Les membres du gang d'Abu Shabab à Gaza, dans une vidéo récente qui a été diffusée par le groupe. (Capture d'écran : Facebook)
Par Times of Israel, 5 juin 2025
Israël a armé un gang de djihadistes appartenant au milieu criminel dans la bande de Gaza dans le cadre d'une initiative qui vise à renforcer l'opposition au Hamas au sein de l'enclave, ont confirmé jeudi des sources proches de l'establishment de la Défense, suite à des propos qui avaient été tenus à ce sujet par l'ancien ministre de la Défense Avigdor Liberman.
Liberman, à la tête du parti d'opposition Yisrael Beytenu, avait déclaré devant les caméras de la chaîne publique Kan, jeudi matin, que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait approuvé, de manière unilatérale, le principe du transfert d'armements au clan Abou Shabab, un groupe armé qui s'oppose à la domination du Hamas dans la bande de Gaza.
« Le gouvernement israélien donne des armes à un groupe de criminels et à des voyous, proches de l'État islamique, sur ordre du Premier ministre », s'est insurgé Liberman. « Ce qui, à ma connaissance, n'a pas été approuvé par le cabinet ».
Il a affirmé que le chef du Shin Bet, Ronen Bar, était au courant de cette décision - « mais je ne sais pas dans quelle mesure le chef d'état-major a été impliqué », a-t-il noté.
Ce groupe, qui est parfois qualifié de milice, parfois de gang criminel, est dirigé par Yasser Abu Shabab, membre d'un grand clan du sud de Gaza.
Son groupe a été filmé, ces derniers jours, en train de mener des opérations dans un secteur situé à proximité du poste-frontière de Kerem Shalom, une zone placée sous contrôle militaire israélien.
Sur ces images, qui ont été diffusées sur internet par Abu Shabab, des membres du groupe portent des uniformes de style militaire sur lesquels figurent le drapeau palestinien et les mots « Unité de lutte contre le terrorisme ».
Des membres du gang d'Abu Shabab à Gaza, dans des captures d'écran d'une vidéo récente publiée par le groupe. (Capture d'écran : Facebook)
Répondant aux propos de Liberman, le bureau du Premier ministre n'a pas démenti les allégations mais il a fait savoir qu'Israël « œuvre à vaincre le Hamas par divers moyens, sur la base des recommandations faites par tous les responsables de l'establishment de la sécurité dans le pays ».
L'accusation lancée par Liberman a ultérieurement été confirmée par des officiels de la Défense qui se sont exprimés sous couvert d'anonymat. Le censeur israélien a donné son feu vert à la publication des détails apportés par ces derniers.
Les sources ont confirmé qu'Israël avait transféré des Kalachnikov au gang. Certains armements avaient été saisis dans les arsenaux du Hamas au cours de la guerre.
La décision de commencer à armer le groupe avait été prise sans approbation préalable de la part du cabinet de sécurité israélien - ce qui va à l'encontre de la procédure. Elle a été prise par les instances chargées de la sécurité avec l'approbation du Premier ministre, ont précisé les sources.
La milice mène ses opérations à Rafah, dans une zone placée sous contrôle militaire israélien. Abou Shabab a affirmé qu'il assurait la sécurité des convois transportant les aides humanitaires, même si d'autres ont accusé son groupe de les piller.
Pris pour cible par le Hamas
Le clan a attiré l'attention du Hamas. Le 30 mai, le Hamas avait diffusé une vidéo officielle montrant un groupe d'hommes armés et masqués qui menaient des opérations à l'extérieur d'un bâtiment avant que ce dernier n'explose. Le Hamas avait affirmé que le groupe, sur les images, travaillait avec les soldats israéliens en inspectant les bâtiments avant que les troupes israéliennes ne s'y installent, sans préciser s'il s'agissait d'Israéliens ou de Palestiniens.
Toutefois, des photos antérieures du gang d'Abu Shabab, comparées avec les nouvelles, avaient clairement laissé penser qu'il s'agissait du même groupe - ce qui indique que le Hamas considère le gang comme une menace.
Lors d'un entretien avec le journal libanais Al-Akhbar, en début de semaine, des sources proches du Hamas, qui se sont exprimées sous couvert d'anonymat, ont donné un plus grand nombre d'informations sur le groupe, qui, elles l'ont admis, a été pour le groupe terroriste [lequel !] une épine dans le pied.
Selon ces sources, la milice comprend quelque 300 personnes - Abu Shabab en a personnellement recruté environ 50. Les 250 autres membres auraient rejoint le gang, pour leur part, par l'intermédiaire des services de renseignement de l'Autorité palestinienne.
Les sources du Hamas n'ont pas fourni de preuves des liens supposés qui uniraient Abu Shabab et l'Autorité Palestinienne, à Ramallah, et Al-Akhbar n'a été en mesure de vérifier aucune des affirmations qui ont été faites par le groupe terroriste.
Le groupe avait fait son apparition à Rafah au mois de mai 2024, après l'invasion par l'armée israélienne de la ville la plus au sud de la bande de Gaza, ont déclaré les sources du Hamas. Elles ont confié à Al-Akhbar que les Brigades Al-Qassam avaient « déjà commencé à commettre des assassinats directs » contre les membres du gang d'Abu Shabab, et que l'existence du groupe était rapidement devenue une « question centrale » pour l'organisation terroriste.
Selon les sources, certains membres du gang appartiennent à une faction salafiste extrémiste qui a également eu des démêlés avec le Hamas avant la guerre.
Ce n'est pas la première fois que Netanyahu est impliqué ou accusé de soutenir des milices et des groupes terroristes en plein essor dans le but d'affaiblir un ennemi commun.
Au fil des ans, différents rapports avaient indiqué que la politique d'Israël, sous la gouvernance de Netanyahu, consistait à considérer le Hamas comme un atout susceptible d'être utilisé pour affaiblir l'Autorité palestinienne.
En 2019, le Premier ministre avait déclaré lors d'une réunion de faction du Likud, semble-t-il, que tous ceux qui s'opposaient à la création d'un état palestinien devaient soutenir les transferts de fonds au Hamas, ennemi de l'Autorité palestinienne - qui, elle, est reconnue par la communauté internationale.
Le ministre des Finances Bezalel Smotrich avait fait une déclaration similaire lors d'une interview en 2015.
La révélation faite par Liberman, jeudi, a suscité un tollé. Le leader du parti de gauche Les Démocrates, Yair Golan, a souligné ce qui lui est apparu comme un modèle de comportement.
« Netanyahu, qui a transféré des milliards au Hamas dans des valises remplies d'argent sur la base de la conviction erronée que le Hamas était un 'atout', fait maintenant la promotion d'un nouveau concept dangereux : Armer une milice gazaouie qui entretient des liens avec l'EI », a écrit le politicien sur X.
« Netanyahu est dangereux pour la sécurité d'Israël », a-t-il accusé. « Il ne s'agit pas d'une erreur isolée. C'est systématique. Netanyahu vend la sécurité d'Israël pour un seul jour de plus passé au pouvoir ».
Un avis qui a été partagé par le chef de l'opposition, Yair Lapid.
« Après que Netanyahu a cessé de donner des millions de dollars au Hamas, voilà qu'il approvisionne désormais en armes des organisations proches de l'État islamique à Gaza, le tout sans préparation, sans planification stratégique, ce qui entraînera de nouveaux désastres », a écrit Lapid sur le site X.
Times of Israël, 5 juin 2025
Source: fr.timesofisrael.com