Le Citywest Transit Hub, l'un des principaux sas d'accueil des migrants en Irlande, va fermer ses portes aux nouveaux arrivants. Et ce, au moins jusqu'à la mi-février. L'annonce a été faite officiellement ce jeudi19 janvier par Roderic O'Gorman, ministre de l'Enfance, de l'Egalité, du Handicap, de l'Intégration et de la Jeunesse.
Le ministre a promis que l'hébergement des plus vulnérables dont les femmes, enfants et personnes en situation de handicap, serait garanti malgré tout. Mais il a convenu qu'il existait un "risque réel" que les nouveaux arrivants se retrouvent à la rue, relate le média irlandais Irish Examiner.
Les réactions des ONG ne se sont pas faites attendre. "Il s'agit d'une nouvelle baisse inquiétante de notre système de protection internationale en Irlande", a commenté John Lannon, le directeur de l'ONG d'aide aux migrants Doras. Si le responsable reconnaît la charge de travail du ministère depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février, il reproche au gouvernement d'être dans un "mode de gestion de crise" depuis le début, sans enclencher de réponse pérenne.
Depuis la guerre en Ukraine, trois fermetures du centre
De fait, c'est la troisième fois que cette situation se produit dans les derniers mois. Le Citywest Transit Hub avait déjà clos ses portes fin octobre 2022 pour quelques jours. Il accueillait alors pas moins de 58 000 personnes. Parmi elles, l'immense majorité - 42 000 - étaient des ressortissants ukrainiens, aux côtés de 16 000 demandeurs d'asile.
Pendant la période de Noël, le centre avait de nouveau fermé, du 24 au 27 décembre. L'État y accueillait alors 10 000 personnes de plus : plus de 50 000 Ukrainiens et environ 18 000 demandeurs de protection internationale.
"Moins d'un mois plus tard, on revient à cette situation. Il est donc très difficile de rester optimiste sur la capacité du gouvernement à répondre au besoin d'un hébergement stable et sécurisé pour les réfugiés", commente John Lannon dans un communiqué de l'ONG Doras.
Aujourd'hui, l'État accueille dans le Citywest Transit Hub 19 350 demandeurs d'une protection internationale, et 52 800 Ukrainiens. Soit 4 000 personnes de plus qu'à Noël.
La construction de 200 modulaires est en cours, pour agrandir encore le centre. Mais ceux-ci ne seront prêts qu'au printemps. Initialement prévue pour novembre, leur livraison a pris du retard.
"Risque de préjudice pour les enfants"
"Nous avons besoin de présence sur le terrain pour déterminer les régions du pays où il y a des capacités d'accueil", a soutenu ce vendredi Cathal Crowe, membre du Parlement irlandais, relayé par l' Irish Examiner. Le responsable politique pousse à l'établissement d'une cartographie précise des capacités de logements, de soins de santé et de places dans les établissements scolaires.
D'autant que la saturation des centres d'hébergement n'a pas que des conséquences sur les nouveaux arrivants. Au Citiwest, il existe "un risque de préjudice pour les enfants, en raison d'un manque total d'intimité en termes d'hébergement, du mélange d'adultes et d'enfants sans parents et du manque de personnel de protection de l'enfance expérimenté et formé sur le terrain" s'inquiétait fin décembre l'ONG Irish Refugee Council. Dans une lettre adressée au ministre Roderic O'Gorman, ses observateurs décrivaient notamment l'organisation "inappropriée" des sanitaires : "Nous avons vu deux enfants mineurs faire la queue seuls pour les douches ensemble dans une ligne qui comprenait des hommes adultes".
L'abri sous tente ne doit pas devenir "la nouvelle norme"
Autre exemple : le centre de Knockalisheen a lui aussi atteint ses capacités maximales. À l'intérieur, "il n'y a pas assez de lave-linges et de séchoirs pour tout le monde. Cela signifie que chaque demandeur d'asile qui y vit est affecté par le surnombre", décrit l'ONG Doras dans son communiqué.
À la fin du mois de septembre, des personnes ont été abritées sous tente à Knockalisheen, en raison de cette saturation. "On leur a dit que cela ne durerait que quelques semaines, or ils y étaient toujours lorsque les températures sont descendues à moins 5 degrés en décembre", fustige l'ONG. Celle-ci considère que le recours à des campements n'est "en aucun cas acceptable" et ne doit pas devenir la "nouvelle norme" d'accueil des demandeurs d'asile.
Le ministre des Affaires étrangères irlandais, Micheál Martin, défend quant à lui le travail du gouvernement face à une "pression énorme" et inédite depuis la guerre en Ukraine : "Il n'y a pas de solutions faciles".