand les États conquis sont, comme je l'ai dit, accoutumés à vivre libres sous leurs propres lois, le conquérant peut s'y prendre de trois manières pour s'y maintenir : la première est de les détruire ; la seconde, d'aller y résider en personne ; la troisième, de leur laisser leurs lois, se bornant à exiger un tribut, et à y établir un gouvernement peu nombreux qui les contiendra. dans l'obéissance et la fidélité : ce qu'un tel gouvernement fera sans doute ; car, tenant toute son existence du conquérant, il sait qu'il ne peut la conserver sans son appui et sans sa protection ; d'ailleurs, un État accoutumé à la liberté est plus aisément gouverné par ses propres citoyens que par d'autres. » - Machiavel, Le Prince
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l'Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort... apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde... C'est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. » - François Mitterrand
Le véritable vainqueur de la Deuxième Guerre mondiale n'est pas l'alliance des puissances occidentales, mais Staline. La terrible bataille de Stalingrad, la plus meurtrière de toute l'histoire de la guerre (17 juillet 1942 - 2 février 1943), le bourbier de la Campagne du Caucase (23 juillet 1942 - 9 octobre 1943) 1 et la gigantesque bataille de Koursk (5 juillet-23 août 1943), véritables points de bascule de la Deuxième Guerre mondiale, signeront l'échec de l'opération Barbarossa, l'enlisement de la Wehrmacht en Union Soviétique et à terme, la défaite de l'Allemagne. 2
Après ces retournements de situation, les tanks et les katiouchas de l'Armée rouge, à l'offensive, avancent vers l'ouest, luttant pied à pied contre les troupes nazies et menaçant de libérer à eux seuls l'Europe entière. Les Américains et les Britanniques s'en alarmeront et décideront d'une attaque en Normandie, ostensiblement pour vaincre l'Allemagne, en réalité pour préserver leurs intérêts en Europe.
Car les Américains, contrairement à ce que croit la majeure partie de la population, n'étaient pas, à l'origine, des ennemis du régime d'Hitler. Loin de là.
L'Allemagne nazie et les USA, un panier d'intérêts communs
Depuis le Traité de Versailles, des investissements américains acheminés via des des firmes d'avocats d'affaires, par exemple Sullivan & Cromwell (où œuvrent les frères Allen et John Foster Dulles, plus tard respectivement directeur de la CIA et Secrétaire d'État), Brown Brothers Harriman (propriétaires de la Union Bank of New York présidée par Prescott Bush, le père de George H. W. Bush) ou la BIS (Banque des règlements internationaux 3) bâtissent peu à peu le complexe militaro-industriel de l'Allemagne nazie. Les investissements de part et d'autre créent un inextricable appareil d'obligations et de complicités qui compte des entreprises comme DuPont, Union Carbide, IBM, Coca Cola, Gillette, Westinghouse, General Electric, Goodrich, Singer, Kodak, ITT, JP Morgan, Ford, General Motors et d'autres, y compris le mastodonte allemand I.G. Farben, qui détient des parts d'entreprises américaines comme Bayer Co, General Aniline Works, Agfa Ansco, Winthrop Chemical Company, etc 4 - « Après les Rockefeller, le plus grand actionnaire de la Standard Oil [aujourd'hui Exxon] était I.G. Farben, le géant chimique allemand. Cet investissement faisait partie d'un schéma d'investissements réciproques entre les USA et l'Allemagne au cours des années nazies. Pendant la Grande Dépression, l'Allemagne était considérée comme un point de convergence pour investisseurs. » - The Thistle, Volume 13, Number 2, 2000-2001, Massachusetts Institute of Technology. 5
Mais la Grande Dépression de 1929 entame sévèrement les profits et à Berlin, des accrochages explosifs entre communistes et nazis font craindre la récidive d'un scénario de type révolution soviétique. Pour contrer la menace, des puissances industrielles telles que Thyssen, la Union Bank de Prescott Bush, Krupp et Schacht financent la montée d'Hitler. 6
En 1933, Hitler accède au pouvoir. Les affaires sont sauvées. Le programme de réarmement du Troisième Reich, en particulier, voit prospérer des entreprises américaines implantées sur le sol allemand - même Coca Cola, avec son soda caféiné propre à « soutenir l'effort des ouvriers qui doivent travailler dur », passera de 243 000 à 4,5 millions de caisses entre 1934 et 1939.
En cette même année 1939, deux compagnies américaines, General Motors et Ford, contrôlent 70% du marché automobile allemand. Selon un rapport au Sénat US présenté par l'historien Bradford C. Snell en 1974, « Le début de la guerre, en septembre 1939, verra la conversion intégrale des usines de la General Motors et de Ford à la production d'avions militaires et de camions blindés sur le terrain, des filiales de GM et Ford construisaient presque 90% des autochenilles Maultier/Sd.Kfz et plus de 70% des camions de transport du Reich. Ces véhicules, selon les services de renseignement américains, représentaient « la colonne vertébrale du système de transports de l'armée allemande. » Sur un ton très pince-sans rire, Snell ajoute « Grâce à leur domination de la production de véhicules automobiles, GM et Ford sont devenus les principaux fournisseurs des forces du fascisme tout autant que des forces de la démocratie. On peut, bien sûr, arguer qu'une participation aux deux côtés d'un conflit international, tout comme la pratique d'investir dans deux partis opposés avant une élection, est une activité appropriée de la part d'une compagnie. Si les nazis avaient gagné, GM et Ford auraient été considérés comme des nazis impeccables ; s'ils perdaient, ces compagnies apparaissaient comme impeccablement américaines. Dans les deux cas, la viabilité de ces corporations et les intérêts de leurs actionnaires respectifs étaient préservés. » 7
La version américaine du gagnant-gagnant.
Et la Grande-Bretagne ?
Pour les USA empêtrés dans les suites de la Crise de 1929, si le New Deal est un fiasco, la guerre en Europe offre de fascinantes perspectives économiques, moyennant quelques menues réformes. Mais à partir du 3 septembre 1939, les allers-retours entre les USA et l'Allemagne chutent à cause du blocus naval britannique, qui entrave les exportations vers l'Allemagne. 8
Étant donnée la défaite de la France et sa mise sous tutelle nazie, pour maintenir les profits de leurs exportateurs en Europe, il ne reste aux USA que le seul marché du Royaume-Uni, mais le système de « Cash and carry » américain (paiement immédiat, livraison à la charge de l'acheteur) et l'impécuniosité de la Grande-Bretagne en limitent le développement. Un nouvelle méthode introduite par Roosevelt en 1941, le prêt-bail (lend-lease), réglera le problème et lancera la machine à profits en accordant des crédits à l'acheteur, ce qui permettra de multiplier exponentiellement les livraisons à la Grande-Bretagne et pour les fournisseurs américains, de manipuler au passage leurs prix à la hausse. 9
De plus, « l'aide » américaine s'assortit de conditions, par exemple la promesse d'abolir le protectionnisme dès la fin de la guerre sur tous les territoires et dominions de l'empire britannique ; en effet, avant même la bataille d'Angleterre (10 juillet-31 octobre 1940), Churchill multiplie les appels à l'entrée en guerre des USA en utilisant tous les recours de la flatterie, mais ses offensives de charme auprès d'Américains influents 10 ne lui vaudront en tout et pour tout que le droit de signer la Charte de l'Atlantique (14 août 41) par laquelle la Grande-Bretagne renonce virtuellement à ses colonies impériales, et de s'endetter toujours plus par le prêt-bail. 11
A bout du compte, en engendrant des liens qui perdurent à ce jour, le prêt-bail se révélera un formidable outil d'interdépendance économique des USA avec le Royaume-Uni. 12
Même si initialement, le milieu du business américain a plus d'affinités avec le régime nazi 13 qu'avec le ronron des démocraties européennes, 14 la bonne marche des affaires entre le Royaume-Uni et les USA amèneront des revirements chez ces derniers, d'autant plus qu'Hitler, tout en restant dépendant d'importations pour soutenir son effort de guerre, s'oriente vers une économie autarcique mal vue par les USA. Entre 1933 et 1938, les exportations américaines en Allemagne plongent de 8,4 % à 3,4 %. Même si la situation n'a aucune incidence sur les entreprises américaines établies sur le sol allemand, elle alarme autant les dirigeants des USA, tous adeptes inconditionnels du libre-échange, que les entreprises exportatrices du pays. De plus, à mesure des conquêtes des Allemands, leur territoire isolationniste s'agrandit d'autant, de sorte que des divisions se creusent entre entreprises installées en Allemagne (dont les profits augmentent en flèche) et entreprises exportatrices américaines qui, voyant leurs débouchés européens s'amenuiser, se tournent vers la Grande-Bretagne.
C'est ici qu'intervient un élément crucial : pour que la Grande-Bretagne puisse continuer d'importer et d'honorer ses traites, elle ne doit pas être vaincue, mais elle n'a pas à être victorieuse non plus. En fait, le scénario le plus satisfaisant pour les différents acteurs américains du business de la guerre en Europe tient à une prolongation indéfinie du conflit.
Henry Ford, pourtant antisémite notoire et compagnon de route loyal du Troisième Reich, 15 ira jusqu'à demander que les États-Unis approvisionnent aussi bien les Alliés que les puissances de l'Axe avec « les outils qui leur permettraient de continuer le combat jusqu'à ce que les deux s'effondrent ». 16 Il appliquera lui-même sa vision de la « morale » égalitaire démocratique en fournissant aussi bien la Grande-Bretagne que l'Allemagne nazie en matériel militaire.
Ces sombres manigances ne peuvent bien sûr tenir que si les USA se confinent dans la neutralité, et effectivement, en 1940, Roosevelt se déclarera défavorable à toute intervention à l'étranger. Si les USA finiront par se joindre à la mêlée, ce sera plus tard et uniquement parce qu'Hitler leur déclarera la guerre.
Les USA entrent en guerre malgré eux
Le 22 juin 1941, quand Hitler attaque l'Union Soviétique, l'opinion américaine a déjà définitivement basculé en défaveur du nazisme. Outre que dans leur vaste majorité, les Américains prennent naturellement fait et cause pour leurs frères anglo-saxons, le répit économique apporté par la politique du prêt-bail renforce encore leur sentiment antinazi. Et puis, l'offensive allemande contre l'URSS n'inquiète pas Washington, qui n'y voit qu'un soulagement éphémère pour les Britanniques - pour les experts militaires des USA, les Soviétiques ne résisteront de toutes façons pas plus de quatre à six semaines à la Wehrmacht ; au mieux, selon les estimations les plus optimistes de Roosevelt, jusqu'en octobre.
Staline demande d'urgence des armes via le prêt-bail aux USA, elles lui seront refusées : on ne prête pas à un client dont la faillite est assurée. L'URSS devra payer comptant les miettes que les Américains veulent bien lui vendre (l'historien Bernd Martin parle d'une aide « purement fictive »), alors qu'ils prévoient déjà d'installer des gouvernements non communistes dans les territoires qui auraient la chance d'échapper au joug nazi, par exemple la Sibérie.
Mais, sur le terrain, la résistance acharnée, héroïque de l'Armée rouge change rapidement la donne. Dans un prélude à la défaite de Stalingrad, le 5 décembre 1941, la blitzkrieg allemande avorte aux portes de Moscou, l'URSS passe à la contre-offensive et s'avère un allié précieux pour la Grande-Bretagne. 17 Pour les Américains préoccupés avant tout par leurs comptes d'apothicaires, c'est une bonne nouvelle : l'enlisement des Allemands sur le front de l'Est allonge l'espérance de vie de la Grande-Bretagne (et donc, du business des fournitures militaires) et lui permet de continuer la guerre sans aide en troupes américaines. Et, comme l'Union Soviétique s'avère plus coriace que prévu, elle se mue également en débouché commercial prometteur.
Les USA tiennent la guerre de longue durée dont ils rêvaient.
En novembre 41, le nouvel ambassadeur soviétique Maxime Litvinov est reçu à Washington avec la plus grande cordialité, et les Américains signent un accord de prêt-bail avec l'URSS.
Bien que les Allemands aient fait exactement ce que l'élite américaine souhaitait en attaquant l'URSS, à ce stade, une victoire allemande aurait desservi ses intérêts en mettant un point final au négoce juteux du prêt-bail. L'Amérique des corporations, jusque-là partagée, met donc son anticommunisme de côté et devient viscéralement antinazie, mais ses aspirations restent inchangées : elle veut un conflit aussi long que possible. La fièvre des profits qui a poussé le sénateur Harry S. Truman à déclarer, quelques jours après le lancement de l'opération Barbarossa, « Si nous voyons l'Allemagne gagner, nous devrions aider la Russie et, si la Russie est en train de gagner, nous devrions aider l'Allemagne, pour que le plus grand nombre possible périsse des deux côtés » gagne les médias ; vue des USA, cette guerre est une « bonne guerre » non pas forcément parce qu'elle est menée contre le mal incarné par le nazisme, mais avant tout parce qu'elle panse les blessures économiques de la Grande dépression.
L'historien Jacques Pauwels met d'ailleurs en garde contre l'idée reçue selon laquelle sans le prêt-bail des USA, l'URSS aurait été perdue : en sous-main, les Américains implantés dans l'Allemagne nazie l'aidaient massivement depuis le début de la guerre, surtout en pétrole et en huile pour moteurs, des fournitures sans lesquelles l'opération Barbarossa n'aurait jamais pu être entreprise. De plus, les fournitures du prêt-bail à l'URSS n'arriveront qu'en 1942 et ne compteront que pour 4 à 5% dans l'effort de guerre soviétique. Et, même si 5% peuvent s'avérer déterminants dans une situation critique, rien ne prouve que sans eux, les Soviétiques ne seraient pas de toutes façons venus à bout des Allemands.
Notons par ailleurs que les ventes d'armes et de fournitures militaires aux deux opposants d'un conflit 18 ainsi que l'allongement artificiel de la durée des guerres 19 restent l'une des marques distinctives de la « politique étrangère » des corporations nord-américaines et de Washington.
Sur le front européen, les choses se déroulent donc à l'avantage des Américains sans qu'ils aient besoin d'y mettre un seul pied pour préserver ou développer leurs intérêts. Mais le 11 décembre 1941, pour des raisons encore obscures aujourd'hui, Hitler et Mussolini bouleversent le ronron des tiroirs-caisses des USA en leur déclarant la guerre. Pour l'historien Jacques Pauwels, Hitler se serait solidarisé avec le Japon (qui avait lancé son assaut contre Pearl Harbor quatre jours auparavant) pour tenter d'obtenir qu'il lui rende la pareille en déclarant la guerre à l'URSS, ce qui l'aurait affaiblie en ouvrant un deuxième front sur le Pacifique. 20
Quant aux motivations de Mussolini, mystère. Sa dépendance à l'Allemagne ?
Pour les USA, l'entrée en guerre marque le début d'une prospérité sans précédent. Les usines tournent à plein régime, l'armée absorbe des chômeurs en masse et les grandes entreprises engrangent des bénéfices inespérés. Parallèlement, les milieux d'affaires et industriels investissent l'arène politique, en particulier les secteurs de la défense et des affaires étrangères où ils établiront des bases d'opérations qui perdurent à ce jour. 21
Les USA, la Grande-Bretagne et la procrastination « stratégique »
Si dans le Pacifique, les USA n'ont d'autre choix que se battre, en Europe, ils traînent les pieds. Dès le printemps 1942, Staline demande l'ouverture d'un nouveau front allié sur les côtes de la Mer du Nord, en France, en Belgique ou en Hollande. Contrairement à ce que les livres d'histoire en disent, les alliés occidentaux ont à ce moment tous les moyens nécessaires à un débarquement, d'une part parce que leurs troupes réunissent désormais Britanniques, Américains et Canadiens et que les équipements y sont assurés, d'autre part parce qu'Hitler, très pris sur le front de l'Est, n'a laissé que des forces de second ordre en Europe occidentale.
Roosevelt approuve tellement l'idée d'un front occidental qu'en mai 1942, il le promet « avant la fin de l'année » à Vyacheslav Molotov, ministre soviétique des affaires étrangères. Mais Churchill rejette catégoriquement tout plan de débarquement, très probablement dans l'espoir que les Allemands et les Soviétiques s'affaibliront mutuellement au point de ne plus présenter de danger pour Washington et Londres. Une théorie plus indulgente voudrait que Churchill ait craint une réédition des boucheries de la Première guerre mondiale sur les plages de France ou de Belgique, mais étant donné son mépris total bien documenté des vies humaines, 22 nous n'y souscrivons pas.
Quoi qu'il en soit, Churchill gagne Roosevelt à la cause d'un attentisme bien plus prometteur qu'un débarquement précipité : plus les belligérants s'épuiseront, plus la situation permettra la planification d'une intervention décisive au moment le mieux choisi pour en tirer le plus grand bénéfice possible et minimiser les pertes. En d'autres termes, il est très probable que sous l'impulsion de Churchill, ils aient prévu d'attendre que l'Allemagne et l'URSS se retrouvent exsangues pour intervenir, s'approprier la victoire et arbitrer les négociations de paix à leur avantage. 23 Évidemment, cette stratégie digne d'un Machiavel n'aurait pu aboutir que si l'URSS s'affaiblissait, mais pas mortellement - si elle s'effondrait, la Grande-Bretagne et les USA se retrouveraient à endosser seuls l'effort de guerre contre la Wehrmacht. On transigera donc en multipliant les envois de fournitures militaires à l'Union Soviétique et en prévoyant un débarquement in extremis au cas où la guerre tournerait à l'avantage décisif des Allemands. Le scénario inverse, l'effondrement des troupes d'Hitler, n'était pas prévu au programme, ou juste en passant. On ne s'y attarda pas.
A ce stade, nous entrons dans une période de questions sans réponse : Les Britanniques et les Américains souhaitent-ils faire acte de présence tout en préservant leur stratégie de départ, à savoir une intervention terrestre au moment le plus opportun, ou sont-ils tout bonnement d'une rare incompétence ? Au lieu d'ouvrir un deuxième front sur la côte de la Mer du Nord comme il se devrait et comme la majeure partie de l'opinion occidentale le réclame d'urgence, la RAF et l'USAF bravent la DCA de la Wehrmacht pour bombarder des villes allemandes et des territoires occupés, au prix de lourdes pertes en vies civiles, en avions et en équipages (pour les seuls Américains, 40 000 soldats et 6000 avions seront abattus ou tués au cours de ces bombardements incompréhensibles).
De plus, le 19 août 1942, quelques dix mille soldats canadiens envoyés sur ordre britannique débarqueront à Dieppe, le port de la côte française le mieux gardé par les Allemands et, de par sa topographie, le moins propice à un débarquement : il est verrouillé par des falaises qui en font un piège sans issue. Les soldats canadiens se feront littéralement massacrer. Churchill a-t-il voulu prouver à l'opinion publique, aux médias, aux juifs, aux Soviétiques, à tous ceux qui pressent les alliés occidentaux d'intervenir, qu'ils ne sont « pas prêts à un débarquement » en sacrifiant volontairement des milliers de soldats dans une opération suicidaire ?
Personne ne donnera d'explication convaincante à cet atroce fiasco. Une malencontreuse erreur stratégique ? Un test préliminaire au débarquement de Normandie, qui ne sera mené que deux ans plus tard et pouvait très bien se passer de cobayes ? Une opération destinée à recueillir des renseignements, quitte à sacrifier autant de vies, comme cela a été suggéré ? 24 Qui peut le croire ? D'autres opérations étaient tout à fait réalisables sur des ports plus accessibles, avec des vols de reconnaissance, des renseignements préalables, des bombardements de soutien à l'infanterie, etc. Les malheureux de Dieppe n'ont eu droit à rien de tout cela. 25
Pendant ce temps, à Londres et à Washington, à part l'opération désastreuse de Dieppe et les bombardements de civils qui n'entravent en rien la montée en puissance de la production de guerre allemande (et pour cause, puisqu'ils évitent soigneusement les installations germano-américaines, par exemple les usines d'I.G. Farben 26), on continue d'atermoyer. Malgré tout, la nécessité d'une action concrète pousse Churchill à ouvrir un deuxième front, certes, mais là où l'appelle son sens des affaires rondement menées : vers Gibraltar, le canal de Suez et le pétrole du Moyen-Orient. En conséquence, les alliés débarquent en Afrique du Nord en novembre 42 et tentent ensuite d'accéder à Berlin par l'Italie.
La stratégie, mal conçue, offre deux ouvertures aux Allemands : d'une part, ils bloquent en toute facilité l'avancée alliée en Italie grâce à la topographie montagneuse des lieux et d'autre part, ils comprennent qu'aucun front occidental supplémentaire n'est imminent et qu'ils peuvent concentrer le gros de leurs forces à l'Est. Staline, dont l'armée sera d'autant plus harcelée, réalise qu'il ne peut pas se fier à ses « alliés ». Il est seul et il le sait. Mais au prix d'immenses souffrances, l'Armée rouge finit par battre les Allemands à Stalingrad (23 août 1942 - 2 févier 1943). Quelques mois plus tard, en juillet 1943 à Koursk, elle consentira encore de lourds sacrifices pour infliger une défaite décisive à la Wehrmacht dans la plus terrible bataille de tanks de toute l'histoire de la guerre. 27
Si les Allemands voient leur fortune fondre à Stalingrad, Koursk garantit leur défaite. Ce qui n'empêchera pas les alliés occidentaux, plus tard, de critiquer la « mauvaise stratégie » des « médiocres » officiers de l'Armée rouge et de s'attribuer les lauriers de la victoire de Koursk, qui aurait été selon eux « impossible sans l'aide cruciale occidentale » en matériel militaire dont Staline bénéficiait à ce moment.
Les victoires soviétiques de Stalingrad et de Koursk tireront néanmoins les alliés de leur torpeur et les lanceront dans de fiévreuses réévaluations de la nécessité d'un deuxième front stratégiquement cohérent en lieu et place du bourbier italien.
De fait, le plus sombre des scénarios prévus par les alliés occidentaux est en bonne marche : au lieu d'apparaître comme « une grande alliance » de sauveurs de l'humanité qui arriveraient à la rescousse de troupes soviétiques au bord de l'effondrement total et pourraient imposer leurs conditions, ils se font escamoter « leur » victoire par Staline. En effet, l'Armée rouge, désormais forte de ses succès, progresse mètre par mètre vers Berlin.
Les quartiers généraux des alliés se transforment en ruches où les spéculations les plus folles engendrent une pluie de mémorandums alarmistes : Staline va envahir l'Allemagne, peut-être même passera-t-il le Rhin et qui sait quoi d'autre encore ? Prendra-t-il toute l'Europe ? Chez ces libéraux recuits, la vieille peur de « l'expansion communiste » reprend comme un feu de broussailles mal éteint, mais comme la lente progression de l'Armée rouge se fait contre la très vaste majorité des forces de la Wehrmacht (les alliés n'ayant jamais à combattre plus de 10% des troupes allemandes), tout peut encore basculer en défaveur des Soviétiques. C'est une maigre consolation.
Quid des Français ?
Les Français, à ce moment, ont éclaté en deux camps. L'un suit les consignes du régime de Vichy et collabore activement avec l'occupant 28 mais, réalisant rapidement les faibles chances d'une victoire durable d'Hitler, il bascule dès 1941 d'une soumission à l'Allemagne nazie à la prévision d'une soumission aux USA. « Déjà les États-Unis sont sortis seuls vainqueurs de la guerre de 1918 : ils en sortiront plus encore du conflit actuel. Leur puissance économique, leur haute civilisation, le chiffre de leur population, leur influence croissante sur tous les continents, l'affaiblissement des États européens qui pouvaient rivaliser avec eux font que, quoi qu'il arrive, le monde devra, dans les prochaines décades, se soumettre à la volonté des États-Unis. »- rapport du général Paul Doyen, président de la délégation française à la Commission allemande d'armistice de Wiesbaden, rédigé par son collaborateur diplomatique Armand Bérard, juillet 1941. 29 Même Laval, en 43, se rêvera un avenir américain tout en protestant de son absolue loyauté au Troisième Reich. Nous retrouverons cette tendance, après la guerre, chez les personnages qui prendront les manettes de la construction de l'UE sous les auspices du Plan Marshall. 30 Ils représentent le patronat libéral français que le seul mot « communisme » jette dans l'effroi, si bien que, déjà au cours de la guerre, Washington compte sur eux pour se débarrasser de l'encombrant de Gaulle, détesté pour son souverainisme et ses liens organiques avec une Résistance intérieure majoritairement composée de communistes et de souverainistes, tous gens voués à s'opposer à la Pax Americana prévue pour l'Europe de l'après-guerre.
Pendant ce temps, les Américains et leurs collaborateurs français manœuvrent pour imposer leurs hommes dans le meilleur style des républiques bananières d'Amérique Centrale : seront successivement choisis Maxime Weygand, délégué général de Vichy pour l'Afrique jusqu'en novembre 1941, le général Henri Giraud, puis l'amiral François Darlan, vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy et successeur désigné de Pétain qui, le 22 novembre 1942, signera un accord avec le général américain Mark W. Clark 31 mettant « l'Afrique du Nord à la disposition des Américains », abaissant la France au statut de « pays vassal soumis à des capitulations » (sic) et attribuant aux USA des droits sur les déplacements des troupes françaises, le contrôle et le commandement des ports, des aérodromes, des fortifications, des arsenaux, des télécommunications, de la marine marchande, une liberté de réquisitions, une exemption fiscale, un droit d'exterritorialité et l'administration des zones militaires. Le maintien de l'ordre, l'administration courante, l'économie et la censure auraient été confiées à des « administrations mixtes ». 32
Le 24 décembre 1942, Darlan sera assassiné, très probablement par des gaullistes.
Les Américains se tourneront alors vers Pierre Pucheu, ministre de la production industrielle puis de l'intérieur de Darlan et Pétain, délégué de la banque Worms et du Comité des Forges et tortionnaire anticommuniste. En avertissement aux USA et à la Grande-Bretagne, Pucheu sera jugé et condamné à mort à Alger en mars 1944 par de Gaulle. Reste Giraud, mais de Gaulle n'attend que le bon moment pour s'en débarrasser. C'est que depuis le 26 septembre 41, il peut tenir tête aux anglo-saxons grâce à un allié en forme de poids lourd : l'Union Soviétique, qui a reconnu en lui et dans le réseau des Résistants français le « Gouvernement de la vraie France ». 33 Tout en traitant de Gaulle de « dictateur de droite » et de « pantin du Kremlin », Roosevelt finira par lâcher prise ; le 23 octobre 1944, il reconnaîtra le Gouvernement provisoire de la République française et renoncera à imposer le dollar dans les territoires libérés. Le 10 décembre 44, de Gaulle consolidera la position de la France libre en signant un traité d'aide et d'assistance mutuelle avec Staline. 34
Mais l'agent des USA Jean Monnet arrivera à s'insérer dans l'appareil du CFLN de de Gaulle. De là, il mènera un travail de sape qui, un jour, aboutira à l'UE.
L'autre camp se compose des résistants précités et des populations frappées par les bombardements aberrants des alliés, qui font pleuvoir depuis 1942 des tonnes de métal au hasard sur la banlieue de Paris, sur Nantes, Strasbourg, Annecy, Caen, Le Havre, Lorient, Saint-Nazaire ou Toulon, mais là encore, sans particulièrement viser les installations nécessaires aux Allemands 35 - les victimes sont majoritairement des civils, surtout des quartiers populaires et des cités ouvrières qui y voient une volonté des capitalistes anglo-saxons de mater leurs velléités futures de revendications sociales, 36 et aussi, dans les cas de cibles industrielles, d'annihiler la concurrence locale. La France, pays collaborateur donc perçu comme une simple région de la zone d'influence allemande, est appelée à subir le même traitement que l'Allemagne une fois vaincue : l'occupation par les vainqueurs. Il se serait donc agi, d'une part, de démoraliser l'opposition intérieure représentée par une classe ouvrière française à l'époque notoirement bagarreuse et pro-communiste, et d'autre part, dans une moindre mesure, de se débarrasser des industries locales - une théorie du complot que les bombardements des usines Renault de Boulogne-Billancourt, en 1942 et 43, 37 semblent bien étayer. Car, même si Renault est effectivement collaborationniste et fournit des camions aux Allemands, peut-être l'entreprise automobile a-t-elle surtout froissé certaines sensibilités en tentant de s'appuyer sur Hitler pour évincer la concurrence américaine, une ambition affichée par son administrateur François Lehideux avec la phrase « aucune voiture américaine ! » dans un rapport de collaboration de décembre 1940. 38
Bombardez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens
Quant à la « doctrine » militaire régissant ces bombardements sans but tactique précis (car il y en a une), elle est censément le fait d'un maréchal en chef britannique, Arthur « Bomber » Harris. A la tête du « Bomber Command » 39 de la RAF à partir du 22 février 42, il déclenchera l'enfer.
Au début de la guerre, la Grande-Bretagne a tenté des frappes de précision, mais elle admet dans un rapport de 1941 qu'elle n'arrive à endommager que très peu de ses cibles. Harris tient la solution : le bombardement « de zones ». Selon lui, il faut larguer des tapis de bombes sur des zones étendues, surtout des centres-villes, et causer autant de dégâts que possible dans l'espoir que peut-être, au passage, la RAF touchera des installations de la Wehrmacht. Mieux encore, ses tapis de bombes sur des populations et des infrastructures civiles « démoraliseront l'ennemi » et « abrégeront la guerre ». Ses massacres terroristes lui vaudront une telle réprobation de l'opinion publique britannique qu'après la guerre, entre plusieurs autres brimades, il se verra dénier tout rôle ultérieur dans l'armée et l'accès aux archives officielles - mais, précisément, l'examen des dites archives révèle que Harris n'a été que l'exécuteur des basses œuvres, puis le fusible d'un gouvernement tout aussi coupable que lui. La décision de bombarder des civils à tire-larigot a été prise bien avant l'arrivée de Harris, le 28 octobre 1940, par un criminel de guerre célèbre, Winston Churchill, qui déclarera devant son Cabinet de guerre « alors même que nous devrions adhérer à la règle selon laquelle nos objectifs devraient être militaires, nous devons faire sentir le poids de la guerre aux populations civiles qui vivent aux alentours des zones de ces objectifs. » Le 14 février 1942, une semaine avant l'arrivée du bourreau Harris, le Cabinet britannique donne déjà l'ordre aux bombardiers de la RAF de « se concentrer sur le moral de la population civile ennemie et en particulier sur les ouvriers, cible prioritaire du Bomber Command ». 40
Bien qu'il n'y ait aucune explication rationnelle à cette « stratégie », les Américains emboîteront le pas aux Britanniques. 41
Effectivement, « Les dégâts humains provoqués par la campagne de bombardement sur la France entre 1940 et 1944 furent considérables. L'estimation des pertes n'est jamais complètement fiable dans le cas de bombardements, mais le bilan est certainement supérieur au chiffre officiel de 53 000 morts : on peut plutôt parler de 70 000 Français tués - c'est-à-dire autant que les pertes pendant le Blitz. Ces chiffres remettent les choses en perspective, car le Blitz est un épisode très connu, notamment en Grande-Bretagne, alors que le bombardement des civils français l'est beaucoup moins. Entre 1940 et 1944, Britanniques et Américains lâchèrent un nombre infiniment plus important de bombes sur la France que les Allemands sur la Grande-Bretagne. »- Richard Overty, historien britannique. 42
Un « nombre infiniment plus important ». Précisément, huit fois plus important. 43
Face à l'incohérence sanguinaire de l'action alliée et à son immobilisme contre l'Allemagne, tous les espoirs de la population se portent vers l'Union Soviétique. 44
L'après-Stalingrad
Après Stalingrad, Londres et Washington épluchent anxieusement les développements possibles : même le scénario le plus optimiste reste sombre, puisqu'il consiste, dans le cadre de l'assaut allié par l'Italie ou d'une opération par la France visant à soulager l'Armée rouge, à ensuite devoir laisser une place de choix à Staline à la table des négociations. Le pire donne la victoire totale à Staline, hissant les Soviétiques au rang de « maîtres de l'Europe » à même de dicter d'inacceptables conditions socialistes. Mais un troisième scénario possible est tout aussi dévastateur : que Staline repousse les Allemands hors de l'URSS et ensuite, qu'il négocie un accord de non-agression avec Hitler, et les alliés occidentaux n'auront plus d'autre choix que se confronter seuls à la Wehrmacht. Ces messieurs réalisent que Staline ne leur doit rien, qu'il est en position de force pour négocier avec Hitler et qu'il peut leur faire payer leur déloyauté en se retirant de la guerre. 45 Même s'ils sous-estiment la détermination antifasciste de Staline et partant, l'invraisemblance d'un second accord germano-soviétique, la stratégie de l'attentisme opportuniste a fait long feu. Il faudra agir concrètement et de plus, composer avec l'Union Soviétique.
Du 28 novembre au 1er décembre 43, la rencontre des « Trois Grands » à Téhéran voit les alliés occidentaux accéder à presque toutes les revendications territoriales de Staline - qui ne sont, au passage, pas plus déraisonnables que celles de ses « alliés » occidentaux. La bonne volonté de part et d'autre est telle que Staline accède à une demande de Roosevelt, celle de venir soulager l'effort des USA contre le Japon en lui déclarant la guerre après en avoir fini avec l'Allemagne. Et de fait, la spectaculaire invasion de la Mandchourie (le « Mandchoukouo ») entreprise par l'Armée rouge le 6 août 1945 constituera probablement l'un des éléments-clé de la reddition du Japon et non, comme on l'a martelé dans nos livres d'histoire, les bombes atomiques inutiles et meurtrières d'Hiroshima et de Nagasaki. 46
Les alliés occidentaux pris à leur propre piège
A l'été 43, l'ouverture d'un front en France devient cruciale. « Nous serons encore en train de discuter lorsque les Russes feront irruption dans Berlin » - Général Henry Arnold, USAF, mémo du printemps 43. Le problème suivant tiendra au transfert du matériel nécessaire au débarquement du front méditerranéen jusqu'en Grande-Bretagne. Il prendra des mois supplémentaires.
Les alliés ne seront prêts à lancer l'opération Overlord qu'au printemps 44, alors qu'en Italie, à Monte Cassino (12 janvier - 18 mai 1944), 47 Rome et Naples, des combats terribles entre alliés et Allemands ont ramené les boucheries de la Première Guerre mondiale.
Même si la course est désormais clairement perdue d'avance, les préparatifs du front de Normandie s'accélèrent à mesure des avancées des troupes de Staline, qui à ce moment finissent de libérer la Hongrie et de la Roumanie : il s'agit désormais non pas tant d'être les premiers à Berlin que d'empêcher les troupes de Staline de prendre toute l'Europe. Pire encore, les troupes d'Hitler pourraient s'effondrer d'un moment à l'autre et laisser le champ totalement libre à l'Armée rouge, qui pourrait dès lors foncer vers l'ouest en n'arrêtant ses colonnes que pour ses pleins de carburant. « La possibilité d'une victoire complète des Russes sur l'Allemagne avant que les forces américaines n'aient débarqué sur le continent constituait un cauchemar » - Mark A Stoler, historien spécialiste d'histoire militaire. 48 A telle enseigne que le plan du débarquement de Normandie se doublera d'une autre prévision d'opération militaire (nom de code Rankin) destinée à occuper autant de territoires d'Europe de l'Ouest que possible en larguant des troupes aéroportées un peu partout avant l'arrivée des Soviétiques.
6 juin 44, opération Overlord
A l'opposé de l'imagerie officielle du « D-Day », la population n'a pas accueilli ses libérateurs alliés avec toute la ferveur souhaitable, et pour cause : « Au matin du 6 juin, nous allons quand même au bureau et mon père va porter son lait à la ville ! On nous annonce, « Ça y est le débarquement a commencé. Ils sont à Sainte Marie du Mont ! » D'autres continuaient, « Oui, oui, ils seront là à 5 heures cet après-midi. » Mais, ils n'étaient pas là à 5 heures... Ils ont bombardé Coutances à deux reprises et nous en avons été sonnés. Nous leur en avons voulu pour cela car ils savaient qu'il n'y avait plus d'Allemands dans la ville... » - Mme Dalarun, témoignage vécu. 49
Coutances finira détruite par ses sauveteurs, tout comme Vire, Saint-Lô, Lisieux ou encore Royan. Revenons aux propos de l'historien britannique Richard Overty, déjà cité plus haut : « Les bombardements alliés sur la France en 1944 - avant et après le Débarquement - furent parmi les plus violents de la guerre. Celui des lignes de communication dans le nord de la France jusqu'en juin 1944 a représenté 63 000 tonnes de bombes - c'est plus que les bombes lâchées par les Allemands sur l'Angleterre lors du Blitz. Le bombardement en 1944 des sites de lancement des armes V1 et V2 stationnées dans le nord de la France et aux Pays-Bas, c'est encore plus : 118 000 tonnes. Des tonnages comme ceux-là s'accompagnent nécessairement de gigantesques destructions, et de pertes humaines très importantes. » 50
Y avait-il moyen de faire autrement dans le cadre d'un bombardement de soutien à une opération militaire terrestre? Dans nombre de cas, par exemple celui de Royan (rasée à 85% par les bombes alliées), Overty dénie toute valeur tactique à ces bombardements. De simples tirs de barrage d'infanterie, dit-il, pouvaient se charger d'en démanteler les objectifs militaires en épargnant les civils. De plus, ajoute-t-il, les bombardiers lourds choisis pour l'opération bombardaient à trop haute altitude pour être d'une quelconque efficacité et rataient généralement leurs cibles ; des bombardiers moyens et des chasseurs-bombardiers opérant de plus bas, capables de voler en piquer et de bombarder avec précision des cibles délimitées auraient infiniment mieux rempli leur fonction de soutien à l'infanterie.
Ce ne sera qu'après le bombardement accidentel de cent soldats américains, en juillet 44, qu'Eisenhower mettra un point final à l'emploi des bombardiers lourds. 51
Comme on peut s'en persuader par l'étude du déroulement des débarquements en Méditerranée et en Normandie, ils n'ont été ni bien maîtrisés, ni comme nous l'avons longuement vu, exempts d'arrières-pensées sans le moindre rapport avec la libération de peuples asservis par le nazisme. Il est même douteux que les soldats américains aient pu se sentir très mobilisés par la lutte contre le nazisme. A cette époque, les théories racialistes et suprémacistes ne choquent pas grand-monde aux USA, au contraire. 52 L'armée américaine est elle-même profondément raciste : à son arrivée sous le commandement américain de Patton, Leclerc, la mort dans l'âme, doit abandonner ses tirailleurs sénégalais parce que les USA refusent catégoriquement de faire libérer Paris par des soldats noirs ; 53 en effet, la légende américaine des noirs qui seraient par nature « trop lâches pour se battre en première ligne » ne doit pas être contredite par des faits. 54 De la même façon, lors du défilé des troupes américaines à la libération de Paris, les soldats noirs devront rester « à leur place », à l'arrière, hors du champ des appareils photo. 55
Que ce soit par affinité avec le racialisme nazi ou, comme une théorie officielle l'avance, parce que les soldats américains manquent d'entraînement et d'expérience, la réticence de nombre d'entre eux à se battre (documentée par les historiens Max Hastings, John Keegan et Olivier Wieviorka 56) est telle que pour stimuler ses hommes, les médias comme le commandement américain doivent trouver autre chose que la haine contre le mal incarné par les nazis : les femmes françaises, leur supposée légèreté et l'accueil chaleureux que de toute évidence, elles réserveront à leur libérateurs américains. Selon l'historienne Mary Louise Roberts, 57 cette propagande aboutira à une épidémie de viols perpétrés par des soldats américains déçus de ne pas trouver « l'immense bordel habité par 40 millions d'hédonistes qui passent tout leur temps à manger, à boire et à faire l'amour » 58 annoncé par des magazines comme Life. Au bout du compte, entre leurs viols, leurs actes de délinquance et leur mépris envers les locaux - les Français sont affublés de l'étiquette « Surrender monkeys » (« singes défaitistes ») qui perdure aujourd'hui - les soldats américains en France se comportent non comme des libérateurs, mais comme une armée de conquête.
Après la guerre, tout le travail consistera à faire des occidentaux les « vrais vainqueurs » de la Deuxième Guerre mondiale, un travail accompli sur des décennies par une diabolisation systématique de Staline, la minimisation du rôle décisif de l'Armée rouge, la valorisation des alliés occidentaux et une amnésie générale sur les tractations qui, en coulisses, visaient à l'occupation de la France par les USA, bref, par tous les recours et artifices de ce qu'aujourd'hui, on regroupe sous l'euphémisme « communication ». Notons aussi, au passage, que l'anticommunisme primaire de de Gaulle, à l'époque, a servi ses opposants atlantistes en laissant le champ libre à des organismes-relais de la propagande libérale « de gauche » anticommuniste, par exemple le Congress for Cultural Freedom, une officine de la CIA implantée à Paris.
Une politique américaine pour les territoires libérés, l'AMGOT
Les USA n'ont que fort peu de considération pour la souveraineté des pays qu'ils libèrent, et espèrent même qu'aucune tracasserie locale ne leur sera opposée. Un mémorandum du Département du Trésor américain du 23 septembre 1943 établit que « L'argument selon lequel l'usage de monnaies non placées sous leur contrôle peut empiéter sur la souveraineté des gouvernements en exil semble fondé sur une fausse perspective. Ces gouvernements devront leur existence même aux efforts de la machine de guerre alliée. Sauf s'ils ont des objections à l'utilisation des armées alliées en tant qu'empiétement sur leur souveraineté, ils n'ont aucune base pour émettre des objections à l'utilisation d'une des armes économiques que ces armées jugent efficace pour assurer la victoire totale. » 59
Le cas de l'Italie apporte un bon éclairage. Après le renversement de Mussolini en juillet 43, l'Italie sort de l'Axe et le 3 septembre, signe un armistice avec les alliés dont les termes ne seront pas immédiatement rendus publics. Et pour cause : il s'agit d'une capitulation inconditionnelle. Deux ans après, le 5 février 45, le Premier ministre italien Bonomi la décrira en ces termes, « l'armistice suit la formule de la reddition inconditionnelle et ainsi, confère aux Alliés le contrôle total de la vie interne, financière, économique et militaire de la nation. »
Même si ces conditions seront légèrement assouplies au cours des années suivantes, l'Italie est le premier pays a se voir infliger l'AMGOT (« Allied Military Government for Occupied Territories », en français « Gouvernement militaire allié des territoires occupés »), et ce jusqu'à la signature du Traité de paix avec l'Italie, le 10 février 1947, où la présence de l'URSS 60 et d'autres pays sourcilleux sur leur souveraineté à la table des négociations exclut la poursuite de l'occupation abusive de l'Italie. Malgré tout, à ce jour, l'Italie compte encore six bases militaires américaines sur son sol. 61
Suivante sur la liste, la France, pays vaincu et politiquement désorganisé, est tout aussi rétive à un interventionnisme sur son sol. La question de l'AMGOT est au cœur des conflits entre la France libre et les USA depuis l'arrivée de ces derniers dans la guerre en Europe. Rappelons pour commencer que les Américains ne reconnaîtront le gouvernement provisoire de de Gaulle que le 2 octobre 44, soit trois mois après le débarquement de Normandie et deux mois après la libération de Paris.
Comme exposé plus haut, depuis le début, Roosevelt se méfie de de Gaulle et tente de s'en débarrasser en lui substituant des séides de Washington, dont Jean Monnet. Après plusieurs passes d'armes au cours desquelles de Gaulle ne cède jamais un pouce de terrain aux pro-américains Monnet et Henri Giraud (commandant en chef de l'Afrique française depuis l'assassinat de Darlan, en novembre 42, et codirecteur du Comité national français), la patience de Roosevelt s'épuise, « Je ne sais pas quoi faire de de Gaulle. Je suis de plus en plus sûr que nous devons considérer la France comme un pays occupé gouverné par des généraux Britanniques et Américains. » - Roosevelt à Churchill, lettre du 8 mai 1943.
Le 3 juin 43, 62 le Comité national français, co-présidé par de Gaulle et Giraud, se réunit pour la deuxième fois à Alger et vote à 5 contre 2 pour les propositions de de Gaulle. Étrangement, Monnet est de ceux qui votent pour. Il y a une bonne raison au revirement de Monnet, jusque-là un indéfectible outil des volontés de l'axe Roosevelt-Churchill : les manœuvres de plus en plus visibles des Américains indisposent nombre d'officiels français, de sorte que Monnet ne peut pas continuer à soutenir la ligne de Washington sans se discréditer et mettre sa position d'acteur privilégié en danger. Le Comité français de libération nationale (CFLN) est créé 63 - avec Monnet dans ses rangs.
Roosevelt pique une colère, mais s'en tient à des diatribes venimeuses contre de Gaulle. Le même mois, le Secrétaire d'État Cordell Hull, redoutant une prise de pouvoir de de Gaulle sur l'armée française, demande à Eisenhower de l'en empêcher par tous les moyens possibles. 64 Non seulement Eisenhower - allié imprévu de de Gaulle - n'en fera rien mais plus tard, il donnera le feu vert à la libération de Paris par le général français Leclerc, un symbole du retour de la France à sa souveraineté. 65
En août 43, de Gaulle évince Henri Giraud de la codirection du Comité national français et en prend seul la barre. Avec ce Comité, la France libre a son gouvernement, mais les USA se valent néanmoins d'une supposée « vacance de pouvoir » pour tenter de dicter, via la coopération d'hommes comme le diplomate René Massigli, des conditions équivalentes à une reddition. 66
Le 9 novembre 43, le CFLN entérine le commandement du seul de Gaulle. Giraud, l'homme de Roosevelt, est définitivement hors-jeu. Pour couper l'herbe sous le pied des Américains, à partir de septembre 43 et jusqu'en août 44, le CFLN émettra 400 ordonnances visant majoritairement à établir la légitimité du gouvernement de la France libre en préparant les structures de la république française de l'après-guerre. 67
Et déjà, Jean Monnet prend la responsabilité des fournitures et de la Reconstruction
A l'hiver 43, Eisenhower et le général Bedell Smith discutent avec de Gaulle et Giraud de la participation française au débarquement de Normandie et au delà, de la libération de Paris soit par des troupes américaines, soit par leurs homologues français. Évidemment, comme les deux scénarios ont des valeurs symboliques opposées, de Gaulle insiste pour obtenir une libération de Paris par l'armée française. Techniquement, c'est illogique : la plupart des divisons françaises se trouvant en Afrique du Nord, le plus simple est de les débarquer en Provence, trop loin de Paris. 68 La libération de Paris par des Français, si elle soit se faire, nécessitera l'envoi d'une division sur le front de Normandie. Einsehower commence par arguer de son incapacité à transférer toute une division blindée de l'Afrique du Nord jusqu'en Angleterre, puis transige en proposant d'envoyer seulement les troupes et de les équiper sur place. Il s'engage en outre à ne pas libérer Paris sans troupes françaises et, à titre personnel, il reconnaît le gouvernement du CFLN. 69 Eisenhower travaillera ensuite à améliorer l'image de de Gaulle auprès de son administration, ce qui adoucira plusieurs hauts fonctionnaires comme le Secrétaire à la guerre Stimson ou le Secrétaire d'État Cordell Hull, mais ratera auprès d'un Roosevelt uniquement préoccupé de son AMGOT et à terme, de la mainmise américaine sur l'Europe de l'après-guerre. 70
Le 6 juillet 44, de Gaulle rend visite à Roosevelt à Washington et en revient sérieusement inquiet : d'après lui, à travers un interventionnisme incessant dans les affaires mondiales, le président américain vise à établir un réseau planétaire de pays-clients des USA. 71
Le fait est que de Gaulle a raison. 72 Selon les travaux de l'économiste Bertrand Roehner, qui a eu l'excellente idée de comparer les conditions appliquées aux différents pays où les USA se sont installés à la suite de guerres, 73 le schéma américain pour l'occupation de la France était très similaire au cas de l'Allemagne ou d'autres pays comme le Japon, le Danemark, l'Italie ou la Corée du Sud. C'était une mécanique hégémonique mise au point à Washington qui, avec des variantes locales mineures, s'appliquait telle quelle aux uns comme aux autres au gré des possibilités. 74 Par exemple, comme au Japon où, malgré un procès spectaculaire similaire à celui de Nuremberg, les USA remettront en selle une grande partie de l'administration de guerre de Hiro-Hito, ou en Allemagne où des nazis retrouveront un poste officiel, 75 les Américains avaient prévu de restaurer des officiels de Pétain dans leurs fonctions. « Nous devrions garder 90% des maires de Vichy. Les postes importants resteront sous la responsabilité du commandement militaire au moins pendant six mois à un an. » - Lettre de Roosevelt à Churchill, 8 mai 1943. 76
A la libération de Paris, deux défilés se succèdent : le 26 août 44, au milieu d'une marée humaine applaudissant à tout rompre, les généraux de Gaulle, Leclerc, Koenig, Valin, Juin et l'amiral d'Argenlieu descendent les Champs-Élysées derrière quatre chars de la « Nueve » du capitaine Dronne, de la 2ème DB. Le 29, c'est le tour des alliés : les troupes américaines investissent les Champs-Élysées pour s'y faire acclamer. 77
Deux armées de libération dans le même pays, deux défilés distincts. Tout un symbole.
De l'AMGOT à la construction de l'UE
Dans les mois et même les années qui suivront, les Américains tout comme les Français tairont l'étendue des pouvoirs civils que l'administration américaine s'est arrogée en France. Par exemple, un mémorandum du 3 mai 46 envoyé par le Département de la Guerre au général commandant des forces US sur le théâtre européen autorise le recours à la force contre les populations françaises en cas de « menaces sur les vies ou les propriétés américaines ». 78 Mais il n'est pas question d'admettre que les USA ont la main un peu partout : même si, surtout après le départ de de Gaulle en janvier 46, ils manipulent autant qu'ils le peuvent l'administration française et la vie politique du pays via le Plan Marshall (1947-51), tout doit sembler revenu à la normale aux yeux des populations.
En 1958, de Gaulle revient au pouvoir sans provoquer trop de grimaces à Washington, d'une part parce qu'à ce moment, son anticommunisme sert les intérêts américains et par ailleurs, parce qu'il s'est engagé à rester dans l'OTAN. De Gaulle tiendra parole le temps d'un mandat : il ne retirera la France du commandement intégré de l'OTAN qu'en 66, après sa seconde investiture. Malgré tout, avec une présence d'agents de Washington aux plus hauts niveaux politiques et culturels du pays héritée du Plan Marshall et des capitaux américains qui orienteront toujours davantage la vie politique vers une intégration économique européenne, les USA ont pris le dessus.
La construction de l'UE est en marche. 79
Références :
1 Caucasus Campaign 23 Jul 1942 - 9 Oct 1943
ww2db.com
2 Bataille de Stalingrad: un tournant de la Seconde Guerre mondiale
http://fr.sputniknews.com/international/20120717/195382794.html
Battle of Stalingrad 17 Jul 1942 - 2 Feb 1943
ww2db.com
3 Shadowy Bank in Basel Funded Nazis, Pushed Euro: Books
bloomberg.com
4Trading With the Enemy: An exposé of the Nazi-American money plot, 1933-1949, par Charles Higham
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5 A People's History of the United States, The Thistle, 2000- 2001, MIT.
mit.edu
6Profits über Alles! American Corporations and Hitler, par Jacques Pauwels.
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7 Bradford C. Snell, American Ground Transport: A Proposal for Restructuring the Automobile, Truck, Bus and Rail Industries. Rapport présenté au Sénat des USA, Washington, 1974, pp. 16-24.
corpwatch.org
8British naval blockade of Germany - De Bello
ww2.debello.ca
9Jacques R. Pauwels, le Mythe de la bonne guerre, page 20.
communisme-bolchevisme.net
10Privately Churchill called them 'bloody Yankees' - but with a lover's ardour he fawned, flattered and flirted to woo the U.S. http://www.dailymail.co.uk/debate/article-1207763/Privately-Churchill-called-bloody-Yankees-lovers-ardour-fawned-flattered-flirted-woo-U-S.html
11Atlantic Charter
avalon.law.yale.edu
12Jacques R. Pauwels, le Mythe de la bonne guerre, page 21.
communisme-bolchevisme.net
13Arming the enemy: US industry, Hitler and the Holocaust, par David Turner, Jerusalem Post
jpost.com
Before Hitler America sought racial improvement, its Aryan Master Race
jpost.com
14Jacques Pauwels sur Hitler, interview à l'occasion de la parution du livre Big Business avec Hitler (2013).
marx.be
15Henry Ford receiving the Grand Cross of the German Eagle from Nazi officials, 1938
rarehistoricalphotos.com
16Jacques R. Pauwels, le Mythe de la bonne guerre, page 22.
communisme-bolchevisme.net
17Hitler's Failed Blitzkrieg against the Soviet Union. The "Battle of Moscow" and Stalingrad: Turning Point of World War II
globalresearch.ca
18The US: Feeding the War Machine
counterpunch.org
19Big money behind war: the military-industrial complex
aljazeera.com
et There's No Such Thing as Peacetime
foreignpolicy.com
20Jacques Pauwels, Le Mythe de la bonne guerre », page 26.
communisme-bolchevisme.net
21The Military-Industrial-Complex 54 Years After Eisenhower
afsc.org
22Winston Churchill: the Imperial Monster, par Michael Dickinson
counterpunch.org
23Pauwels, le Mythe de la bonne guerre. Page 31.
communisme-bolchevisme.net
24One Day in August: The Untold Story Behind Canada's Tragedy at Dieppe, by David O'Keefe. Book review.
canadashistory.ca
25Le débarquement de Dieppe
secondeguerre.net
26Le débarquement du 6 juin 1944 du mythe d'aujourd'hui à la réalité historique, par Annie Lacroix-Riz
lafauteadiderot.net
27WWII's Greatest Battle: How Kursk Changed the War
thedailybeast.com
28Industriels et banquiers français sous l'Occupation
amazon.fr
29Le débarquement du 6 juin 1944 du mythe d'aujourd'hui à la réalité historique, par Annie Lacroix-Riz
Chapitre « La Pax Americana vue par Armand Bérard en juillet 1941 »
lafauteadiderot.net
30Quand les héritiers de la synarchie, par Annie Lacroix-Riz
http://encyclopedie-marxiste.over-blog.com/pages/QUAND_LES_HERITIERS_DE_LA_SYNARCHIE_par_Annie_LacroixRiz-563449.html
et
L'intégration européenne de la France : La tutelle de l'Allemagne et des Etats-Unis, par Annie Lacroix-Riz
amazon.fr
31General Mark Clark
historylearningsite.co.uk
32Quand les Américains voulaient gouverner la France, par Annie Lacroix-Riz
monde-diplomatique.fr
33Lorsque le 18 juin 1940, le général De Gaulle décide de continuer la guerre au nom de la France à partir du territoire anglais, un écueil le guette lui et le mouvement qu'il s'apprête à mettre en place : devenir le chef d'une force d'appoint française vouée à ne jamais s'affirmer politiquement.
france-libre.net
34Comment fut signé à Moscou le pacte franco-soviétique
monde-diplomatique.fr
35Le débarquement du 6 juin 1944 du mythe d'aujourd'hui à la réalité historique, par Annie Lacroix-Riz
Chapitre contre les espérances populaires
lafauteadiderot.net
36Le bombardement « allié » de l'impérialisme anglo-américain en 1944 sur la France
matierevolution.fr
37Boulogne-Billancourt sous les bombes
boulognebillancourt.com
38La collaboration de Renault avec le fascisme durant la seconde guerre mondiale
gauchemip.org
« Aucune voiture américaine », dans Industriels et banquiers français sous l'Occupation, par Annie Lacroix-Riz, page 111
39About Bomber Command
rafbf.org
40His Master's Voice: Air Chief Marshal Sir Arthur Travers Harris, 1892-1984, par Charles Lutton
ihr.org
41Timeline of the Air War, 1939-1945 (le lien ne mentionne pas tous les bombardements menés sur le sol français).
pbs.org
Pour une liste plus détaillée des cibles françaises, voir ici :
matierevolution.fr
42Pourquoi tant de bombes ? par Richard Overy
histoire.presse.fr
43Bombing France: Allied Strategies, 1940-1945 / Bombarder la France: stratégies des Alliés, 1940-1945
blogs.reading.ac.uk
44Le débarquement du 6 juin 1944 du mythe d'aujourd'hui à la réalité historique, par Annie Lacroix-Riz
lafauteadiderot.net
45Pauwels, le Mythe de la bonne guerre. Page 34.
communisme-bolchevisme.net
46The Bomb Didn't Beat Japan... Stalin Did
foreignpolicy.com
47 Bizarres et négligées : les campagnes sicilienne et italienne (1943-1945) (Seconde partie), par Carl Pépin, historien
carlpepin.com
48Le Mythe de la bonne guerre, page 39.
49La population normande sous le bombardement américain du 6 juin 1944
parolesdhommesetdefemmes.fr
50Pourquoi tant de bombes ? par Richard Overy
histoire.presse.fr
51Pourquoi tant de bombes ? par Richard Overy
histoire.presse.fr
52The jewish Threat, Anti-semitic Politics Of The American Army par Joseph W. Bendersky
amazon.com
53French black soldiers excluded in 'whites only' liberation of Paris
afroeurope.blogspot.fr
54Yes, there were black-soldiers in the liberation of France during WW2
kathmanduk2.wordpress.com
55The Liberation of Paris: whites only
https://abagond.wordpress.com/2010/06/17/the-liberation-of-paris-whites-only/
Liberation of Paris: The hidden truth
Months before D-Day, American and British commanders decided that only French troops who were 100 per cent white could take part in the operation to free Paris. John Lichfield reports
independent.co.uk
56Liberation of Paris: The hidden truth
independent.co.uk
57D-Day GIs 'raped and killed their French allies while US army generals turned a blind eye'
express.co.uk
58What Soldiers Do: Sex and the American GI in World War II France, par Mary Louise Roberts
books.google.fr
59Voir page 51
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60Treaty of peace with Italy
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62Le Comité français de la libération nationale
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63Le Comité français de Libération nationale
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6530 décembre 1943 : A ALGER LE GÉNÉRAL de GAULLE REÇOIT LE GÉNÉRAL EISENHOWER
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66Allied Military Government of Occupied Territories A.M.G.O.T
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67Les ordonnances d'Alger
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68« La mémoire a blanchi le débarquement en Provence »
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75The Nazi past of Germany's post-war political elite
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77 collections.forumdesimages.fr
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