
Par Jonathan Cook
Votre système de distribution d'« aide » conduira nécessairement au chaos, avec des gens qui se battront pour la nourriture. C'est exactement ce que vous voulez. Comme ça, ils seront réduits à la masse informe d'« animaux humains » désespérés que vous les accusez d'être depuis le début.
Voilà un petit guide sur l'ingénierie d'un génocide par la famine et l'épuration ethnique :
- 1. Choisissez le moment opportun. D'accord, vous occupez, opprimez et tuez vos voisins depuis des décennies. Les tribunaux internationaux ont jugé vos actions illégales. Mais tout cela ne sera plus qu'un lointain souvenir quand vos voisins vous attaqueront à leur tour. Ne vous inquiétez pas. Vous pouvez compter sur les médias occidentaux pour vous soutenir. Ils seront ravis de prétendre que toute l'histoire a commencé le jour de cette attaque.
- 2. En réponse à leur attaque, annoncez votre intention d'affamer vos voisins, qui ne sont à vos yeux que des « animaux humains », en bloquant toutes les sources de nourriture, d'eau et d'énergie. Vous serez surpris par le nombre de politiciens occidentaux prêts à soutenir cette position que vous qualifiez de « droit de vous défendre ». Les médias se feront vos relais. Il ne faut pas seulement menacer de bloquer l'aide humanitaire. Il faut le faire. Il n'y aura aucune réaction sérieuse pendant de nombreux mois.
- 3. Commencez doucement. Le temps est de votre côté. Laissez entrer un peu d'aide. Mais assurez-vous de calomnier sans relâche le système de distribution de la communauté internationale, qui a fait ses preuves et qui est transparent, comptable de ses actions et largement intégré dans la communauté qu'il sert. Accusez-le d'être infiltré par des « terroristes ».
- 4. Utilisez cet argument - la preuve n'est pas nécessaire, les médias occidentaux n'en demandent pas - comme prétexte pour bombarder les entrepôts, les centres de distribution et les cuisines communautaires. Oh, et n'oubliez pas de bombarder toutes les boulangeries, de détruire toutes les terres agricoles, de tuer tous les animaux et tous ceux qui essaient d'aller pêcher en mer, afin de supprimer toute source de nourriture. Vous voilà en contrôle de la faible quantité d'aide qui parvient à une population qui maigrit à toute vitesse.
- 5. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Empêchez l'aide internationale d'entrer. Vous aurez besoin d'une couverture humanitaire pour cela. Le danger, qui vient surtout des médias sociaux, c'est que les images de bébés mourant de faim pourraient nuire à votre réputation. Mais restez ferme. Vous pouvez surmonter ce petit inconvénient. Affirmez contre toute évidence que les « terroristes » volent l'aide.
- Il n'est pas nécessaire de fournir des preuves, car les médias occidentaux n'en demanderont pas. Vous serez surpris de la complaisance avec laquelle les médias parleront des enfants qui meurent de faim comme si cette famine n'était pas entièrement orchestrée par vos soins, mais la simple conséquence d'une période de sécheresse et d'une mauvaise récolte.
- 6. Ne perdez pas de vue la narrative principale. Vous bloquez l'aide pour « éradiquer les terroristes ». Après tout, quelle est la valeur d'une bébé ou d'un enfant - ou même d'un million d'entre eux -, dans la lutte pour éradiquer une armée disparate de "terroristes" qui n'ont jamais mené aucun combat en dehors de leur patrie historique ?
- 7. Maintenant que la population est entièrement sous votre contrôle, vous pouvez déployer une « solution humanitaire » alternative au système que vous avez délégitimé et détruit. Vous avez sûrement préparé cette partie du plan dès le début, et consulté régulièrement les Américains pour l'élaborer. Ils pourraient même accepter de financer le projet. Après tout, ils le font presque toujours. Vous pourrez dissimuler leur rôle en utilisant l'expression « contractants privés ».
- 8. Il est temps maintenant de passer à l'action. L'objectif n'est évidemment pas de réellement distribuer l'aide humanitaire. L'objectif est de fournir une couverture pour que la famine et le nettoyage ethnique puissent se poursuivre. Assurez-vous de ne répartir qu'une toute petite quantité d'aide et de ne le faire qu'à quelques points de distribution que vous aurez préalablement choisis avec ces « prestataires privés ». Cela présente deux avantages.
- 9. Cela oblige la population à se rendre là où vous voulez quelle aille. C'est comme attirer des souris dans un piège. Contraignez-les à venir à la frontière du territoire, comme ça vous pourrez les pousser dehors et vous en débarrasser une bonne fois pour toutes.
- 10. Tout cela engendrera un chaos indescriptible, avec des gens qui se battront pour la nourriture. Tant mieux ! Ils ressembleront à la masse informe d'« animaux humains » dont vous parlez depuis le début. Et s'il y en a qui méritent ce qui leur arrive, c'est bien eux ! De cette manière, les jeunes hommes en bonne santé, en particulier ceux qui appartiennent à de grandes familles criminelles souvent armées, se retrouveront avec la majeure partie de la nourriture. Et les colis d'aide dont ils n'auront pas réussi à s'emparer aux points de distribution, ils les voleront, sur le chemin, à ceux qui les ramènent à leur famille.
- Cela peut sembler, à première vue, aller à l'encontre de votre volonté affichée d'éliminer les « terroristes ». En effet ces hommes, à mesure que les conditions dégénèrent, pourraient constituer une future source de recrutement pour les « terroristes ». Mais souvenez-vous, l'objectif réel est de faire mourir de faim la population le plus rapidement possible.
- Ce sont les jeunes, les personnes âgées, les malades et les plus vulnérables qui mourront les premiers. Plus il y aura de morts, plus la peur poussera les survivants à fuir le territoire pour sauver leur vie.
Vous y êtes presque. Les politiciens occidentaux confrontés aux corps squelettiques de vos victimes vont faire des déclarations sévères. Mais ils vous ont déjà donné une énorme longueur d'avance de 20 mois. Soyez-leur en reconnaissants. Il ne vous reste plus beaucoup de temps. Pendant qu'ils hésitent, vous pouvez continuer à exterminer.
Laissez à l'histoire le soin de juger de ce qui s'est vraiment passé!
Auteur : Jonathan Cook
* Jonathan Cook a obtenu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Il est le seul correspondant étranger en poste permanent en Israël (Nazareth depuis 2001). Ses derniers livres sont : « Israel ad the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East » (Pluto Press) et « Disappearing Palestine : Israel's Experiments in Human Despair » (Zed Books). Consultez son site personnel.
28 mai 2025 - JonathanCook.net - Traduction : Chronique de Palestine - Dominique Muselet