
Par Tom Mackaman, le 1er octobre 2025
Le secrétaire à la Guerre Pete Hegseth a annoncé que les 20 soldats américains qui ont participé au massacre de centaines d'hommes, de femmes et d'enfants Lakota à Wounded Knee en 1890 conserveront les médailles d'honneur qui leur ont été décernées.
Le massacre de Wounded Knee s'est produit lors d'une froide journée d'hiver, le 29 décembre 1890, lorsque des troupes du 7è régiment de cavalerie américain ont tué environ 250 à 300 hommes, femmes et enfants Lakota Sioux près de Wounded Knee Creek, dans le Dakota du Sud. À la suite de cet événement, 20 soldats ont reçu la médaille d'honneur, la plus haute distinction militaire.
Dans une vidéo publiée jeudi soir sur X, M. Hegseth a déclaré qu'un comité d'examen a recommandé, dans une étude achevée l'année dernière, de permettre aux soldats de conserver leurs médailles, et qu'il n'a fait que suivre cette recommandation.
"Nous affirmons clairement que [les soldats] méritent ces médailles", a déclaré M. Hegseth. Qualifiant ces hommes de "soldats courageux", il a ajouté que le comité d'examen a conclu que les médailles ont été décernées à juste titre.
"Cette décision est désormais définitive", a-t-il ajouté, "et leur place dans l'histoire de notre nation n'est plus sujette à débat".
L'annonce de Hegseth doit être considérée comme un avertissement. Une administration prête à célébrer en héros les auteurs de l'un des crimes de guerre les plus horribles de l'histoire américaine est prête à réitérer de tels crimes, ou pire aujourd'hui.
À l'aide de fusils, d'artillerie et de tirs à mitraille, les "héros" de Hegseth ont détruit tout un village des Miniconjou Lakota, dont la grande majorité était composée de femmes, d'enfants et de personnes âgées. Vingt-cinq soldats américains ont trouvé la mort, pour la plupart victimes de "tirs amis" dans des unités sans aucune expérience du combat, et ivres de whisky au moment de l'attaque.
Ce massacre a été précédé par des décennies de spoliations sauvages et de traités non respectés imposés aux peuples autochtones de l'ouest du Mississippi. C'est dans ce contexte de dépossession et de désespoir qu'est né un mouvement de renouveau spirituel. Amorcé en 1889 par Wovoka, un prophète paiute, il s'est rapidement répandu parmi les tribus de toute la région. Selon Wovoka, la pratique assidue de la Danse des Esprits - une danse rituelle communautaire en cercle - permettrait aux peuples autochtones de ramener dans le monde les nombreux ancêtres perdus, victimes de la guerre, de la maladie et de la faim, de restaurer le bison, alors presque chassé jusqu'à l'extinction, et de chasser l'homme blanc et toutes ses "œuvres" de leurs terres.
Les responsables des réserves et les intérêts capitalistes de l'Ouest (propriétaires de mines et éleveurs) considéraient ce mouvement religieux pacifique comme une menace, interprétant son message millénariste comme le signe avant-coureur d'un soulèvement.
PHOTOGRAPHIE © nationalgeographic.fr
Dans le climat de peur et de désespoir qui a suivi le meurtre de Sitting Bull, Spotted Elk, chef des Miniconjou lakotas, a décidé de se rendre aux forces américaines. Souffrant de pneumonie et espérant éviter la violence, il a mené son groupe vers le sud, en direction de la réserve de Pine Ridge, dans l'espoir de trouver protection auprès de Red Cloud, un chef collaborant avec l'armée américaine. Le 28 décembre 1890, le groupe fut intercepté par le 7è régiment de cavalerie. Spotted Elk et son peuple furent escortés vers un campement près de la rivière Wounded Knee, que les soldats ont encerclée avec huit compagnies de cavalerie et quatre canons.
"Les soldats et les éclaireurs étaient près de cinq fois plus nombreux que les guerriers lakotas", écrit l'historien Peter Cozzens.
La responsabilité ultime du massacre incombe aux hauts gradés de l'armée. Le général John R. Brooke avait en effet donné l'ordre à son subordonné, le colonel James Forsyth, de
"désarmer la bande de Big Foot (Spotted Elk), d'empêcher toute fuite et, s'ils se battaient, de les détruire".
Le 29 décembre, Forsyth ordonna au groupe de rendre ses armes. Au cours d'une fouille invasive et chaotique, une altercation a éclaté, un coup de feu est parti et les soldats ont ouvert le feu avec leurs fusils et leurs canons, tuant sans discernement pendant plus d'une heure.
Les soldats américains "ont froidement abattu" ceux qui tentaient de fuir, y compris, selon les mots de Cozzen,
"cinq jeunes filles qui tentaient de distancer les soldats à cheval. Quelques instants avant d'être rattrapées, les filles se sont assises et ont fait face à leurs bourreaux. Les soldats ont levé leurs fusils, les filles se sont couvert le visage avec des couvertures, et en un éclair, elles sont mortes".
Les soldats, toujours sous les ordres, ont ensuite lancé des bombes à fragmentation et tiré des coups de canon sur ceux qui ne représentaient "aucune menace concrète pour quiconque".
Les témoignages des soldats et des Amérindiens n'ont cessé de revenir sur le massacre d'enfants et de bébés par l'armée américaine. Dewey Beard, un survivant, se souvient :
"Quand j'ai vu tous ces petits enfants gisant là, morts et baignant dans leur sang, j'ai senti que même si je dévorais l'un des soldats, cela ne calmerait pas ma colère".
Un lieutenant, impliqué dans le massacre, se souvient des cris
"venant de tous côtés... exprimant l'horreur devant le massacre de femmes portant leurs bébés sur le dos".
Black Elk, interviewé par le poète John G. Neihardt en 1932, se souvient de la scène :
"Quand je repense à cette époque depuis toute la sagesse de ma vieillesse, je vois encore les femmes et les enfants massacrés, gisant en tas et éparpillés le long du ravin sinueux, aussi clairement que lorsque je les ai vus de mes yeux encore jeunes".
Les jours qui ont suivi furent marqués par un froid glacial et une tempête de neige qui ont empêché d'enterrer les victimes. Les morts lakotas gisaient sans sépulture, tordus et rigides, affreusement déformés par le froid, parmi lesquels se trouvaient de nombreuses femmes et enfants abattus alors qu'ils tentaient de fuir. Les cadavres des hommes indiquaient que leurs chemises cérémonielles traditionnelles avaient été volées par les soldats américains en guise de trophée, avant que les corps ne soient jetés dans une fosse commune.
L'État américain n'a jamais eu pour habitude de présenter des excuses pour ses nombreux crimes de guerre, même les plus flagrants, comme celui de Wounded Knee. Bien que cette atrocité soit depuis longtemps dénoncée pour sa barbarie et ses horreurs méticuleusement documentées, les politiciens capitalistes n'ont jamais déchu les soldats de leurs médailles d'honneur pour leur rôle dans le massacre.
Plusieurs projets de loi présentés au Congrès ont échoué à plusieurs reprises, le plus récent étant le "Remove the Stain Act", déposé en mai 2025 par la sénatrice Elizabeth Warren et la représentante Jill Tokuda, puis rejeté par la commission. Cette décision fait suite à une tentative infructueuse lancée sous l'administration Biden par le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, qui, en 2021, a ordonné au ministère de la Guerre une réexamen des médailles d'honneur décernées pour Wounded Knee. Cet examen s'est conclu sans recommandation de retrait, préservant ainsi les médailles.
La déclaration de Hegseth fait écho à la réhabilitation par l'administration Trump des "héros" militaires des États confédérés d'Amérique qui ont mené une guerre contre-révolutionnaire acharnée pour préserver l'esclavage dans les années 1860, notamment le général Robert E. Lee. Selon Hegseth, ces actes d'oppression les plus odieux et les plus honteux pourraient être qualifiés d'héroïques par décret administratif.
Cette glorification indécente des auteurs du massacre de Wounded Knee par l'administration Trump survient alors que Hegseth appelle à la renaissance de l'"éthique guerrière" américaine. La rencontre entre Hegseth et les généraux et amiraux du pays, chargés de transmettre cette "éthique" au corps des officiers, est une tentative affligeante de présenter le massacre de civils et l'atteinte aux droits démocratiques sous le jour de traditions militaires honorables. Aujourd'hui, alors que l'administration déploie des troupes fédérales dans les villes américaines et autorise l'usage de la "force maximale" contre les manifestants, l'armée transmet explicitement le message que des actes tels que ceux commis à Wounded Knee ne sont pas des crimes, mais des exemples à suivre.
Alors que l'État israélien se livre à un génocide contre la population de Gaza avec le soutien inconditionnel de Washington, c'est cette même logique du massacre de Wounded Knee qui se perpétue. Yasser Arafat a lancé cette célèbre mise en garde : les Palestiniens ne veulent pas devenir les "Peaux-Rouges" du Moyen-Orient, un peuple décimé, contraint à l'exil, puis commémoré comme une tragique relique par les puissances mêmes qui l'ont anéanti. La glorification de la violence coloniale aux États-Unis et la destruction de Gaza sont non seulement analogues sur le plan historique, mais témoignent surtout de l'escalade actuelle de la puissance impériale.
La célébration par Hegseth des faits d'armes de Wounded Knee est un avertissement adressé à la classe ouvrière et aux opprimés du monde entier. Les chefs militaires américains ont reçu l'ordre de ne pas hésiter à recourir à la répression de masse, tant chez eux qu'à l'étranger. Les leçons de Wounded Knee ne sont pas de l'histoire ancienne, mais un danger bien réel qu'il faut rappeler et combattre à tout prix.
Traduit par Spirit of Free Speech