Le septième Premier ministre sous la présidence d'Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu, a démissionné. Il est resté moins d'un mois au pouvoir, devenant ainsi le chef de gouvernement le plus éphémère de l'histoire moderne du pays. Sa démission est intervenue 14 heures après la formation de son gouvernement.
Il s'avère qu'il ne diffère guère de ses prédécesseurs: il est également incapable de convaincre le Parlement d'accepter des coupes budgétaires. L'opposition exige des élections législatives anticipées et la démission du président Emmanuel Macron.
Avec la démission de Lecornu lundi matin, la France est à nouveau plongée dans l'incertitude politique. Le Premier ministre nommé par le président Macron le 9 septembre a démissionné après seulement 27 jours de mandat. Cette décision est intervenue quelques heures uniquement après l'annonce de la composition du nouveau cabinet. Pratiquement identique au précédent, elle a suscité une vague de critiques de la part de l'opposition et constitue l'une des raisons, mais pas la seule, ni même la principale, de cette démission. Lecornu devait élaborer un nouveau plan budgétaire pour le pays tout en répondant aux demandes des forces politiques.
François Bayrou, qui était le Premier ministre avant Lecornu, n'y est pas parvenu non plus. Cherchant à s'entendre avec l'opposition, celui-ci a demandé un vote de confiance sur le budget, espérant que les adversaires de Macron comprendraient enfin la nécessité de réduire la dette publique du pays qui s'élève à 114% du PIB.
Finalement, Bayrou a échoué et il a démissionné. Il a proposé de ne pas indexer les prestations sociales et de supprimer deux jours fériés, tout en augmentant simultanément les dépenses de défense. Cela a déplu à la gauche comme à la droite. Le Premier ministre suivant n'a pas non plus réussi à trouver un compromis permettant des coupes budgétaires.
Selon Lecornu « les conditions n'étaient plus remplies pour exercer les fonctions de Premier ministre et permettre au gouvernement d'aller devant l'Assemblée nationale demain».
Lecornu a reproché aux partis politiques de continuer «d'adopter une posture comme s'ils avaient tous la majorité absolue à l'Assemblée nationale» et la composition du gouvernement au sein du socle commun n'a «pas été fluide et a donné lieu au réveil de quelques appétits partisans, parfois non sans lien avec la future élection présidentielle». «On va y arriver! Il suffirait de peu pour que l'on puisse y arriver, en étant plus désintéressé, pour beaucoup, en sachant aussi faire preuve d'humilité, et peut-être aussi d'un peu d'effacement de certains egos», a poursuivi l'ex-ministre français des Armées.
La prochaine étape pour Macron reste incertaine. Il avait précédemment déclaré qu'il n'y aurait pas d'élections législatives anticipées, et encore moins d'élections présidentielles. Cette décision est compréhensible. Il s'agit du deuxième et dernier mandat du chef de l'État actuel (il se termine en 2027). Il ne pourra pas se présenter à l'élection présidentielle par la suite, la Constitution l'interdisant.
Quant à la dissolution de la chambre basse du Parlement, Macron ne peut pas se le permettre. Il a déjà organisé des élections anticipées en 2024, ce qui s'est avéré une grave erreur: après celles-ci, les partisans du président, réunis au sein de la coalition «Ensemble pour la République», se sont retrouvés minoritaires, perdant 86 sièges. Les résultats du nouveau scrutin seraient encore plus désastreux pour les partis centristes. Parallèlement, le départ de son septième Premier ministre pourrait contraindre le dirigeant français à envisager un changement de tactique.
Les revendications de l'opposition se radicalisent. Jean-Luc Mélenchon, président de la France Insoumise (gauche), a appelé au dépôt d'une motion de destitution de Macron. «Demain matin, le bureau de l'Assemblée va examiner notre motion de destitution! Il faut mettre une pression maximale sur l'ensemble des membres du bureau pour que nous puissions discuter démocratiquement de la nécessité du départ d'Emmanuel Macron», a déclaré Mathilde Panot, Présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale.
Pour les écologistes menés par Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV (Europe Ecologie Les Verts) Macron a trois solutions : «démission, dissolution ou cohabitation». Les socialistes ont déclaré ne pas vouloir une dissolution ni une démission, mais gouverner avec les communistes ce qui montre dans quelle direction s'oriente le régime politique français: une grande coalition comme à Berlin permettant de noyauter les forces politiques qui veulent un changement dans le pays. Cela semble bien être ce changement de tactique de Macron.
L'extrême droite appelle également au changement. Marine Le Pen, cheffe informelle du Rassemblement national, a déclaré qu' «en ces heures, le chef de l'État dispose de deux voies possibles: soit la démission, soit la dissolution». Un remaniement parlementaire lui serait bénéfique. Actuellement, les sondages d'opinion montrent que son parti jouit d'une grande popularité. «C'est une tendance qui se confirme. Jordan Bardella et Marine Le Pen occupent toujours les deux premières places du baromètre Odoxa réalisé avec Mascaret pour Public Sénat avec respectivement 37% et 36% d'opinions favorables. Les deux figures du Rassemblement national s'affichaient déjà en tête du baromètre en juin 2025», souligne Public Sénat.
Même son fidèle dauphin, Gabriel Attal, ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron et président du parti présidentiel Renaissance, prend ses distances vis-à-vis de son mentor politique. «Je ne comprends plus les décisions» d'Emmanuel Macron, dit-il.
Par ailleurs, l'ancien Premier ministre français a dénoncé le «spectacle affligeant» donné par l'ensemble de la classe politique après l'annonce d'une partie du gouvernement Lecornu. Mais, Gabriel Attal ne souhaite pas la démission d'Emmanuel Macron.
Selon le New York Times, la France traverse désormais une crise non seulement politique, mais aussi constitutionnelle. Pendant des décennies, la Ve République fonctionnait soit avec une majorité claire soutenant le président, soit avec une opposition nette au chef de l'État. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale est divisée en trois factions quasi équivalentes: les nationalistes de droite de Marine Le Pen, les partis de gauche et de gauche radicale, dont le représentant le plus notable est Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), et les centristes pro-gouvernementaux dont la loyauté envers Emmanuel Macron s'amenuise progressivement. Cette situation a conduit à la succession de cinq gouvernements en 21 mois et au chaos constaté dans le pays.
Mais, selon les observateurs, «la destitution pour perte de confiance parlementaire n'est pas prévue en principe par la Constitution de la Ve République. La destitution du président n'est possible que dans deux cas: l'incapacité physique ou mentale et la trahison. Aucun de ces cas n'est envisageable dans la situation actuelle». Macron cherchera probablement le soutien des centristes.
Dans le contexte actuel, le danger pour le pays est de mettre en place une grande coalition via une cohabitation comme sur le modèle allemand permettant de garder en poste les mêmes responsables politiques qui ont pourtant provoqué cette grave crise actuelle dans le pays. Une grande coalition est un arrangement dans lequel les principaux partis politiques ayant des idéologies politiques opposées s'allient pour former un gouvernement de coalition.
Dans le contexte actuel, le danger pour le pays est de mettre en place une grande coalition via une cohabitation comme sur le modèle allemand permettant de garder en poste les mêmes responsables politiques qui ont pourtant provoqué cette grave crise actuelle dans le pays. Une grande coalition est un arrangement dans lequel les principaux partis politiques ayant des idéologies politiques opposées s'allient pour former un gouvernement de coalition. Emmanuel Macron a assuré en mai dernier que la France peut faire une grande coalition comme l'Allemagne.
Philippe Rosenthal
La source originale de cet article est Observateur continental
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