Maskirovka ? Déception ? Tromperie du peuple ? Quelle différence ? (1)
Maskirovka ? Déception ? Tromperie du peuple ? (2)
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Mattei, reviens ! Ca sent le gaz !
par Mendelssohn Moses
Ce n'est que ce mois-ci que Alex Thomson, rédacteur de UK Column News et ancien du renseignement anglais (1), a souligné l'importance d'un compte Substack récent (2) - celui de Ola Tunander, et des deux articles intitulés «The Deception Commitee». (3)
Expert en politique de sécurité, notamment en ce qui concerne la guerre navale, Ola Tunander est professeur émérite du Peace Research Institute (PRIO) de Norvège et mériterait justement d'être mieux connu en France (4). Suédois, il a été consultant-expert pour l'enquête Ekeus, qu'avait ordonné l'alors-Premier ministre Göran Persson, préoccupé par l'intrusion de sous-marins étrangers qu'on supposait alors soviétiques en eaux territoriales suédoises. Il s'est avéré alors que depuis les années '60, le peuple suédois s'est retrouvé confronté à une entreprise anglo-US de déception dont l'objectif essentiel était d'hystériser ce peuple suédois au point de vouloir rejoindre l'OTAN.
Eu égard à la grande densité du contenu qu'y propose le professeur Tunander et aux rares commentaires que ses articles (plutôt longs) ont suscité sur Réseau International, Mendelssohn a pensé opportun d'en extraire à l'intention du lecteur pressé, ce thème d'une pertinence évidente : celui des pipelines russes.
Il sera permis à Mendelssohn de souligner dans ce contexte très précis ceci : si l'analyste militaire Will Schryver place le président russe actuel au premier rang des hommes d'État européens des derniers deux siècles, Vladimir Poutine aura l'honneur de partager cette gloire avec Enrico Mattei (1904-1962). (5)
Succincte, accessible et documentée, l'étude de la politique pétrolière et de la stratégie grandiose - préfiguration des BRICS - d'Enrico Mattei parue sous la plume de Nico Perrone est d'une lecture indispensable et complète utilement l'analyse du professeur Tunander. (6)
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Commencent ici les extraits sur les pipelines russes par Ola Tunander
La CIA n'avait jamais auparavant mené une opération aussi vaste que celle en Afghanistan en soutien des Moudjahideen et de l'ISI (Inter-Services Intelligence) du Pakistan.
Il s'agissait d'une grandiose opération US-Saoudienne par laquelle l'URSS serait attirée dans un piège, en intervenant en faveur du Gouvernement afghan par le biais d'une guerre impossible à gagner. L'URSS s'embourberait alors, pour citer Brzezinski dans son propre Vietnam.
Simultanément, Casey a insisté avec les Saoudiens pour qu'ils augmentent leur production de pétrole afin que les prix du brut chutent. Le pétrole étant la source principale de revenus pour l'URSS, Casey a poussé l'Europe occidentale à ne plus acheter le gaz et le pétrole russes. Casey voulait étrangler l'économie russe en augmentant les coûts tout en faisant baisser de façon drastique les revenus, ce qui selon lui, allait précipiter l'effondrement de l'économie soviétique.
Dans le mot de Herb Meyer, Conseiller spécial auprès du directeur de la CIA :
«Nous les avons bousculés sur le plan économique. Dès que nous avons appris que l'économie soviétique était bien plus fragile que l'on avait imaginé (...) nous nous sommes mis à piétiner leur économie, notamment en les forçant de réduire leurs exportations de pétrole et de gaz vers l'Europe de l'Ouest. C'était alors leur source principale de devises, et on l'a piétinée !
«Puis on a collaboré avec les Saoudiens afin de faire baisser le prix de pétrole, ce qui stimulait notre économie et leur faisait du tort, car les prix bas étaient bon pour nous, exécrable pour eux. C'était Bill Casey soit dit en passant, qui s'en occupa. Nous avons travaillé aux côtés des Européens pour réduire (...) le volume des pipelines alors en construction, destinés à fournir l'Europe occidentale en gaz depuis l'URSS (...) Nous les avons également mis le dos contre le mur militairement en lançant la plus grande campagne de réarmement de l'histoire US avec le Marine de 600 bâtiments par exemple (...) ainsi que les insurrections anti-communistes en [Afghanistan, Nicaragua, and Mozambique...]
«On les a cassés ! Oh, ils possédaient toutes les qualifications techniques (...) mais pas les sous ! Voilà le génie de la manœuvre ! Je disais à tout le monde «voyez Reagan et Gorbachev : Gorbachev est tel un patient intubé et sous perf à l'hôpital ; Reagan est le médecin plein d'empathie qui lui souffle à l'oreille que cela va s'arranger - tout en écrasant du pied le tube à oxygène et le flinguer. C'était ça, la relation Reagan - Gorbachev».
(...) Si la réussite de la stratégie de Bill Casey peut être objet de débat, mon thème ici n'est pas sa «réussite», mais les perceptions : l'imaginaire de Casey, son Great Game (Grande stratégie).
Dès juillet 1981 (...), ayant reçu de la France des renseignements concernant un réseau soviétique mettant main basse sur des technologies avancées, Casey (au lieu d'arrêter les agents soviétiques - ndlr) a préféré inonder le système soviétique de microprocesseurs genre Cheval de Troie... qui surgiraient dans toutes sortes d'emplacements improbables. Les PCs se mettraient à faire du grand n'importe quoi, des chasseurs-bombardiers tomberaient du ciel, des centrales nucléaires et des pipelines transportant le gaz sauteraient en l'air. On peut être certain que ce dernier volet au mois a fonctionné. (7)
Gus Weiss de la CIA y trempait jusqu'aux oreilles. Il informait Reed, alors Conseiller spécial du président Reagan et adjoint de Bill Clark au National Security Council (NSC). Reed a déclaré à la chaîne Arte :
«Les Soviétiques voulaient construire ce pipeline. Nous n'en voulions pas en entendre parler. Nous avions compris que cela ferait entrer des devises et que l'Europe de l'Ouest deviendrait accro de leur gaz. (...) Nous les avons 'aidés' grâce à logiciels qui font tourner parfaitement les pompes pour quelques semaines, assortis cependant d'un Cheval de Troie qui après X- temps, lançaient les pompes à deux fois la pression convenable. (...) Et voilà qu'à l'été 1982 le pipeline a sauté. (...) Les types du renseignement pensaient «nucléaire», mais il n'y avait eu aucun test ni signal nucléaire... le chef de Defense Intelligence a dû alors estimer l'explosion à environ 3-kilotonnes...»
Thomas Reed et Gus Weiss, ce dernier également déployé auprès du National Security Council staff, ont également divulgué avoir fait sauter le pipeline de gaz en Sibérie en 1982, la plus importante explosion non-nucléaire de l'histoire, un-cinquième de la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima, action couverte dont le détail est toujours classifié secret.