Crise de la dette souveraine : l'imminence du « Grand reset » !
Comme le soulignait récemment l'économiste Jacques Sapir, le dernier plan de relance européen âprement négocié avant d'être célébré par la macronie comme une victoire, n'est que celle, d'ailleurs « incontestable », des « frugaux » :
« Issu d'une proposition franco-allemande portant sur 1 500 milliards d'euros, dont 750 de subventions, un montant qui pouvait déjà être considéré comme insuffisant, le plan fut réécrit par la Commission avec une réduction à 750 milliards, dont 500 pour les subventions. Ce qui vient d'être décidé le 21 juillet au petit matin est un plan de 750 milliards d'euros dont 390 de subventions. Par rapport au projet initial, il y a donc une réduction de 48 % du montant des subventions ».
Selon Jacques Sapir, le montant de ce plan sera de toute façon « dérisoire face aux besoins des économies » et il ne fait que faire « la démonstration par l'absurde de l'impossibilité d'un fédéralisme européen » après avoir illustré les « divergences irréductibles au sein de l'UE » dont le « projet » est tout simplement « mort ».
Un nombre croissant d'économistes bourgeois et d'experts financiers occidentaux ne cachent plus le fait que nous sommes aujourd'hui sur le point de faire face à une situation aussi inédite que périlleuse. David Hunter, chef de la stratégie macroéconomique chez Contrarian Macro Advisors, déclarait récemment que la reprise de courte durée financée par l'explosion de la dette publique au cours du « choc initial » serait bientôt suivi de « quelque chose qui est plus grand qu'une récession, plus fort et pire qu'une récession », avec à la clef « une chute de 80% des actions » et l'or à des niveaux stratosphériques :
« Je pense que nous sommes proche de la faillite. (...) Probablement à la fin de cette année, ou au début de l'année prochaine, nous assisterons à la fin de ce rebond, et le marché recommencera à chuter. (...) Nous avons des dettes qui dépassent tout ce que nous pouvons gérer ».
D'autres investisseurs de premier plan avaient déjà fait ce constat il y a deux ans, alors que les gilets jaunes secouaient la France. A la fin du mois d'octobre 2018, le clan Rothschild qui « contrôle une partie substantielle de l'émission de monnaie fiduciaire dans le monde, via la Réserve fédérale aux États-Unis, la Banque mondiale, la Banque centrale européenne, la Banque des règlements internationaux », annonçait « face aux bouleversements actuels » son intention « de vendre tous ses actifs fiduciaires » pour se recentrer sur ses activités de gestion de fortunes, dans le but évident « de protéger ses arrières face à une éventuelle crise financière ».
Les milliardaires occidentaux intelligents ont donc déjà pris les devants en se désengageant du marché de la dette souveraine des métropoles impérialistes en crise ! En cas d'effondrement du marché de la dette souveraine, ce seront donc les Etats qui seront déclarés en faillite et leurs « contribuables » auxquels on présentera l'addition finale : celle de la brutale dévaluation d'une dette devenue insoutenable et donc également de la valeur de la force de travail qu'elle alimentait. Une dette n'est soutenable qu'aussi longtemps que l'économie qui l'alimente n'engouffre pas la totalité du produit social, ou n'est pas intégralement financé par de la nouvelle dette. A périmètre égal (relativement au PIB), la dette publique d'un pays comme la Chine sera incomparablement plus soutenable que celle d'un pays comme la France, si la croissance qui permet d'en payer les intérêts est le quintuple. Le 30 septembre 2020, à la fin de l'exercice fiscal 2019-2020 s'étendant du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, la dette publique américaine se montait à 26 945,4 milliards de $, contre 22 719,4 milliards de $ un an plus tôt. Au cours de cette période, la dette publique américaine a donc enflé de 4 226 milliards de $, soit le cinquième du PIB américain ! C'est plus du double du précédent record enregistré il y a une décennie au moment de la crise des subprimes. La dette publique US est ainsi passée de 106 % à 135 % du PIB US en 2019-2020, enflant d'un montant représentant 1/5 du PIB US au cours de l'année écoulée !
Mais les problèmes d'endettement US ne sont pas circonscrits à la seule dette publique, mais concerne toutes les sphères de la société américaine, comme l'a si clairement récemment démontré un analyste lucide, le Général Dominique Delawarde (ancien chef « Situation-Renseignement-Guerre électronique » à l'État major interarmées de planification opérationnelle), dans son excellent article intitulé « Explosion de la dette US et conséquences prévisibles : Point de situation au 30 septembre 2020 ».
« La dette US totale comprend : les dettes des ménages, des étudiants, des entreprises, des États de l'union, des institutions locales de tous niveaux, des institutions financières et enfin la dette fédérale. Au 31 mai 2019 cette dette totale se montait à 74 000 milliards de dollars soit 350 % du PIB US, 85 % du PIB mondial, 22 fois le PIB français... au 30 septembre 2020 cette dette totale a explosé. Elle se monte à 82 140 milliards de dollars soit 420 % du PIB US, 95 % du PIB mondial, 30 fois le PIB français... »
Mr Delawarde remarque en outre en analysant les détenteurs de la dette publique US que la Russie s'est très largement désengagée non seulement de la dette publique américaine, mais s'est aussi délestée de ses réserves de change libellées en $. La Chine, elle, s'est bien gardée de s'exposer davantage alors que de nombreux pays européens ainsi que le Japon ont continué à augmenter leur exposition à la dette publique américaine au cours des derniers mois. Il souligne également avec justesse les différences entre pays européens : des pays comme le Royaume-Uni, l'Irlande, le Luxembourg et la Belgique sont très exposés. L'Allemagne a par contre quasiment maintenu le statu-quo depuis 2017, alors que la France de Macron dont le CAC-40 « est sous contrôle du fond de pension américain BlackRock, fondé par des membres de la diaspora new-yorkaise », a presque doublé son exposition à la dette publique US depuis 2017 :
« On comprend tout l'intérêt de la France à soutenir le système fou de la dette US « à la Madoff » dont l'effondrement provoquerait le sien.... Notons, au passage, que Madoff était aussi un membre de la diaspora, comme le sont les fondateurs de BlackRock, comme l'était Marthe Hanau et Stavisky, en France, à la veille et au lendemain de la crise de 1929 et comme le sont bon nombre des milliardaires qui possèdent et contrôlent nos médias mainstream, les GAFAM (Google, Apple, Face Book, Amazon et Microsoft), Wikipédia et... Big Pharma. Notons encore au passage, que Steven Mnuchin, 77ème Secrétaire américain au Trésor, ancien de la banque Goldman Sachs (17 ans) est également un membre éminent de la diaspora, comme la quasi totalité de ses prédécesseurs... C'est donc lui qui gère la dette US (à la Madoff) et concocte les sanctions tous azimuts prises dans le cadre des guerres commerciales (Chine, Mexique, UE, North Stream 2) et les sanctions prises dans le cadre des pressions géopolitiques (Russie, Iran, Syrie, Turquie, Venezuela). On comprend mieux certaines de ces sanctions lorsqu'on connaît le profil du personnage qui les concocte et les intérêts qu'il représente vraiment... »
En conclusion, nous laisserons parler Mr Delawarde une dernière fois :
« Les Occidentaux ont bien conscience que le système de l'endettement sans limite ne peut pas durer éternellement. Au forum de Davos de Janvier 2020, ils ont évoqué avec les parties eurasiatiques l'intérêt d'un grand « Reset » (Grande réinitialisation). Il s'agirait de remettre les compteurs à zéro, de repartir sur de nouvelles bases, sur un nouveau « contrat social », avec l'engagement d'adopter des comportements plus vertueux. Les modalités de ce grand « Reset » devaient être négociées et approfondies au forum de Davos de Janvier 2021 dont elles devaient constituer le thème central. (...) Notons bien que l'idée de ce grand « Reset » est une idée de source mondialiste et occidentale... et que l'occident a gouverné sans partage l'économie mondiale durant trois quarts de siècle pour la mener là où elle se trouve aujourd'hui... Pour négocier à son avantage ce grand « Reset économique », (proposé par les occidentaux qui voient venir l'effondrement et cherchent à « sauver les meubles »), il faudra se présenter en position de force. Seule la Chine le sera vraiment en début d'année 2021. Acceptera-t-elle de redonner aux occidentaux une chance de conserver le « leadership » et la gouvernance de l'économie mondiale en acceptant un « grand Reset » qui serait à leur avantage ? Rien n'est moins sûr, car la Chine sait qu'il lui suffit, d'attendre pour que ce leadership lui tombe entre les mains par la simple obsolescence d'un système de gouvernance économique mondial dirigé, à leur profit, par les occidentaux, depuis trois quarts de siècle. La Chine connaît, par ailleurs, la duplicité de l'occident, sa condescendance et ses ingérences permanentes dans les affaires d'états souverains. Elle les supporte de plus en plus mal. Elle n'apprécie pas non plus, avec beaucoup d'autres pays, des BRICS et de l'OCS notamment, l'utilisation comme arme du dollar, l'extraterritorialité du droit US et les sanctions unilatérales qui ont été appliquées, à maintes reprises, par tout ou partie du camp occidental sur tel ou tel pays. (Iran, Venezuela, Russie, Syrie, Chine...) »
Pour lui, il ne faudra pas compter sur « une bonne petite guerre » pour « remettre les compteurs à zéro, comme après la crise de 1929 », car elle « se ferait aujourd'hui à notre détriment » : « Les occidentaux ne seront plus demain, en 2021, comme ils l'étaient encore hier, en l'an 2000, en situation d'entreprendre une guerre mondiale et de la gagner. Le centre de gravité du monde a déjà basculé : la messe est dite. »
Le Général Delawarde a indéniablement raison de souligner l'aspect suicidaire d'une Guerre mondiale qui serait assurément perdue d'avance pour l'Occident, et ce non seulement d'un point de vue de la préparation des soldats au combat et de leur détermination, que du niveau technologique de leurs armements, et enfin de toute la logistique et des capacités industrielles nécessaires pour alimenter un tel conflit dans la durée. Sous tous ces rapports, l'Occident serait laminé par l'alliance russo-chinoise et perdrait rapidement un conflit dans lequel de nombreux peuples soutiendraient en outre plus volontiers le « soft power » à la chinoise que le colonialisme brutal des yankees ! Mais une autre dimension est encore plus dissuasive pour nos élites : la terreur de perdre la fraction des capitaux investis en Chine et de ne pas être elles-mêmes physiquement épargnées ! Les guerres voient la plupart du temps les classes aisées échapper aux horreurs des combats, même quand les élites du pays vaincu sont forcées à la capitulation, comme ce fût souvent le cas pour la précédente. Ces élites échappent la plupart du temps à leur punition. Mais en serait-il de même face à une Guerre contre la Chine ?
La bourgeoisie chinoise, dont le Capital financier a su maintenir un degré de discipline extrême tout au long des quatre décennies d'afflux contrôlé de capitaux étrangers, cette bourgeoisie qui est capable de punir de la peine capitale ceux de ses membres qui trahissent les intérêts fondamentaux du Capital financier chinois et sa discipline, cette bourgeoisie serait-il elle plus clémente à l'égard des membres des classes exploiteuses des pays étrangers vaincus ? La réponse est à l'évidence négative. La seule option viable pour les Rothschild, Rockefeller et Cie se ramène donc, comme nous l'avions déjà souligné il y a une décennie, à accepter leur rétrogradation et leur transformation en bourgeoisie compradore, c'est-à-dire leur participation minoritaire au Capital de la nouvelle division économique internationale mise en place par l'impérialisme chinois !
De ce point de vue, la Guerre Froide 2.0 actuellement menée par les élites occidentales ne serait qu'un grand bluff et qu'une tentative, aussi ultime que désespérée, d'arracher au Capital financier chinois des conditions de reddition un peu moins désavantageuses... L'Occident cherche ni plus ni moins à monnayer ce qu'il lui reste de ses capacités de nuisances. Mais ce chantage, loin de porter ses fruits, semble au contraire encourager l'impérialisme chinois à faire monter les enchères pour pousser ses concurrents à abattre toutes leurs cartes.
Ainsi, s'il y a une décennie, l'impérialisme chinois soutenait l'Iran d'une façon encore timide, dans la coulisse, pour ne pas risquer de susciter le courroux de la diplomatie américaine, la crise du COVID-19 a déterminé Pékin à ne plus prendre de gants : le 16 juillet dernier, le gouvernement iranien annonçait la signature d'un accord d'investissements de 400 milliards de $ sur une période de 25 ans avec la Chine, cette dernière s'engageant à investir dans l'économie iranienne (télécommunications, infrastructures, etc.) en contrepartie de pétrole et de gaz à faible coût, au grand dam de l'Occident et de ses laquais qui rêvaient de voir l'Iran s'isoler et s'affaiblir durablement... C'est indéniablement pour l'Iran et la Chine une façon de signifier aux USA que leur politique de sanctions unilatérales piétinant le droit international le plus élémentaire est vaine et ne pénalise en définitive... que les multinationales occidentales privées de l'accès au marché iranien !
« La fin a sonnée pour les activités des bâtiments de guerre américains dans les eaux du golfe Persique », déclarait récemment le commandant de la marine iranienne alors que quelques jours plus tard, c'était au tour de Pyongyang de faire parler d'elle, profitant des festivités du 75ème anniversaire de la fondation du PTC pour exhiber quatre missiles Hwasong-15 montés sur des transporteurs mobiles, son premier missile balistique intercontinental à capacité nucléaire d'une portée estimée à 13 000 km et donc capable de frapper directement n'importe quelle partie du territoire américain... Assurément, la Chine sait habillement déléguer à ses alliés les plus farouchement anti-américains les tirades anti-coloniales les plus radicales ! De quoi assurément mettre un peu plus la pression sur Donald Trump à trois semaines des élections présidentielles US qui pourraient bien agir comme un catalyseur supplémentaire de la décomposition économique, politique et sociale US... La Chine elle-même avertit désormais publiquement que la voie de confrontation dans laquelle se sont aujourd'hui engagées les élites occidentales est une voie sans issue qui ne leur apportera aucun bénéfice réel. La semaine écoulée a ainsi vu le représentant permanent de la Chine auprès de l'ONU « rejeter résolument » « les déclarations et les ingérences illicites de ces pays dans les affaires intérieures de la Chine sous prétexte de droits de l'homme » :
« Le monde d'aujourd'hui traverse une période critique, caractérisée par des défis majeurs. (...) Malheureusement, les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont insisté pour créer de l'antagonisme. Ils ont abusé de la plateforme des Nations Unies pour politiser les questions des droits de l'homme et provoquer une confrontation politique. Ils ont répandu de fausses informations, ont calomnié la Chine, et se sont ingérés dans ses affaires intérieures, un comportement que la Chine rejette fermement. (...) Les actes méprisables des États-Unis sont en totale contradiction avec la marche de l'histoire. Le monde progresse, et les peuples du monde entier veulent la solidarité et non la division, la coopération et non la confrontation, les bénéfices mutuels et non les jeux à somme nulle. Les États-Unis sont du mauvais côté de l'histoire, et vont à contre-courant de l'ensemble de la communauté internationale. (...) Je voudrais dire aux États-Unis : vos manigances politiques ne réussiront jamais. Les pays en développement ont le droit de défendre leur souveraineté, de se développer et de préserver leur sécurité. Il est temps de prendre conscience de l'échec de toutes vos tentatives. Blâmer les autres ne résoudra pas vos problèmes, ni ne fera oublier vos échecs ».
Rarement la diplomatie chinoise aura été aussi incisive et explicite. La Chine promeut donc activement ses intérêts mondiaux, économiques comme diplomatiques, et, de manière intelligente, recadre les politiciens occidentaux dès qu'ils sont pris de poussées de démence, tout en laissant la porte ouverte aux multinationales occidentales, bien consciente qu'en définitive, c'est la participation (minoritaire) du Capital financier occidental au Capital productif chinois qui aidera les milliardaires occidentaux à faire leur deuil de leur ancienne domination sur les affaires du Monde... Une part même modeste du gâteau constitué par le marché intérieur chinois constituera pour eux à n'en pas douter un formidable lot de consolation... Alors ces milliardaires rappelleront dans leur niche leurs aboyeurs de profession et mettront un terme à leur politique d'occupation coloniale !
« Les entreprises américaines qui souhaitent investir en Chine sont toujours les bienvenues », déclarait cet été un représentant du gouvernement chinois, alors que les attaques anti-chinoises les plus éhontées de l'administration Trump se multipliaient. Et cet appel avait à l'évidence été suivi de façon anticipée, car « bien que le gouvernement américain ait fait pression sur les entreprises de certaines économies développées pour qu'elles cessent leurs activités en Chine et ait tenté de construire une chaîne industrielle et d'approvisionnement mondiale sans la Chine, les investissements directs étrangers des États-Unis ont tout de même continué d'affluer dans le pays, augmentant de 6 % d'une année sur l'autre au premier semestre 2020 ».
À n'en pas douter, les bruyants aboiements contemporains des médias et des politiciens occidentaux contre la Chine ne sont que du vent et une (mauvaise) farce mondiale visant à duper les naïfs et à dissimuler la voie de compradorisation que choisira inévitablement le Capital financier occidental pour ne pas risquer de tout perdre : « Le consommateur occidental est mort, vive le consommateur chinois ! », tel est le dénouement annoncé...
source : marxisme.fr