par John Pilger *
Le grand journaliste James Cameron a dit un jour : « Quand on vous traite de ‹ communiste ›, surtout de ‹ juif communiste ›, vous savez que vous faites quelque chose de bien, vous avez du succès ».
Pilger a récemment donné une interview au « South China Morning Post » et a rappelé le rôle de la propagande dans les guerres. Selon lui, il en va de même pour la guerre en Ukraine. « Vous devez toujours vous rappeler qu'il s'agit avant tout d'une guerre de propagande. Et je pense que l'on peut faire confiance à presque rien de ce que l'on lit dans la presse occidentale sur l'invasion de l'Ukraine ».
Le scepticisme est de mise, mais il n'est pas sûr que les lecteurs et les téléspectateurs étasuniens et européens en aient la capacité.
« C'est désormais crucial, car on ne peut plus rien croire. Chaque jour, quand je lis les médias, je regarde la source, et c'est le service secret ukrainien ».
L'opération de propagande en Ukraine est « assez brillante ». « Ils ont réussi à inventer une attaque par guerre chimique sans qu'il y en ait eu une. Ils ont réussi à maintenir hors des médias occidentaux le fait qu'une grande partie de l'Ukraine est contaminée par de véritables extrémistes, des fascistes, des ‹ néonazis › comme on les appelle.
Les Etats-Unis jouent le rôle principal en Ukraine. Mais il ne faut pas oublier que les Etats-Unis n'en ont rien à faire de l'Ukraine. L'Ukraine n'est qu'un pion dans ce jeu.
Selon leur ministre de la Défense, l'objectif des Etats-Unis est, littéralement et publiquement, de détruire la Fédération de Russie. « Cela est connu depuis longtemps. C'est probablement le projet le plus dangereux dans le monde actuel, car les Russes ne le laisseront pas faire ».
Comprendre le conflit, c'est donner la parole aux deux parties, a-t-il ajouté. Avant le 24 février de cette année, 60 000 soldats ukrainiens se trouvaient sur la ligne de contact à travers le Donbass, a-t-il ajouté.
« Pour les Russes, le Donbass est le dernier tremplin.... Tout dans l'histoire russe moderne et dans l'histoire tout court nous dit que les Russes ne toléreront jamais ce qui se passe en Ukraine. Qu'ils considèrent cela comme une menace, et l'Histoire les justifie. Dans toute discussion sur la géopolitique, l'histoire doit faire partie de l'analyse ».
Selon Pilger, c'est de la pure ignorance occidentale vis-à-vis de la Russie, mais aussi de la Chine, que de ne pas vouloir considérer leur perspective. Il ne s'agit en aucun cas d'approuver l'invasion de Poutine ou de la cautionner, mais il faut la comprendre. La Russie n'en tirera aucun avantage. « Une fois déclenchée la guerre, tout peut arriver ».
En tant que journaliste mainstream, Pilger a rapporté neuf guerres, mais il n'a jamais vu un tel « tsunami de hourra-patriotisme dans ses variantes on ne peut plus manipulatrices ». Il dit toujours aux gens qu'ils doivent déconstruire toutes les informations à la télévision, les vérifier. Si ce n'est pas possible, il faut les rejeter. Quand il n'a pas le temps de le faire, comme la plupart des gens, il n'y a qu'une chose à faire : les ignorer. Car s'il y avait autrefois encore de la place pour les journalistes qui s'engageaient pour la vérité, même à Londres, dans Fleet Street, le quartier de la presse de l'époque, ces espaces sont aujourd'hui fermés.
On peut certes se moquer des médias sociaux, mais « cela signifie que nous avons au moins la possibilité de remettre en question ce que nous voyons, entendons et lisons dans les médias dominants ». Car ces médias mainstream font partie d'une guerre de propagande. Le but n'est pas de faire de l'anti-prop d'une quelconque manière et de critiquer le métier qui m'a donné un foyer tout au long de ma carrière. Mais c'est la vérité, et nous devons être sceptiques. Nous devons absolument être sceptiques envers tout ».
La Chine encerclée par 40 bases américaines
En tant qu'Australien, Pilger observe également la propagande contre la Chine. Il s'agit d'une « ‹ guerre douce › qui est déjà menée contre la Chine. C'est ce que nous vivons jour après jour et c'est extrêmement dangereux ». Les rapports sur l'affirmation de la Chine en mer de Chine méridionale sont souvent tendancieux, mais le fait est, et cela est délibérément passé sous silence, que « la Chine est entourée d'environ 40 bases US, de l'Australie à travers le Pacifique jusqu'en Asie, jusqu'en Corée, au Japon et à Okinawa. Ces bases flottantes visent toutes le cœur industriel de la Chine ».
Qu'en est-il de l'indépendance de l'Australie vis-à-vis des Etats-Unis ?
« L'Australie suit les Etats-Unis. La politique étrangère australienne, l'armée, ses services secrets, ses médias, une grande partie de la vie intellectuelle publique sont intégrés aux Etats-Unis ». Pilger admet, qu'il est souvent insultant de qualifier l'Australie de 51e Etat US. « Pourtant, c'est le cas ». Ce que les Etats-Unis convoitent, ils l'obtiennent généralement.
Où sont-ils, les journalistes européens à imiter l'action de l'honnête combattant australien pour la vérité ?
Original : « ‹This is a war of propaganda› : John Pilger on Ukraine and Assange. Talking Post with Yonden Lhatoo ». South China Morning Post du 09/07/22 ;