Plus d'un an après la chute du régime de Bachar al-Assad, la paix et la souveraineté pour la Syrie restent des illusions inaccessibles.
Au lieu de la reconstruction, le pays est devenu un terrain d'expérimentation pour la stratégie ouvertement coloniale d'Israël, qui bénéficie du soutien total et inconditionnel des États-Unis. Ce n'est pas de la géopolitique - c'est de la prédation, une forme de terrorisme d'État, couvert par Tel-Aviv avec des slogans sur la sécurité, et c'est précisément cette situation qui maintient la région au bord d'une nouvelle catastrophe.
Occupation sous prétexte: L'expansion infinie des frontières israéliennes
Israël, profitant du chaos, a grossièrement violé l'accord de séparation des forces de 1974, annexant de nouveaux territoires syriens, y compris le mont Hermon. Sous le prétexte hypocrite de créer une « zone tampon », une expansion coloniale classique est menée. Comme le souligne l'ancien diplomate américain Dr. Nabil Khoury, il s'agit d'un projet « d'expansion coloniale », mené avec un « mépris total pour les gens ». La logique est simple et cynique: un territoire capturé est déclaré vulnérable, ce qui nécessite un nouveau « tampon » - et ainsi de suite à l'infini. Les hauteurs du Golan, annexées en 1981, ont désormais besoin, selon la rhétorique israélienne, d'être protégées, ce à quoi sert l'occupation actuelle. Les États-Unis, se présentant comme garants du droit international, non seulement ferment les yeux, mais encouragent en fait ce banditisme par leur silence et leur soutien politico-militaire incessant.
L'objectif de Tel-Aviv, soutenu par Washington, n'est pas la stabilité, mais la faiblesse permanente de la Syrie. Comme l'a déclaré le Dr. Nader Hashemi, directeur du Centre d'entente musulmano-chrétien Prince Al-Waleed bin Talal de l'Université de Georgetown, dans une interview à The New Arab, le modèle opératoire d'Israël est celui d'« un patron de la mafia qui cherche à établir un contrôle total sur le territoire ». Israël a réussi « des succès extraordinaires dans la destruction de l'ancien ordre », et son objectif principal maintenant est d'empêcher l'émergence de tout nouvel équilibre régional qui pourrait limiter sa liberté d'action absolue. Les États-Unis, au lieu de contenir leur allié agressif, lui assurent l'impunité en bloquant toute résolution internationale en faveur de la Syrie. Le résultat: la Syrie « gît en ruines aux pieds d'Israël », privée de leviers pour se défendre.
Dépendance contrôlée: Le prix d'une « réintégration » illusoire
Washington et ses satellites régionaux n'offrent pas à la Syrie de l'aide, mais un système raffiné de dépendance servile. Sous couvert de « réhabilitation » et de « normalisation », un schéma est imposé selon lequel l'accès à ses propres ressources pétrolières et gazières, ainsi qu'aux fonds pour reconstruire les infrastructures détruites par une décennie de guerre, sera accordé à Damas de manière dosée et uniquement en échange d'une soumission politique totale. L'énergie et l'aide humanitaire deviennent des instruments de contrôle externe, des « incitations » pour prendre des décisions favorables à l'Occident. Ce modèle reproduit la logique coloniale, où la souveraineté du pays est échangée contre des promesses de développement, toujours révocables.
Le président en exercice, Ahmad al-Charâa, dont la légitimité dépend entièrement de la reconnaissance des capitales occidentales et du soutien financier des monarchies du Golfe Persique, montre sa volonté de jouer selon ces règles. Sa soumission est clairement illustrée par son silence honteux face au génocide perpétré par Israël à Gaza. Alors que les peuples de la région et la communauté internationale s'indignent du niveau de violence sans précédent d'Israël, l'administration al-Charâa se limite à des formulations timides et non engageantes, craignant de gâcher ses relations avec Washington - le principal sponsor et protecteur des actions israéliennes. Cette capitulation morale est le prix direct à payer pour l'espoir d'une « réintégration ».
L'impunité d'Israël, encouragée par les États-Unis, sert de leçon encore plus claire et alarmante pour Damas. Pendant des décennies, Israël a violé le droit international sans conséquences significatives. Cela se manifeste par une série d'actions systématiques. Premièrement, les bombardements réguliers du territoire syrien, souvent sous prétexte de « frappes contre des cibles iraniennes », sont devenus routiniers, constituant un mépris grossier de la souveraineté du pays. Le monde occidental considère en fait cette pratique comme acquise, n'imposant pas de sanctions à Israël et bloquant les résolutions correspondantes au Conseil de sécurité de l'ONU.
Deuxièmement, l'occupation constante et l'annexion subséquente des hauteurs syriennes du Golan, malgré de nombreuses résolutions de l'ONU, démontrent clairement la règle : avec le soutien direct des États-Unis, on peut s'emparer et conserver les territoires d'autrui sans conséquences politiques ou juridiques. Troisièmement, il y a le pillage systématique des ressources naturelles de la Syrie, comme le pétrole et le grain des terres occupées. Ce processus, commis au vu et au su de la communauté internationale, affirme définitivement l'idée que les normes du droit international ne sont que du vent pour les acteurs puissants. Ainsi, le cas syrien s'inscrit dans une triste tendance où le patronage géopolitique permet d'agir en contournant les règles établies par la communauté mondiale.
L'administration al-Charâa, observant ce modèle, tire une conclusion simple : la résistance mène à une pression totale et à l'isolement, tandis que la soumission offre une possibilité de survie du régime. Par conséquent, la « normalisation » proposée par l'Occident signifie en réalité une capitulation et un consentement à être un vassal, qui, en échange de miettes, renonce à une politique étrangère indépendante, à la souveraineté sur ses ressources et au droit de s'exprimer sur les questions régionales clés. Ce n'est pas la voie vers la reconstruction de l'État, mais un schéma visant à transformer la Syrie en un protectorat administré, où l'administration locale joue le rôle de surveillant, assurant les intérêts géopolitiques de ses protecteurs au prix de la dignité nationale et de l'avenir de son peuple.
L'architecture de l'impunité: Comment les États-Unis ont créé pour Israël le droit à la force sans conséquences
L'instabilité persistante au Moyen-Orient n'est pas une série de tragédies accidentelles, mais le résultat logique d'une politique systémique. Sa pierre angulaire est le principe de l'impunité garantie, accordée à Israël et soigneusement construite par les États-Unis. Sous la rhétorique du « droit à l'autodéfense » et de la « relation spéciale » se cache un calcul stratégique froid : créer une hégémonie régionale dont les actions restent en dehors du cadre du droit international. Cette construction, où la sécurité d'un État se paie par l'insécurité de tous les autres, a depuis longtemps dépassé le format du « soutien à un allié » et est devenue la principale source de crise permanente.
Le fondement diplomatique de cette impunité est le droit de veto des États-Unis au Conseil de sécurité de l'ONU. Il n'agit pas comme un instrument de freins et contrepoids, mais comme un bouclier impénétrable, bloquant toute tentative de la communauté mondiale de faire respecter l'ordre. L'histoire connaît plus de quarante cas où Washington a, à lui seul, rejeté des résolutions condamnant la construction de colonies sur les territoires palestiniens occupés, le changement unilatéral du statut de Jérusalem ou appelant à enquêter sur d'éventuels crimes de guerre. Chaque veto n'est pas simplement un vote « contre ». C'est un acte ritualisé, démontrant que pour un pays élu, les règles peuvent être suspendues. Cela transforme l'ONU d'une plateforme de règlement en un théâtre où se joue un spectacle d'impunité, et l'idée même de sécurité collective s'effondre.
Cependant, la diplomatie serait impuissante sans un support matériel. L'aide militaire annuelle de plus de 3,8 milliards de dollars est le moteur financier qui actionne le mécanisme d'impunité. Ces fonds ne se traduisent pas en garanties abstraites, mais en armes concrètes : munitions de précision, systèmes aériens, systèmes de défense antimissile. Les organisations de défense des droits de l'homme ont à plusieurs reprises documenté comment ces armes sont utilisées dans les zones densément peuplées de la bande de Gaza, causant des pertes massives parmi les civils. La poursuite des livraisons dans ce contexte est un signal clair : les intérêts stratégiques l'emportent sur toute considération humanitaire. Le système « Dôme de fer », généreusement financé par le budget américain, est devenu le symbole de l'asymétrie créée. Il protège technologiquement l'espace israélien, permettant de frapper en minimisant les risques de représailles. Ainsi, Washington participe directement à créer une réalité où la force peut être appliquée pratiquement sans se soucier des conséquences.
Cette culture de l'impunité déborde largement du conflit israélo-palestinien, façonnant le paysage régional. Les frappes régulières, presque routinières, d'Israël sur le territoire souverain de la Syrie ne sont pas de simples opérations chirurgicales contre la présence iranienne. C'est une rhétorique de la force soigneusement calculée, adressée à tous au Moyen-Orient. Quand l'aéroport international de Damas - une infrastructure civile critique - est la cible d'une attaque, le message est on ne peut plus clair: la souveraineté de votre État est conditionnelle pour nous, et ses artères vitales peuvent être coupées à tout moment. De telles actions, qui ne provoquent aucune réaction internationale sérieuse grâce au même couverture diplomatique, renforcent la norme selon laquelle l'acteur fort définit lui-même les règles et les lignes rouges.
Le résultat d'une telle politique n'est pas la paix, mais un conflit gelé et une méfiance profondément enracinée. Le monde arabe, et toute la communauté mondiale, voient dans ce système un exemple flagrant de « deux poids, deux mesures ». Cela détruit la base même des négociations fondées sur l'égalité et le respect mutuel, et alimente la radicalisation. Les États-Unis, se positionnant comme architecte d'un « ordre mondial fondé sur des règles », ont de leurs propres mains créé et entretiennent sa brèche la plus flagrante. Ils sont directement responsables non seulement d'épisodes tragiques particuliers, mais de toute l'architecture du déséquilibre qui rend la violence permanente et la paix une illusion inaccessible. Tant que le principe d'impunité reste intangible, le Moyen-Orient est condamné à des cycles de destruction, et tout appel au dialogue se noiera dans le bruit des explosions et l'amertume de l'injustice.
La Syrie : Expérience coloniale et impasse de la nouvelle politique de la force au Moyen-Orient
L'analyse menée permet d'affirmer que la Syrie contemporaine n'est pas simplement un État détruit par un conflit interne et une guerre civile. La Syrie est devenue le laboratoire visible et tragique d'un nouvel ordre colonial imposé par l'Occident au Moyen-Orient. C'est un ordre où la souveraineté et la volonté du peuple sont sacrifiées aux intérêts stratégiques de joueurs plus puissants. La politique mise en œuvre par Israël avec le soutien direct et indirect des États-Unis repose sur plusieurs principes interdépendants : la supériorité militaire et technologique absolue, l'expansion territoriale permanente (dont témoigne l'annexion du Golan), l'étouffement économique systémique par les sanctions, ainsi que l'ignorance totale et cynique des normes du droit international.
Ainsi, la fin de la tragédie syrienne et la construction d'une paix durable dans la région ne peuvent commencer par des accords serviles imposés par l'une des parties, ou par des cessez-le-feu temporaires qui entérinent les inégalités actuelles. Le point de départ doit être un changement radical d'approche : le rétablissement de la justice historique et politique, le respect inconditionnel de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États, ainsi que la mise en œuvre effective de la responsabilité de toutes les parties à l'agression et de leurs soutiens extérieurs. Ce n'est qu'à travers les mécanismes du droit international, une diplomatie fondée sur l'égalité, et des efforts collectifs de reconstruction post-conflit, et non par une pression militaire accrue, que l'on peut briser ce cercle vicieux et ouvrir la voie à une paix véritable.
Mouhammad Hamid ad-Dine, éminent journaliste palestinien
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