Les négociations entre les partenaires sociaux semblent laborieuses sur le télétravail. Julia de Funès développe cette problématique: "Les syndicats veulent un cadre pour réguler le télétravail, et du côté du patronat et de l'Etat, le télétravail doit faire preuve d'une certaine souplesse. Cette souplesse est l'essence même du télétravail. Si on commence à le rigidifier de façon trop contraignante, on va à l'encontre de ce qui fait son charme et son intérêt. Il faut l'encadrer, mais laisser un peu de souplesse. Il y a des métiers non transposables au télétravail : il faut leur trouver des compensations, sinon ils pourront développer une forme de ressentiment et de jalousie vis-à-vis des personnes qui le peuvent. Même s'il n'en créée pas, il y a des inégalités sociales que le télétravail amplifie, provenant de différences sectorielles et de métier", estime Julia de Funès, qui plaide également pour une indemnisation des coûts : "Là encore, on rencontre des inégalités sociales. Mais les entreprises peuvent se passer de bureau et d'espaces avec le télétravail. On pourrait utiliser ce coût en moins pour compenser les coûts supplémentaires au domicile."
"Après le déconfinement, le télétravail va rester hybride, ce qui représente tout son intérêt"
Elle constate un recul de l'envie de recourir au télétravail ces derniers mois depuis le premier confinement, mais qui ne devrait pas remettre en cause sa progression : "Depuis septembre, beaucoup de salariés avaient envie de retourner au bureau, et les dirigeants ont freiné des quatre fers. Je pense qu'après le déconfinement on va rester dans cette forme d'hybridation qui est tout l'intérêt du télétravail. Je ne crois pas qu'il y ait un manque d'enthousiasme sur le télétravail, qui est une avancée fantastique. Mais on s'est rendus compte des risques et inconvénients, et on va trouver cet entre-deux." Et quels sont ses avantages ? "Le télétravail est une libération psychologique. Au travail, on est dans une comédie humaine, on est soucieux de l'image que l'on projette. Dans le télétravail, seule la performance délivrable compte. Cela explique en partie pourquoi les gens qui télétravaillent sont plus efficaces, on est moins en représentation pour montrer qu'on travaille... Mais en général, quand on fait signe qu'on travaille, c'est qu'on ne travaille pas !"
Mais à l'inverse, ne peut-on pas se sentir isolé et démotivé lorsque l'on télétravaille ? "Oui, néanmoins je ne pense pas que le télétravail, hors confinement, empêche en le travail collectif et la créativité. Car déjà, le présentiel n'a jamais garanti une créativité fantastique : parfois les gens sont dans les open-spaces, s'envoient un mail à un mètre de distance, c'est l'équivalent d'un télétravail en présentiel. Deuxièmement, le fait de distancer les relations les rendent d'autant plus désirées : lorsque l'on voit son collègue deux ou trois fois par semaine, les réunions sont plus pulsantes et efficaces. Donc je ne crois pas en cet argument du délitement des liens sociaux." Et n'y a-t-il pas un risque d'externalisation et donc de délocalisation ? "Oui, mais c'est aussi une opportunité" conclut la philosophe. "On peut délocaliser, mais aussi embaucher des gens en temps normal car ils sont trop loin".