12/05/2025 palestine-solidarite.fr  19min #277683

La problématique des Brics dans la nouvelle architecture mondiale

Par René Naba

  • Le BRICS, une initiative spécifique, une force attractive.
  • L'Inde, un palmarès prestigieux
  • L'Iran, de la compatibilité de l'Islam et de la technologie de pointe. Un cas d'école.

Le président américain Donald Trump a exigé le 30 novembre 2024 des pays regroupés sous l'acronyme des BRICS qu'ils s'engagent à ne pas créer de nouvelle devise ni à soutenir la moindre monnaie susceptible de remplacer le dollar dans les échanges internationaux, sous peine de se voir infliger des droits de douane de 1200 pour cent.

Pour sa part, M. Raghuram Rajan, ancien chef économiste du Fonds monétaire international et ancien gouverneur de la banque centrale indienne, a averti que «les prochaines guerres commerciales lancées par Donald Trump vont être bien plus graves», plaidant pour «changer la structure de gouvernance du FMI» afin de «donner plus de pouvoir aux pays émergents».

Ce professeur à la business school de l'Université de Chicago estime que les pays occidentaux qui veulent protéger leurs industries surestiment l'impact sur l'emploi et plaide pour que les pays endettés fassent défaut au lieu de sacrifier leurs dépenses d'éducation et de santé.

Retour sur ce bras de fer entre le nouveau président américain et le nouveau groupement fondateur d'un nouveau monde multipolaire dont l'objectif ultime est la dédollarisation de la planète.

BRICS est un acronyme forgé par un économiste de la banque américaine Goldman and Sachs pour désigner les cinq pays fondateurs qui se proposent de fonder un nouveau monde multipolaire en vue de mettre un terme à six siècles d'hégémonie absolue occidentale sur le reste de la planète

Ce groupement géopolitique a franchi un pas supplémentaire dans la réorganisation de l'ordre mondial, lors du sommet qui s'est tenu à Kazan, en Russie, à l'automne 2024.

Réunissant plus de 30 chefs d'État et de gouvernement, ce sommet a constitué une véritable vitrine de la multipolarité prônée par les nations émergentes, en mettant en avant la volonté d'une majorité planétaire de sortir de l'emprise traditionnelle des grandes puissances, offrant ainsi une alternative crédible au système économique et politique dominé par l'Occident.

Fondé en 2009, le BRICS était constitué des pays suivants : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud. En 2023, lors du premier sommet du BRICS sur le continent africain, à Johannesburg, l'Egypte, l'Ethiopie, l'Iran, les Emirats Arabes Unis ainsi que l'Argentine ont été admis au sein de ce groupement qui représente en 2024 près de la moitié de la population mondiale et 27 % du produit intérieur brut mondial en valeur nominale contre 44 % pour les pays du G7.

L'intégration de deux pays africains -l'Egypte et l'Ethiopie, en conflit néanmoins à propos de la répartition des eaux du Nil, en plus de l'Afrique du sud, au sein des BRICS, répond à une volonté des grandes puissances de ce groupe de créer un pôle africain acquis à leur cause : Pretoria- Le Caire- Addis Abeba- en vue de constituer un poids lourd de développement économique intégré

Le pôle africain sera prolongé par un pôle latino-américain avec la constitution, autour du duo Brésil-Argentine, un noyau qui regroupe ainsi les plus fortes économies du Cône sud de l'Amérique.

En prévision du sommet du BRICS en Afrique du sud, le président russe Vladimir Poutine a annoncé, lors du sommet Russie-Afrique de Saint Pétersbourg, le 28 Juillet 2023, la suppression de 23 milliards de dette des pays africains et soutenu l'idée d'une présence accrue de l'Afrique au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

A noter que pour la première guerre inter européenne du XXI me siècle, l'Ukraine, l'Afrique ne s'est pas considérée impliquée, contrairement aux deux Guerres Mondiales du XX me siècle où sa population a servi d'abondante « chair à canon » pour ses colonisateurs.

Le déclic : le gel des avoirs russes en Occident.

La décision de l'OTAN de geler les avoirs russes en Occident en représailles à l'invasion de l'Ukraine a constitué un déclic salutaire au sein du BRICS.

Plus de 300 milliards de dollars de réserves de change russes ont été « gelés » par l'Occident collectif. Par réflexe d'auto défense, la Chine, qui détient un important lot de « Bons de Trésor » américains, a ainsi acheté, en 2022, 524 tonnes d'or pour une valeur de 33 milliards de dollars sur le marché mondial ainsi que 6 tonnes d'or de Russie.

Disposant d'un total de 2010 tonnes d'or, la Chine se hisse ainsi au 6eme rang mondial des détenteurs de métaux précieux. La Russie se place en 5e position avec 2.200 tonnes. Les réserves cumulées de la Chine et de la Russie, 4.309 tonnes, représentent la moitié des réserves des Etats Unis estimées, elles, à 8.133 tonnes.

De surcroît, les puissances émergentes qui composaient le groupe au départ ont fortement progressé dans l'économie mondiale : alors que ces pays représentaient il y a vingt ans 16 % du produit intérieur brut mondial, ce chiffre pourrait passer à 40 % d'ici à 2025.

Le BRICS a ainsi désormais la capacité de remettre en cause l'ordre établi par la domination politique et économique des États-Unis, qui se fait notamment au travers des instruments financiers que sont le dollar et les mécanismes de la dette internationale.

La part du dollar dans les réserves mondiales était de 73% en 2001, de 55% en 2021 et de 47% en 2022. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'en 2022, la part du dollar a diminué dix fois plus vite que la moyenne des deux dernières décennies. Il n'est désormais plus farfelu de prévoir une part mondiale du dollar de seulement 30% d'ici à la fin de 2024, ce qui coïncidera avec la prochaine élection présidentielle aux États-Unis.

Le BRICS, une initiative spécifique.

Les BRICS se distinguent des initiatives diplomatiques antérieures visant à modifier la gestion des relations internationales : Le G7, Les Non-Alignés et la tricontinentale.

Le G7

Le G7, ou le groupe des Sept, est un groupe de discussion et de partenariat économique des sept pays réputés pour être les plus grandes puissances avancées du Monde, détenant les 45 pour cent de la richesse mondiale : Allemagne, Canada, Etats Unis, France, Italie, Japon et Royaume Uni.

En mars 2014, à la suite de l'invasion et de l'annexion de la Crimée par la Russie, les pays membres du G7 et l'Union européenne ont temporairement suspendu la Russie du groupe économique. En 2017, la Russie s'en est définitivement retirée.

En 2023, tous les membres du G7 à l'exception du Japon font partie de l'alliance politico-militaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

Le G7 n'est pas une administration transnationale, à la différence d'institutions comme les organisations

Les Non-Alignés

La conférence de Bandung (ou conférence de Bandoeng) s'est tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandung, en Indonésie, réunissant pour la première fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques dont Gamal Abdel Nasser (Egypte), Jawaharlal Nehru (Inde), Ahmad Soekarno (Indonésie) et Zhou Enlai (Chine). Cette conférence marqua l'entrée sur la scène internationale des pays décolonisés du « tiers monde », qui ne souhaitaient pas intégrer les deux blocs de l'époque de la guerre froide américano-soviétique : le bloc de l'OTAN, agrégé autour du pacte de l'Atlantique Nord, mené par les Etats Unis, et le Bloc communiste, agrégé autour du pacte de Varsovie et mené par l'URSS. Bandung opte pour une troisième voie : le Non-alignement, équidistant des deux blocs.

A noter que la Chine, en 1957, n'était même pas membre de l'ONU, un siège alors occupé par la Chine nationaliste, et ne disposait encore moins du Droit de veto au Conseil de sécurité. De surcroît, aucun membre des non-alignés n'avait accédé au rang de puissance atomique ni de puissance économique.

La tricontinentale

Constituée une décennie plus tard par une alliance des forces révolutionnaires, la tricontinentale a été tuée dans l'œuf, l'année de sa naissance, par une série de coups décisifs: l'assassinat d'Ernesto Che Guevara, en Bolivie, en octobre 1967, l'assassinat à Paris par une opération combinée des services israéliens et marocains de Mehdi Ben Barka, chef de l'opposition marocaine et cheville ouvrière du mouvement, enfin la défaite de l'Egypte face à Israël, en juin 1967, entrainant la fin du nationalisme arabe.

Le BRICS : Les paramètres de départ

Contrairement au G7, à dominante occidentale, les BRICS sont à dominante asiatique en ce qu'elle regroupe les deux pays les plus peuplés au Monde la Chine et l'Inde, soit le tiers de l'humanité à eux deux, de surcroît membre du groupe de tête de l'économie mondiale.

Les 10 pays BRICS + représentent plus de 46 % de la population mondiale, en fait près de la moitié compte tenu de leur taux de croissance démographique élevé. À titre de comparaison, les pays du G7 (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, France, Italie, Japon) représentent moins de 10 % de la population mondiale.

L'Asie est en effet le continent qui compte la plus forte concentration nucléaire avec cinq puissances atomiques : Chine, Inde, Pakistan, Corée du nord, avec la Russie dans le prolongement de l'Eurasie. Et l'Iran, une puissance du seuil nucléaire. Dont deux pays communistes (Chine, Corée du Nord) et un post communiste apparenté stratégiquement, la Russie, contre trois puissances nucléaires pour l'Otan : un pour le continent américain, (les États Unis), un pour l'Union Européenne (la France) et un pour l'ancien empire britannique (le Royaume Uni).

Mieux : Au classement des six premières puissances économiques mondiales, l'Asie occupe 3 places : la Chine (première place), le Japon (3ème place) et l'Inde (6 me place), marquant ainsi la primauté du continent asiatique sur les autres continents, sans compter son poids démographique, la moitié de l'humanité.

Plus explicitement, la Chine et l'Inde supplantent le Royaume Uni et la France, deux membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, dont leur superficie cumulée et leur importance démographique équivalent tout au plus à une province de ces deux États continents que constituent l'Union Indienne ou la Chine.

Un tel palmarès a conduit bon nombre d'analystes à conclure que l'Asie, continent colonisé par l'Occident jusqu'à la moitié du XX me siècle est en passe de supplanter ses anciens colonisateurs dans l'ordre de la hiérarchie mondiale, à moins que le comportement singulier de la Corée du Nord, la rivalité indo chinoise, d'une part, et indo pakistanaise, d'autre part, ne conduise à un embrasement qui réduirait un tel acquis à néant

Vus de Chine, Les Etats Unis (389 millions d'habitants) sont une île entre deux océans (Atlantique / pacifique) contre un pays dont la superficie : 9,597 millions km² et la population 1.398 milliards de personnes, qui se vit comme « l'Empire du Milieu ».

Les prévisions du Fonds Monétaire International (FMI) sont sans appel : La Chine devrait se substituer aux États Unis en accédant à rang de première puissance économique au niveau planétaire à l'horizon de l'an 2035 dans un monde en mutation accélérée. Dans ce contexte, les pétromonarchies du Golfe vont voir poindre le risque d'une faillite financière, si leurs économies demeuraient connectées à l'économie américaine, les contraignant à recourir à l'emprunt pour leurs dépenses courantes.

Cf. à ce propos: Introducing the Military Intervention Project: A New Dataset on US Military Interventions, 1776-20

La force attractive du BRICS

Les BRICS sont crédités de prestigieuses références qui expliquent sa force attractive.

L'Inde, un pays de rêves, mais non de rêveurs ; un palmarès prestigieux

Un pays de rêve, mais non de rêveurs. Une reproduction en miniature d'un empire, dont la densité démographique est supérieure à celle de l'empire colonial français à son apogée. Deuxième au monde par l'importance de sa population, ce pays très divers sur le plan ethnique, linguistique et religieux, constitue une mosaïque humaine à l'échelle d'un continent avec 23 langues officielles et près de 4.000 langues différentes régionales ou simple dialecte local; une reproduction en miniature du forum des Nations Unies.

Avec un corps électoral de 814 millions d'électeurs, l'Inde est souvent présentée comme « la plus grande démocratie du monde ». Puissance spatiale et atomique, un des chefs de file des puissances émergentes, avec une économie qui se classe au 10me rang dans le Monde, l'Inde est aussi le premier producteur et exportateur de médicaments génériques du Monde, avec Bollywood, son navire amiral dans la conquête de l'imaginaire du Monde, la plus grande industrie cinématographique du monde, la plus prolifique, en concurrence avec Nollywood (Nigeria). Avec en prime, le tigre du Bengale, un symbole national universellement connu.

État continent d'1,5 milliards d'hommes, soit autant que la totalité de l'Europe, un atout non négligeable à l'ère de la société de l'information, l'Inde dispose de sa propre référence spirituelle, l'Hindouisme, vainqueur du colonialisme britannique par la non-violence, d'une masse critique consolidée par l'arme atomique, d'une langue de communication majeure de l'époque contemporaine, l'anglais.

Foyer de l'Hindouisme, l'Inde, comble du paradoxe, n'en déplaise toutefois aux géo politologues de l'Islam, est aussi le plus important pays musulman du Monde, avec 350 millions de citoyens indiens de confession musulmane, soit autant que la quasi-totalité des pays arabes réunis.

Sans passif colonial, sans adversaire déclaré autre que le Pakistan, l'Inde constitue, au même titre que l'Afrique du sud, une référence morale de par ses conditions d'accession à son indépendance et de sa gouvernance, fondée sur le système électoral.

L'Afrique du sud : Une puissance d'influence, une boussole morale

Tombeur de l'apartheid et artisan sous l'égide de son charismatique dirigeant Nelson Mandela de la réconciliation interraciale sous la bannière de la « Nation Arc en Ciel », l'Afrique du Sud est perçue comme une puissance d'influence.

A la faveur de la guerre de Gaza, 2023-2024, elle est apparue comme une boussole morale du nouvel ordre international en gestation, en poursuivant Israël du crime de génocide auprès de la Cour Pénale Internationale.

Ce faisant, la juridiction pénale internationale est apparue comme un substitut à un Conseil de Sécurité dysfonctionnel en raison du fait que cinquante-trois pour cent (53 %) des vetos américains ont bloqué une résolution concernant Israël.

La motivation sud-africaine est consubstantielle à sa victoire sur le régime d'Apartheid et la profession de foi de Nelson Mandela, l'artisan de la réconciliation nationale et de la « Nation arc en ciel '' : Les Sud-Africains ne seraient jamais complétement libres tant que les Palestiniens vivraient sous l'apartheid israélien.

« En deux mois, les attaques militaires israéliennes ont « causé plus de destructions que les combats d'Alep en Syrie entre 2012 et 2016, ceux de Marioupol en Ukraine, ou proportionnellement, les bombardements alliés sur l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale ». Mme Blinne Ni Ghralaigh, au nom de l'Afrique du Sud, a fait un redoutable exposé clinique, jeudi 11 janvier 2024 à La Haye, aux Pays-Bas, lorsqu'elle a qualifié de « premier génocide diffusé en direct » à propos des Palestiniens de Gaza.

La plainte déposée par le pays vainqueur de la politique d'Apartheid a été vécue par de larges fractions de l'opinion mondiale comme la plainte du Sud global contre les critères occidentaux de la supériorité morale en même temps que la remise en cause d'un ordre international installé par le plus puissant allié de l'accusé, les Etats-Unis ; La contestation d'une mémoire dominée par la Shoah, à laquelle s'oppose ouvertement celle de la colonisation.

Pour mémoire, La Cour Pénale Internationale avait déjà condamné Israël pour sa construction d'un « mur d'Apartheid », mais cette condamnation est demeurée inopérante du fait de l'absence d'un dispositif contraignant de la juridiction pénale internationale, à laquelle n'ont souscrit, ni les Etats Unis, ni Israël.

Anomalie majeure, les décisions de la Cour Pénale Internationale sont contraignantes, mais sans les moyens de contrainte. Seuls les Etats Unis disposent du pouvoir de contrainte du fait de la « déterritorialisation du Droit », qui autorise abusivement les Etats Unis à infliger des sanctions à un citoyen français dès lors qu'il traite avec des Américains ou des intérêts américains.

L'Iran, de la compatibilité de l'Islam et de la technologie de pointe. Un cas d'école

L'Iran a d'ores et déjà accédé au rang de « puissance du seuil nucléaire » contre la volonté des Occidentaux et hors leur technologie, indépendamment des péripéties des négociations internationales sur le nucléaire iranien.

Ce fait a constitué, en soi, un exploit technologique, en ce que cet objectif hautement stratégique a été atteint en dépit d'un embargo de trente ans, doublé d'une guerre de près de dix ans, imposée à l'Iran par Irak interposé, et d'une « guerre de substitution » à la Syrie, le maillon intermédiaire de l'axe de résistance à l'hégémonie israélo-américaine dans la zone.

Il a de ce fait suscité l'admiration de larges fractions de l'opinion de l'hémisphère sud en ce qu'il apporte la preuve éclatante que la technologie de pointe n'est pas incompatible avec l'Islam dès lors qu'elle est soutenue par une volonté d'indépendance, débouchant, de surcroît, sur la possibilité pour l'Iran de se doter d'une dissuasion militaire tout en préservant son rôle de fer de lance de la révolution islamique

Dans une zone de soumission à l'ordre israélo américain, le cas iranien est devenu de ce fait un cas d'école, une référence en la matière, et, l'Iran, depuis lors, est devenu le point de mire d'Israël, sa bête noire, dans la foulée de la destruction de l'Irak, en 2003 et du quasi démantèlement de la Syrie du fait d'une connivence souterraine tacite entre Israël et les pétromonarchies arabes avec la caution du bloc atlantiste.

Au-delà des études comparatives sur les avantages et les inconvénients de l'accord sur le nucléaire iranien, un délice du jeu habituel des experts, l'Iran a voulu adresser un message subliminal au reste du Monde, particulièrement le Monde arabo-musulman, en plein ébullition sectaire en ce que l'Iran a voulu se poser en cas d'école et non en menace du Monde arabe, majoritairement sunnite.

Bellicisme américain versus Placidité chinoise

Tout au long d'une séquence d'un demi-siècle, la Chine n'a livré aucune guerre, se consacrant exclusivement à son développement, alors que les Etats Unis s'épuisaient dans des guerres désastreuses (Vietnam, Afghanistan, Irak, Somalie, Libye, Syrie). La « doctrine Rumsfeld/ Cebrowski » des guerres sans fin au « Moyen-Orient élargi » a creusé le déficit américain d'une somme monumentale de l'ordre de 33 mille milliards de dollars (33 trillions), grevant le budget d'intérêts substantiels.

La crise bancaire des subprimes, en 2008, et les expéditions coloniales européennes de la séquence du printemps arabe (2011-2021), et au Sahel, ainsi que la crise du Covid ont provoqué un endettement de l'Union européenne de l'ordre de douze mille milliards de dollars, dont près de trois mille milliards pour la France provoquant l'abaissement de sa notation de solvabilité à AA- par l'agence américaine FITCH. En comparaison, la Chine, deux fois plus peuplée que les États-Unis et l'Union européenne réunis, affichait un endettement de 11 mille milliards de dollars (11 trillions), soit 2,5 fois moindre.

Détentrice d'un important lot de « bons de trésor » américain, la Chine a ainsi mis à profit les intérêts générés par ses créances sur l'Amérique pour les investir en Afrique contournant ainsi l'Europe par son flanc sud.

Depuis leur création en 1776, les États-Unis ont mené près de 400 interventions militaires, plus d'un quart d'entre elles ont eu lieu dans la période suivant la guerre froide. Un quart des 400 guerres américaines, soit 100 guerres, se sont déroulées au Moyen-Orient et en Afrique. Cf. à ce propos, Introducing the Military Intervention Project: A New Dataset on US Military Interventions, 1776-20

Dans ce contexte de grande fébrilité américaine, la Chine, placide, s'est ainsi livrée à une manœuvre de contournement de ses ennemis, surprenant le monde en parrainant un accord entre les deux chefs de file antagonistes du Monde musulman, l'Arabie saoudite, sunnite, et l'Iran, chiite, dix-neuf mois après la débandade américaine de Kaboul, en Août 2021, alors que l'OTAN tout entier était mobilisée en faveur de l'Ukraine face à la Russie.

Digne de la stratégie du jeu de go, de conception chinoise d'ailleurs, cette manœuvre de contournement a constitué une humiliation d'autant plus cuisante pour les Etats-Unis, qui se pose en chef du Monde libre, que cet arrangement a été scellé sous le parrainage d'un régime communiste, une idéologie que le Royaume Wahhabite a combattu dès sa naissance, il y a près d'un siècle, et l'Iran, pendant près de 40 ans, sous la dynastie Pahlévi.

Symptomatique de l'érosion de la position des Etats Unis sur la scène mondiale, cet exploit sans pareil dans les annales diplomatiques internationales visait à concilier, -à défaut de réconcilier-, sous l'égide d'un régime qui se réclame du "matérialisme dialectique", donc officiellement athée, les deux théocraties musulmanes du Moyen Orient, en conflit ouvert depuis l'avènement de la République Islamique iranienne en 1979, il y a 44 ans.

Épilogue : De quoi le Sud Global est-il le nom ?

Fait symptomatique : Pour la première guerre inter européenne du XXI me siècle, l'Ukraine, l'Afrique ne s'est pas considérée impliquée, contrairement aux deux Guerres Mondiales du XX me siècle où sa population a servi d'abondante « chair à canon » pour ses colonisateurs, traduisant concrètement le fait que le sud global apparait comme le support programmatique des BRICS.

Le Sud global réuni l'Afrique, l'Amérique du Sud et des pays du moyens Orient. Le terme a été forgé par le premier ministre indien : « C'est le moment des pays du Sud d'unir leurs voix pour un avenir meilleur global » s'est exclamé Narendra Modi sur la chaine You tube PMO.

Le Sud global englobe aussi les termes Tiers-monde, pays sous -développés, pays pauvres, nouveau pays industrialisés, pays en voie de développement, pays émergents, en un mot l'ensemble des pays qui ont eu à pâtir du « fardeau de l'homme blanc », de «la mission civilisatrice de l'Europe », en un mot de tout le fatras idéologique qui a justifié la prédation de la planète par les Occidentaux.

L'Algérie, le premier, remettra en cause l'ordre économique mondial, en 1976, lors de la première conférence Nord Sud à Paris, dont le président Houari Boumediene en sera le porte-parole.

Où se trouve Le Sud ? et qui est du Sud ?

Le théoricien politique italien Antonio Gramsci, le premier, a employé le terme sud pour désigner les masses paysannes du sud de l'Italie. L'adjectif mondial apparait au cours de ses écrits et désigne un phénomène social qui de l'Italie peut se transposer au monde.

Dans une perspective de stratégie politique, Gramsci, membre fondateur du parti communiste italien, considérait qu'il fallait établir une nouvelle alliance entre le prolétariat du Nord et les masses paysannes du Sud, en combattant l'idéologie dominante sur le Sud. Il soulignait également le retard économique et culturel de Sud par rapport au Nord plus développé.

68 ans après Bandoeng, les sommets des BRICS de Johannesburg et de Kazan signent l'émergence d'une nouvelle structure diplomatique et économique visant à promouvoir un monde multipolaire afin de « désoccidentaliser la planète ».

Mais à la différence du Mouvement des Non Alignés, le BRICS aligne trois puissances nucléaires (Chine, Inde, Russie), soit autant que la totalité de l'Otan, ce qui n'était pas le cas à Bandoeng, et deux pays clés de l'économie mondiale, la Chine et l'Inde, ce qui n'était pas non plus le cas à Bandoeng, alors que l'Asie est propulsée au rang de premier continent de par son importance démographique et économique et que l'Occident est en crise systémique d'endettement. Non une nuance, mais une différence de taille.

Illustration

Source : auteur
 madaniya.info

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