03/12/2025 dedefensa.org  3min #297955

 Orban, l'homme des horizons

Un bouleversement continental silencieux

Elena Fritz

La discrétion des médias concernant la visite d'Orbán à Moscou contraste fortement avec l'importance géopolitique de cette rencontre. Outre les promesses pétrolières et gazières et la possibilité d'un sommet Poutine-Trump à Budapest, ce ne sont pas les seules raisons qui poussent un dirigeant européen à se rendre en Russie. Orbán a révélé certains des sujets abordés lors de son entretien :

1). Le modèle d'Orbán : L'Ukraine comme État résiduel limité

Dans son entretien, Orbán décrit une Ukraine qui, après la guerre, redeviendra un État tampon - territorialement réduit, doté d'une force militaire limitée dont le cadre est défini conjointement par la Russie et l'OTAN.

Il ne s'agit pas d'un État souverain, mais plutôt d'une entité administrée de l'extérieur, prise en étau entre deux blocs de puissance. Orbán n'explique pas pourquoi un tel État aurait besoin de forces armées - une omission qui révèle sa vision : il décrit un protectorat, et non un pays autonome.

2). Le temps comme facteur de puissance - et il joue en faveur de la Russie

Orbán déclare ouvertement :

« Plus la guerre dure, plus l'Ukraine y perd.» Dès lors, une question se pose : pourquoi Moscou accepterait-elle des concessions maintenant ? Orbán apporte des précisions : il attend une réintégration économique à long terme de la Russie, mais selon les critères américains, notamment le gel des avoirs pour les fonds russo-américains. Pour Moscou, cette proposition est loin d'être attrayante actuellement.

Le message est clair : l'Occident cherche une issue qui ne lui fasse pas perdre la face.

La véritable bombe : l'Europe commence à se réorganiser

Orbán brise un tabou : « Chaque euro dépensé pour l'Ukraine sera entièrement supporté par les peuples européens.»

Avec le changement de pouvoir à Kiev et la diminution de la volonté de nombreux États membres de l'UE de continuer à financer le conflit, une nouvelle structure continentale se dessine :

• La Hongrie et la Slovaquie forment le noyau dur,

• L'Italie se rapproche,

• En Allemagne (AfD) et en France, les partis nationalistes gagnent du terrain,

• La Pologne demeure un potentiel dissident malgré son gouvernement pro-américain.

Ceci marque le début d'une réorganisation de la realpolitik en Europe, qui met Bruxelles à rude épreuve.

Parallèle historique : Orbán reprend les propositions russes de 2021.

La similitude substantielle avec les propositions de sécurité russes de fin 2021 (notamment le réalignement de l'architecture de sécurité européenne prenant en compte les intérêts russes) est frappante. Ce qui avait été rejeté à l'époque revient comme une possible « solution », non pas par la force de l'UE, mais par épuisement.

Conclusion

Le voyage d'Orbán à Moscou envoie un signal : l'Europe évolue - discrètement mais clairement - vers une nouvelle réalité stratégique.

Le cœur du conflit à venir n'est pas l'Ukraine, mais la réorganisation de l'Europe elle-même, qui se dessine dans l'ombre de cette guerre.

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