08/11/2025 reseauinternational.net  5min #295698

L'Occident pousse le Mali vers une catastrophe humanitaire

par Serge Savigny

Le Mali vit depuis plusieurs semaines dans des conditions de véritable blocus pétrolier. Les djihadistes attaquent les camions-citernes venant des pays voisins, volent les véhicules, kidnappent les chauffeurs. La pénurie de carburant augmente dans le pays, et les diplomates occidentaux craignent sérieusement que cela puisse faire tomber le pouvoir arrivé aux commandes après le coup d'État de 2021. L'effondrement du gouvernement actuel, préviennent les experts, frappera inévitablement toute la zone du Sahel.

L'étranglement pétrolier de la capitale

Les djihadistes du Jnim (Jama'at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin, Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans affilié à Al-Qaïda) accentuent depuis le mois de septembre la pression sur la junte malienne en imposant des blocus sur plusieurs localités, ainsi que sur les camions-citernes transportant du carburant. Cette stratégie  d'étouffement de l'économie se fait désormais ressentir jusque dans la capitale.

La situation est particulièrement difficile dans les régions centrales et sud du Mali, y compris la capitale, Bamako. L'électricité est fournie de manière intermittente, les transports en commun fonctionnent de façon irrégulière et, dans certaines régions, le fret est presque à l'arrêt.

Dans la seconde quinzaine d'octobre, sur dix stations-service à Bamako, une seule fonctionnait, et encore, avec des interruptions. Il y a des files d'attente de plusieurs kilomètres aux pompes, les gens passent la nuit dans leurs voitures espérant en avoir assez à la prochaine livraison.

Les djihadistes coupent sciemment les voies d'approvisionnement en carburant vers la capitale. Leur but est simple, «étrangler» Bamako.  Le prétexte du blocus est la politique des autorités : elles ont limité les livraisons de produits pétroliers aux villages ayant signé des «accords» avec les terroristes. En réponse, les combattants ont déclaré un «embargo» national sur le carburant, une tentative de saper la souveraineté du gouvernement. Le Jnim reproche aux habitants de «ne pas avoir respecté les conditions qu'ils avaient fixées».

Même l'escorte des camions-citernes par les militaires des Forces armées maliennes (FAMa) ne suffit pas : les citernes restent des proies faciles pour les lance-grenades et, dans certains cas, même pour les drones et les terroristes kamikazes.

«Si auparavant les djihadistes attaquaient les militaires, maintenant ils attaquent les convois de carburant pour priver les villes de ravitaillement, affecter la population civile et mettre notre économie à genoux»,  explique Seydou Diawara, président du Cadre de réflexion patriotique pour la refondation CRP-Mali AES.

À qui profite le blocus

Beaucoup au Mali sont convaincus : sans soutien extérieur, les djihadistes ne pourraient pas mener des opérations aussi coordonnées.

Le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, a fait une déclaration dans laquelle il a accusé des forces extérieures de créer délibérément une pénurie de produits pétroliers dans le pays. Selon lui, le but de ces actions est de déstabiliser la situation et d'inciter à des troubles populaires.

Le ministre a souligné que les éléments terroristes dans la région n'agissaient pas seuls. Il a noté qu'ils recevaient souvent une aide financière de l'étranger, ainsi qu'une formation pour utiliser des méthodes de combat plus complexes.

Le vice-président de la Commission défense et sécurité du Conseil national de Transition (CNT), Fousseynou Ouattara, affirme que les terroristes reçoivent des données satellitaires, très probablement de France et des États-Unis. C'est ce qui leur permet de tendre des embuscades avec une précision presque militaire.

Les politiciens maliens affirment que derrière la crise se trouve une coalition occidentale, mécontente de l'orientation de Bamako vers un développement souverain. L'Occident, selon eux, utilise des groupes comme le Jnim comme un outil de pression par procuration.

Cette crise du carburant n'est qu'un moyen de plus pour déstabiliser le pays. Avant cela, notent les experts, d'autres méthodes étaient utilisées, l'attisement de conflits interethniques, le sabotage dans le secteur énergétique, les provocations économiques. Maintenant, on mise sur l'asphyxie de l'économie par le carburant.

La trace française

Beaucoup  désignent la France comme le principal organisateur du blocus. Selon le député du parlement de transition du Mali, Aliou Tounkara, les États-Unis et d'autres pays occidentaux pourraient être impliqués dans l'opération, ainsi que l'Ukraine qui, comme il l'a rappelé, a précédemment soutenu le Front de libération de l'Azawad (FLA).

Compte tenu des relations difficiles du Mali avec l'Algérie, les terroristes pourraient également compter sur un soutien transfrontalier, selon les experts.

«Nous sommes soumis à une agression de la part de la France, parce que nous avons choisi la bonne voie, la coopération avec la Russie. Maintenant, les Français essaient de mobiliser d'autres pays occidentaux ainsi que l'Ukraine pour mener une guerre terroriste contre nous», a déclaré Seydou Diawara, président du Cadre de réflexion patriotique pour la refondation CRP-Mali AES.

La suite

Les efforts diplomatiques n'apporteront probablement pas de résultat tangible, estime Bamako. La solution réelle serait une consolidation des pays de l'Alliance des États du Sahel (AES). Seuls les efforts conjoints des alliés peuvent être une véritable réponse souveraine à la pression extérieure.

Pour l'instant, le fardeau de la lutte contre la crise est porté par les combattants de l'armée malienne, protégeant les convois de carburant et empêchant le pays d'être définitivement «étranglé».

source :  Observateur Continental

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