18/09/2025 legrandsoir.info  8min #290876

L'anti-campisme campiste de l'Ujfp (ça vient de sortir)

Viktor DEDAJ

Normalement, je me serais abstenu. Mais comme mon nom est mentionné, avec celui de Maxime Vivas - et plutôt gratuitement, il faut bien le dire - je me vois contraint et forcé d'apporter mon grain de sel. Et comme le document en question est accessible, pourquoi se gêner ?

Je parle bien-sûr d'un « document interne » de l'UJFP de 17 pages rédigé dans le style crytpo-antifa à la Ornella Guyet (pour ceux qui ont la référence). Le document intitulé «  Rouges-bruns, confusionnistes, complotistes, antisémites : des mises au point qui nous semblent nécessaires » fut adopté en pleine torpeur estivale, et son objectif principal est de dégommer, surtout mais pas que, notre ami Michel Collon. A ma connaissance, ce document a provoqué au moins trois démissions de l'UJFP. C'est à la fois dommage et prévisible.

Il y a plein de raisons pour détester Michel Collon. D'abord, il est trop sympa et trop intègre pour un journaliste. C'est louche. Ensuite, sa maison est trop sympa, sa famille est trop sympa et son équipe à Investig'Action est juste trop génial. Et ils font un travail trop indispensable. De là à penser qu'il est trop, il n'y a qu'un pas.

Tout ça fait de lui une cible tellement facile qu'on peut lui régler son compte en seulement 17 pages remplies des rapprochements hasardeux, de décontextualisations, de mensonges par omission, de mensonges tout court et autres petites manipulations habituels dans ce genre de littérature.

Le tout, évidemment, n'est pas signé. C'est d'ailleurs rarement le cas pour ce genre de littérature. Il y a probablement de bonnes raisons. Une de ces raisons étant qu'on pourrait savoir qui parle et d'où il parle. Et d'éviter la balourdise commise par Charlie Hebdo lorsqu'ils nous (le Grand Soir) ont reproché d'avoir publié un auteur qui aurait viré très à droite. Le fait que l'auteur ait été publié avant le fameux virage n'a pas d'importance car de tels angles morts font partie de ce genre littéraire. Et le fait qu'après 10 minutes de recherche sur Internet on découvre que Charlie avait lui-même publié cet auteur non pas une, non pas deux, mais trois fois fait aussi partie du genre. C'est ballot.

C'est un peu comme si on reprochait au journal Le Monde que son ex-caricaturiste étoile, Konk, soit devenu facho (chemin suivi par l'actuel caricaturiste, Plantu, d'ailleurs). Mais ce genre littéraire se cantonne à des cibles précises.

Ce genre littéraire a aussi d'autres codes, comme le recyclage (limite plagiat) de trucs qui datent d'au moins 15 ans, l'ubiquité et le port de faux-nez (avec de gros élastiques). Et le document de l'UJFP n'y échappe pas. Son ou ses auteur(s) non plus. Pire, il(s) se tire(nt) une balle dans le pied et personne apparemment à l'UJFP ne s'en est rendu compte. J'y reviendrai.

Pour rédiger ce genre de littérature, il faut un certain genre d'auteurs. Pour ceux qu'on réussit à identifier - rappelez-vous, ces œuvres sont rarement signées - le résultat n'est pas brillant. Pour revenir à Ornella Guyet, on se souviendra qu'elle écrivait sous plusieurs pseudos et en profitait pour prendre comme référence un article qu'elle avait elle-même rédigée sous un autre pseudo. La multiplication de sites « spécialisés » dans ce genre littéraire et tenus manifestement par les mêmes personnes, se référençant évidemment les uns les autres, fait partie de la même technique. Ça fait sérieux.

Un autre trait marquant chez ces auteurs m'a amené il y a plus de 15 ans à inventer et breveter une méthode redoutable pour débusquer la supercherie. La méthode s'appelle CLV, acronyme pour Cliquer sur Lien pour Vérifier. (Attention, chaque fois que vous le faites, vous me devez 0,01 euros.) En effet, que ne fut ma surprise la première fois que j'ai cliqué sur un des liens de bas de page de la reine des "chasseurs de conspis" Ornella Guyet, pour découvrir qu'il renvoyait vers un article qui disait exactement le contraire ce qui était affirmé.

Un des animateurs du média Le Canard Réfractaire, Yohan (le jeune homme qui présente les vidéos), semblait dubitatif au début lorsque je l'ai mis en garde sur une attaque en règle, et de ces méthodes, qui s'annonçait contre lui et sa chaîne. (Oui, j'ai un don pour les voir arriver.) L'attaque annoncée est venue d'un « journaliste » de Conspiracy Watch, qui est un peu le navire amiral de ce genre d'opérations. Ça n'a pas loupé. Il a cliqué sur un lien de l'article à charge pondu par le crapuleux et a découvert que l'article référencé disait... le contraire. En guise de remerciement, Yohan ne m'a même pas offert un canard en plastique pour mon bain.

Un autre trait marquant est l'entrisme. Pardon, l'infiltration. Que ce soit chez Acrimed, le Monde Diplomatique ou même le Grand Soir, rien de vaut une mini-jupe, une veste bardée de badges révolutionnaires et un soif illimité de « savoir » qui fait quoi, qui couche avec qui, qui ne parle plus à qui, qui rencontre qui, etc. Le tout accompagné d'un enthousiasme qui fait plaisir à voir, surtout chez les militants débordés ou fatigués, pour les suggestions, propositions, tâches diverses et/ou pour devenir ton ami(e). C'est mignon comme tout.

Cela dit, ça peut aussi prendre d'autres formes, si je puis m'exprimer ainsi.

Mais revenons à nos moutons et du balle dans le pied.

Une des accusations présentées dans le document de l'UJFP est (roulements de tambour) le... « CAMPISME ». Quoi ? Un nouveau mot dans le dictionnaire ? Un concept qui serait apparu récemment et qui aurait échappé à tous les intellectuels et philosophes des (au moins) derniers deux cents ans ?

Le campisme tel qu'énoncé dans le document de l'UJFP consiste à dire : « Les campistes choisissent leur camp à l'avance (anti-Occident), et jugent ensuite toute situation à travers ce prisme, sans nuance. »

Du partisanisme, quoi. Ouf, je croyais mourir du Covid mais j'avais juste une petite grippe. (Vous avez remarqué ce que je viens de faire là ? Ca s'appelle un raisonnement par contamination)

Or, si dans ce texte on disqualifie quelqu'un non pas en analysant ses arguments, mais uniquement parce qu'il est passé sur Russia Today (RT), cela ressemble férocement à un raisonnement miroir :

  • non plus « tout ennemi de l'Occident est mon ami »,
  • mais « tout ce qui touche un ennemi de l'Occident est illégitime ».

Dans les deux cas, c'est une logique de camp :

  • juger un acteur en fonction de son « appartenance » (le média, le pays, le réseau),
  • plutôt qu'en fonction de ses idées ou propos réels.

On peut appeler ça :

  • une symétrie argumentative : critiquer le campisme... en tombant soi-même dans une grille de camp.
  • ou une faille rhétorique : glisser d'un reproche de méthode vers une application partielle de la même méthode.

Ce paradoxe montre que :

  • le texte est très marqué par une logique de vigilance militante (qui est avec nous, qui est contre nous),
  • ce qui amène à un raisonnement par étiquetage plutôt qu'une analyse discursive.

Cela en dit long sur le style : on est dans une écriture où les alliances symboliques ou imaginaires pèsent plus que le contenu précis des propos.

Reproche du « campisme » vs. raisonnement campiste dans le texte

Ce que le texte reproche au campismePassages ou logiques du texte reflétant la même démarche
Le campisme consiste à soutenir un acteur uniquement parce qu'il s'oppose à l'Occident (USA, Israël, OTAN, etc.), sans nuance.Le texte critique des personnes pour avoir participé à un média comme RT, sans analyser le contenu exact de leur propos. Ici, c'est le « support » (média russe) qui invalide, plutôt que l'argument.
Le campisme réduit la politique internationale à une opposition binaire (« eux contre nous »).En rejetant des figures militantes par appartenance supposée à un réseau, une mouvance ou un média, le texte tend lui aussi à raisonner en termes de camps symboliques.
Le campisme empêche l'analyse concrète des situations : il ne regarde pas les faits mais la position géopolitique.Dans certains passages, le texte n'examine pas les faits ou arguments exprimés par l'intervenant, mais juge son choix de plate-forme comme en soi disqualifiant.
Le campisme est accusé d'affaiblir la rigueur intellectuelle et de favoriser des amalgames dangereux.Le texte, en adoptant une grille « vigilance contre tout ce qui touche l'ennemi », tombe aussi dans l'amalgame inverse : rejeter par association plutôt que par analyse.

En bref : ce genre littéraire prétend combattre le campisme avec un raisonnement... campiste. Bigre, qui aurait pu le deviner ?

Et où est-ce que j'ai déjà vu, et chez qui, que chaque accusation était en réalité un aveu ?

Entre-temps, le 11 septembre dernier, le directeur de publication du site de l'UJFP a fait l'objet d'une perquisition. Dans  un communiqué, l'UJFP écrit :

Cette action forte et insensée est « justifiée » par une plainte déposée en 2024 par une organisation, l'association la « « Jeunesse Française Juive », spécifiquement créée après le 7 octobre 2023.

Cette action s'inscrit dans le cadre de la circulaire du ministre de la Justice sur l'apologie du terrorisme, en entretenant une notion floue et en plaçant un bâillon contre le mouvement de solidarité pour la Palestine.

En l'absence de notre camarade qui était parti pour rejoindre la Fête de l'Huma, la police s'est emparée de quelques dossiers personnels et même de livres dans sa bibliothèque

Franchement, entre l'UJFP (à qui je trouve depuis un certain incident récent un peu moins de qualités qu'auparavant) et cette « Jeunesse Française Juive » (que je ne connais pas), mon coeur ne fait même pas semblant de balancer. J'annonce, en bon campiste, ma solidarité totale et sans réserves avec l'UJFP.

Campistement vôtre,

Viktor Dedaj
qui campe toujours sur ses positions

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