26/05/2025 chroniquepalestine.com  8min #279185

 Israël approuve le plan de « conquête » de Gaza et de déplacement massif

Les condamnations sans les sanctions ne sont qu'un encouragement à poursuivre le génocide


L'armée israélienne a ordonné le déplacement forcé de Palestiniens dans la ville de Gaza au milieu de violentes frappes aériennes - Photo : Omar Ashtawy

Par  Humza Yousaf

Après un an et demi de violences sanglantes, le Royaume-Uni et ses alliés ont fait des déclarations. Maintenant, ils doivent passer à l'action.

Les récentes  déclarations du gouvernement britannique concernant les crimes horribles commis par Israël à Gaza sont le signe qu'Israël, leur allié inconditionnel, est engagé dans des violences contre la population de Gaza, qui ne sont plus tolérables par personne.

Le ministre des Affaires étrangères David Lammy a  dénoncé hier (20 mai) dans l'hémicycle de la Chambre des communes le blocus israélien de la bande de Gaza qu'il a qualifié d'« immoral » et « contraire aux valeurs des Britanniques ».

Il a également décidé de mettre un terme aux négociations en cours concernant l'accord de libre-échange avec Israël et d'imposer un petit nombre de sanctions spécifiques et relativement anodines en guise de protestation.

La veille, le Premier ministre Keir Starmer, le président Emmanuel Macron et le premier ministre Mark Carney ont conjointement averti Israël de «  mesures concrètes » si le pays ne mettait pas fin à son offensive militaire sans fin et n'autorisait pas l'acheminement d'aide à Gaza.

C'est la première fois, depuis de nombreuses années, que les alliés occidentaux critiquent Israël aussi ouvertement, mais ils ont attendu plus d'un an pour le faire, alors même que le nombre de victimes civiles des massacres se multipliait de jour en jour - plus de 53 000 Palestiniens ont été tués depuis 2023, dont des milliers d'enfants et de femmes.

Combien de vies innocentes, dont celles de nombreux enfants, auraient été sauvées si les alliés occidentaux d'Israël s'étaient élevés contre la barbarie israélienne un an plus tôt ?

La question qui se pose désormais est de savoir si cette prise de conscience morale tardive sera suivie d'actions assez décisives pour provoquer un changement, le mot « décisif » est ici le mot essentiel.

Pourquoi des alliés inconditionnels d'Israël, qui ont longtemps accepté de passer outre ses agissements abominables, ont-ils soudain décidé de prendre la parole ? C'est moins, à mon avis, parce qu'ils seraient soudain devenus sensibles à la souffrance humaine, que pour des considérations géopolitiques.

Ils se sont probablement rendus compte que leur complicité pourrait finir par leur coûter cher.

On a entendu dire, ces dernières semaines que le président Trump se serait lassé de Netanyahu, parce que la stratégie du dirigeant israélien constituait un obstacle à l'image de négociateur que Trump veut laisser derrière lui.

En effet, Trump a notablement omis Israël de sa récente tournée dans le Golfe malgré une intense lobbying du gouvernement Netanyahu. Cela a élargi le fossé entre Washington et Tel-Aviv.

Cette fracture a permis au Royaume-Uni, au Canada et à la France de bénéficier de la couverture diplomatique nécessaire pour exprimer leurs profondes inquiétudes quant au comportement d'Israël, sans craindre de provoquer une réaction négative de la part des États-Unis, ou pire encore, un blâme de la part de la Maison-Blanche.

À cela s'ajoutent d'importantes interventions de diplomates expérimentés, d'experts reconnus et de travailleurs humanitaires.

Lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies du 13 mai, le coordinateur de l'aide d'urgence des Nations unies, Tom Fletcher, a demandé à cet organe de « stopper l'atrocité du XXIe siècle » qui se déroule à Gaza, soulignant que les aides n'entrent plus dans le territoire depuis plus de 10 semaines et que 2,1 millions de personnes sont en passe de mourir de faim.

Il a mis au défi les soutiens d'Israël et l'ensemble de la communauté internationale en leur posant cette simple question : « Allez-vous prendre des mesures efficaces pour arrêter le génocide et garantir le respect du droit international humanitaire ? Ou, vous contenterez-vous de dire : 'Nous avons fait tout ce que nous pouvions' ? »

Fletcher a ensuite fait une déclaration poignante : « Si les familles de Gaza ne sont pas secourues dans les 48 heures, 14 000 bébés pourraient mourir. » Quatorze mille bébés. Si cela ne vous émeut pas, alors rien ne le fera.

Voilà comment ce diplomate et humanitaire réputé, qui travaille depuis des dizaines d'années dans des zones de conflit, décrit la situation : Gaza est un enfer sur terre, et les conditions sur place sont inhumaines.

À mesure que les images et les diffusions en direct du calvaire des civils se multiplient, les pays qui ont soutenu, armé et financé Israël sont confrontés à leur propre complicité.

Les paroles moralisatrices ne suffisent plus. Si les gouvernements occidentaux croient véritablement que les actions israéliennes sont « monstrueuses », « intolérables » et « inacceptables », comme l'a déclaré le gouvernement britannique ces dernières 48 heures, alors ils doivent prendre des mesures concrètes au lieu d'imposer des sanctions symboliques ou de mettre un terme à des négociations commerciales qui ont été gelées il y a des mois.

Voici trois mesures concrètes que le Royaume-Uni et les alliés occidentaux devraient prendre tout de suite :

  • Tout d'abord, le Royaume-Uni et ses alliés doivent immédiatement suspendre toutes les exportations d'armes et de composants connexes à destination d'Israël. Les mesures actuelles de l'UK - suspension de 10 % seulement des licences d'exportation d'armes - sont ridiculement insuffisantes.
  • Comment le ministre des Affaires étrangères peut-il justifier la vente de matériel de guerre britannique, de munitions et de composants, y compris ceux destinés aux F-35, alors qu'il décrit les atrocités commises par Israël comme « un affront aux valeurs britanniques » ?
  • En second lieu, le Royaume-Uni doit imposer des sanctions significatives. Au-delà de quelques gels d'actifs symboliques visant quelques figures israéliennes, les sanctions doivent viser des responsables israéliens de haut niveau.
  • Des sanctions devraient être imposées à des personnalités telles que le ministre israélien Bezalel Smotrich, dont les récentes déclarations sur la purification et la destruction de la bande de Gaza ont été justement qualifiées d'extrémisme par le ministre des Affaires étrangères.
  • Des sanctions devraient également être prises à l'encontre du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
  • Il faudrait également engager un débat sérieux sur des embargos commerciaux et des boycotts culturels, similaires à ceux imposés à l'époque à l'Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid, afin d'isoler un gouvernement que la Cour internationale de justice a condamné pour violation de la prohibition de l'apartheid et de la ségrégation raciale.
  • Enfin, le Royaume-Uni et ses alliés occidentaux doivent immédiatement reconnaître l'État de Palestine, à l'instar de leurs alliés européens, comme l'ont fait l'Irlande, la Norvège et l'Espagne.
  • Si le Royaume-Uni croit véritablement en la possibilité d'une solution à deux États comme voie vers la paix, il ne peut pas se contenter de discours creux en appelant à des négociations tout en ne reconnaissant que l'État israélien.
  • Nous savons qu'il n'existe pas de solution militaire à la question palestinienne. Elle ne pourra être résolue que par la diplomatie et les négociations. Il ne peut y avoir de progrès sérieux vers la paix si les droits d'un peuple sont complètement niés.

Les déclarations de Londres, Paris et Ottawa ces derniers jours sont certes attendues et bienvenues, Toutefois, elles ne doivent pas rester un exercice de style, mais elle doivent marquer le début d'actions et de sanctions significatives pour mettre fin au génocide des habitants de Gaza.

Il est désormais trop tard pour les dizaines de milliers de morts, les milliers de blessés et les personnes déplacées.

Néanmoins, la vague grandissante de critiques occidentales indique que ces gouvernements commencent à se rendre compte que leur soutien inconditionnel à Israël les a placés du mauvais côté de l'histoire - une faute qui pourrait leur coûter cher dans les prochaines années.

Ce ne sont pas les paroles, mais les actions concrètes qu'ils décideront de mener maintenant, qui permettront de mesurer leur détermination.

Pour les 14 000 bébés au bord de la mort, j'espère qu'ils se décideront vite à faire ce qu'il faut.

Auteur :  Humza Yousaf

* Humza Yousaf est l'ancien Premier ministre écossais et premier dirigeant du parti indépendantiste, le SNP. Il est actuellement député du Parlement écossais pour la circonscription de Glasgow Pollok. Il a été le premier dirigeant musulman d'une démocratie occidentale, la plus jeune personne à être nommée Premier ministre.

22 mai 2025 -  Al-Jazeera - Traduction :  Chronique de Palestine - Dominique Muselet

 chroniquepalestine.com