
Par Michael Arria, le 22 octobre 2025
Alors que le soutien à Israël s'effondre parmi les électeurs américains, les Démocrates prennent leurs distances avec l'AIPAC, et le lobby pro-israélien est sur la défensive.
La semaine dernière, le représentant Seth Moulton (D-MA) a annoncé son intention de cesser d'accepter les dons politiques de l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et de restituer l'argent reçu jusqu'à présent de ce groupe de pression.
"Ces dernières années, l'AIPAC s'est trop aligné sur le gouvernement du Premier ministre Netanyahu", a déclaré le membre du Congrès dans un communiqué. "Je suis un ami d'Israël, mais pas de son gouvernement actuel, et la mission de l'AIPAC aujourd'hui est de soutenir ce gouvernement. Je ne soutiens pas cette orientation. C'est pourquoi j'ai décidé de restituer les dons que j'ai reçus et je n'accepterai plus leur soutien", a-t-il ajouté."Le représentant Moulton abandonne ses amis pour faire la une des journaux, capitulant devant les extrémistes plutôt que de rester fidèle à ses convictions", a déclaré Marshall Wittmann, porte-parole de l'AIPAC, en réponse à cette décision. "Sa déclaration intervient après des années au cours desquelles il a maintes fois sollicité notre soutien, et constitue un message clair à l'attention des membres de l'AIPAC du Massachusetts et des millions de démocrates pro-israéliens à travers le pays : il rejette leur soutien et se désolidarise d'eux".
Moulton, qui tente de décrocher le siège de sénateur actuellement occupé par Ed Markey, n'est certainement pas un pacifiste. En 2022, cet ancien marine a rédigé une lettre dans laquelle il appelait le président Biden à désigner les Houthis comme une organisation terroriste. Lorsque l'administration Trump a bombardé trois installations nucléaires iraniennes au début de l'année, il s'est abstenu de critiquer ces frappes.
Moulton a toujours été un fervent partisan d'Israël, tant à l'étranger qu' au pays. Il a voté en faveur de la loi sur la sensibilisation à l'antisémitisme ainsi que d'autres résolutions assimilant l'antisémitisme à l'antisionisme. Il a également condamné son alma mater, l'université Harvard, pour une lettre d'étudiants qui attribuait l'attaque du 7 octobre aux politiques israéliennes.
En bref, Moulton n'est pas le genre de membre du Congrès que l'on s'attend à voir critiquer une organisation du lobby israélien. Les critiques à l'égard de l'AIPAC émanent généralement de l'aile gauche du Parti démocrate, de législateurs comme Rashida Tlaib et Ilhan Omar.
Mais les choses ont changé ces dernières semaines. Moulton est le quatrième homme politique à renoncer aux fonds de l'AIPAC après les avoir acceptés, rejoignant ainsi les représentants Morgan McGarvey (D-KY), Valerie Foushee (D-NC) et Deborah Ross (D-NC).
Ces décisions interviennent alors qu'une série de sondages récents montre que le soutien à Israël est en chute libre chez les électeurs américains. Une enquête réalisée en septembre par le New York Times et l'université de Siena a révélé que seuls 34 % des électeurs américains soutiennent Israël, contre 47 % peu après le 7 octobre. Un article du New York Times consacré à ce sondage a qualifié ce changement de "revirement radical".
"L'opposition à la guerre semble avoir incité les électeurs américains à réévaluer drastiquement leur soutien global au conflit qui sévit depuis des décennies dans la région", a noté le journal.
Le consultant démocrate Peter Feld affirme que ces initiatives montrent clairement que le groupe de pression devient un paria aux yeux du public, mais il souligne que les électeurs attendent davantage de leurs élus qu'une simple opposition à l'AIPAC. Ils attendent de leurs représentants qu'ils s'opposent officiellement aux actions d'Israël.
"Certains sondages récents sur les candidats interprètent à tort l'AIPAC comme le problème central, alors que c'est en réalité le soutien constant à l'armement d'Israël qui a aliéné tant d'électeurs démocrates", a déclaré M. Feld à Mondoweiss.
Il a toutefois également souligné que la décision de M. Moulton montre à quel point la position de l'AIPAC est désormais "politiquement toxique".
Cette réalité transparaît non seulement dans les sondages sur Israël, mais aussi dans les récentes apparitions médiatiques de législateurs pro-israéliens.
Pendant des années, le lobby israélien était un sujet tabou impossible à aborder, mais aujourd'hui, les politiciens sont constamment interpellés à ce sujet.
Dans un récent épisode de The Breakfast Club, l'animateur Charlamagne tha God a interrogé le gouverneur Josh Shapiro (D-PA) sur l'AIPAC, lui demandant si la politique étrangère américaine est façonnée par des groupes de pression plutôt que par l'intérêt national.
Le gouverneur Gavin Newsom semble avoir été pris au dépourvu et s'est montré nerveux lors d'un récent épisode du podcast Higher Learning de The Ringer, après que l'animateur Van Lathan a déclaré au candidat à la présidence qu'il ne donnera pas sa voix à un candidat à l'élection de 2028 acceptant l'argent de l'AIPAC.
L'AIPAC a adopté une posture plus défensive à mesure que sa réputation décline. Le groupe a récemment publié une publicité insistant sur les bénéfices que son travail apporte aux Américains, réfutant ainsi clairement les récentes critiques dont il fait l'objet de la part de la droite américaine, critiques qui se sont intensifiées à la suite du meurtre de Charlie Kirk.
"Financé par les Américains. Dirigé par les Américains. Renforcer une alliance qui profite à l'Amérique !",
peut-on lire dans le tweet épinglé de l'organisation.
On ignore si la toxicité de l'AIPAC aura un impact sur sa capacité à influencer les élections américaines, d'autant qu'il dissimule ses activités et son rôle dans de nombreuses campagnes électorales.
"Refuser l'argent de l'AIPAC sera probablement un thème récurrent des élections de mi-mandat de 2026, mais cela ne signifie pas pour autant que l'AIPAC sera complètement marginalisé",
a déclaré Eli Clifton, conseiller principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft, au journal Mondoweiss.
"Si certains candidats peuvent refuser l'argent de l'AIPAC, d'autres verront dans les énormes capacités de financement du groupe un moyen de faire face aux dépenses des campagnes électorales primaires et générales, qui, sans cela, resteraient hors de portée",
a-t-il ajouté, en référence aux sommes colossales dépensées par le Super PAC United Democracy Project de l'AIPAC pour les primaires démocrates.
Quoi qu'il en soit, l'AIPAC devra inévitablement faire face à un rejet sans précédent lors des prochaines élections de mi-mandat.
La campagne du 1er district du Missouri, où l'ancienne membre de la Chambre des représentants Cori Bush a annoncé sa candidature pour récupérer son siège, sera probablement l'une de celles où l'AIPAC occupera le devant de la scène. Bush a été battue par l'actuel représentant, Wesley Bell (D-Mo.), lors des primaires de 2024, et l'AIPAC a dépensé 8,5 millions de dollars pour soutenir son adversaire.
En août, lors d'une réunion publique, Bell a été tenu de s'expliquer sur ses liens avec l'AIPAC auprès de ses électeurs.
"Pour beaucoup, ce sujet est tabou", a déclaré Bell à la foule, tout en niant qu'Israël commette un génocide à Gaza. "Ils veulent juste exprimer ce qu'ils pensent être essentiel, mais ils ne veulent pas débattre de ces questions difficiles"."Wesley Bell a tenté d'argumenter pour éviter d'admettre une complicité dans le génocide, mais il n'a pas convaincu la communauté de sa sincérité",
a déclaré un participant à National Public Radio après la réunion.
"Je me suis présentée au Congrès pour changer les choses pour les Américains ordinaires", a déclaré Mme Bush dans sa première vidéo de campagne pour 2026. "Je me présente à nouveau parce que Saint-Louis mérite un leadership qui agit sans attendre d'autorisation, ne rend de comptes qu'à ses électeurs et ne se cache pas lorsque les choses se gâtent".
Braxton Payne, un consultant politique du Missouri, a déclaré à Jewish Insider que cette élection pourrait être la meilleure chance pour Bush de reconquérir son siège.
"Son point fort est la ville de Saint-Louis, et on constate un fort mouvement d'opinion concernant le conflit à Gaza et en Palestine. Je pense que ce sera l'un de ses principaux arguments de campagne", a déclaré Payne.
Traduit par Spirit of Free Speech