Par Mohammed Mohisen, le 1er juillet 2025
Un monde qui observe notre souffrance... et détourne le regard. Un monde où nous n'existons que par les gros titres.
Ils ont bombardé Al-Baqa...
L'unique endroit où trouver encore un peu de répit, pour respirer, voir la mer, vivre, tout simplement, ne serait-ce qu'un instant - encore à peine humains.
Ils l'ont bombardé... deux heures à peine après mon passage.
J'ai survécu... une fois de plus. Mais j'ai oublié le nombre de fois où c'est arrivé. Je ne célèbre même plus ma survie, elle n'est que davantage de douleur, et de peur qui refuse de me quitter.
Combien d'endroits "sûrs" reste-t-il encore ? Combien de temps me reste-t-il ?
Ils ont tué le petit havre de paix le plus chaleureux de Gaza. Al-Baqa Café, notre deuxième maison, un refuge pour l'âme, berceau du rire et des souvenirs.
Chaque table avait son histoire. Chaque coucher de soleil sur cette petite terrasse était témoin d'un moment de vérité - Une belle coïncidence... des larmes partagées... une douleur commune.
Ce n'était pas qu'un café. Une patrie miniature. Une innombrable famille. Un lieu où tous se connaissaient. Et le plus beau ? Pas besoin d'invitation. Il suffisait d'arriver... et retrouver ceux que nous aimions.
Mais aujourd'hui, Le refuge n'est plus et la douleur bien présente. Que Dieu ait pitié des âmes des martyrs. Et qu'il demande des comptes à toutes les mains qui ont détruit les chapitres de nos vies.
Ça suffit, le monde. Ça suffit, l'Amérique. Ça suffit, Israël. Ça suffit, les dirigeants arabes. Ça suffit, le Hamas.
Nous, le peuple palestinien de Gaza, crions, saignons et supplions : "Ça suffit".
Nous, les déplacés, les sans-abri, les dévastés qui dorment à même le trottoir et dans les décombres. Nous qui n'avons plus ni maison, ni sécurité, ni même un bout de pain pour nourrir nos enfants affamés.
Ce n'est pas du cinéma. Nous n'exagérons pas. Nous parlons d'une miche de pain, une seule, sans pouvoir la trouver.
Assez de morts. Par Dieu, assez. Nous n'arrivons plus à compter les morts. Nous ne pouvons plus retenir tous les noms. Chaque rue est imprégnée de sang. Chaque rue crie de douleur.
Pitié. Pitié pour un peuple qui meurt cent fois chaque jour. Pitié pour Gaza. Ses enfants. Ses femmes. Ses hommes brisés.
Mon Dieu... Nous n'avons plus de force. Sauve-nous de cet enfer à ciel ouvert. Sauve-nous d'une mort que nous vivons déjà, même si nous respirons encore.
Al-Baqa n'était pas qu'un café. C'était l'étreinte chaleureuse dans le froid de la nuit. Une bouffée d'air quand nous allions asphyxier. Un sourire au coeur de notre épuisement. Des chaises, des tables et du bois, pleins d'âme, pleins d'amour.
Chaque table a vu des larmes, des rires, des inconnus devenir amis, des cœurs tomber amoureux de l'endroit.
Aujourd'hui... Al-Baqa n'est plus. Ils l'ont bombardé. Un bain de sang. Ils ont brûlé nos souvenirs. Ils ont brisé nos cœurs.
Al-Baqa n'est plus et une partie de nous s'est envolée avec lui. Il n'y a plus rien à dire. Le chagrin est trop lourd pour les mots.
"Je vais bien", c'est ce que nous disons aux étrangers. Mais à ceux que nous aimons, nous disons :
"Allons à Al-Baqa... asseyons-nous à notre ancienne table... et je te dirai enfin tout ce que j'ai gardé pour moi".
Un avion de combat israélien a bombardé le café Al-Baqa, sur le front de mer de Gaza. Juste au-dessus de ceux qui étaient assis là.
L'un des lieux les plus appréciés de Gaza, toujours bondé, toujours animé.
Nous sommes encore sous le choc de l'horreur du massacre d'Al-Baqa, de notre refuge, notre réconfort, aujourd'hui réduit en miettes. Tant de nos amis et proches ont été tués là-bas. Des noms connus. Des noms aimés. On se souvient d'eux comme de martyrs disparus en une fraction de seconde. Un massacre indescriptible. Une catastrophe inimaginable.
Nous avons connu Al-Baqa, avec quelques chaises et tables en plastique au bord de l'eau. Nous avons fêté l'ouverture, la pose du toit de feuilles de palme. Que Dieu bénisse ces jours, ces souvenirs qui n'existent plus que dans nos cœurs.
Al-Baqa, le premier lieu à connaître à Gaza. Chacun y avait son histoire, d'avant ou d'aujourd'hui. Et ceux qui s'y trouvaient n'attendaient rien d'autre qu'un peu de normalité. Un souffle. Une pause dans l'horreur.
Et vous - vous avez bombardé ce souffle de vie du haut d'un avion de combat. Que Dieu fasse justice à toute cette violence. Qu'Il pulvérise votre arrogance et fasse trembler tous ceux qui vous aident.
Al-Baqa rassemblait des jeunes, des journalistes, tous épuisés par la vie. Un lieu où se poser, s'asseoir en bord de mer.
Et maintenant, vous l'avez bombardé.
Al-Baqa n'est plus. Et Gaza pleure.
Un café tout en bois, avec pour tout mobilier tables et chaises, frappé par un missile tiré d'un avion de combat, assez puissant pour détruire des tours.
Ils ont bombardé du bois et des rires, comme si la joie elle-même était une menace.
Le bilan est maintenant de 33 morts, des hommes jeunes et des familles entières juste allés respirer l'air marin, unique consolation au coeur de toute cette horreur.
De toutes les scènes du massacre, parmi les corps des martyrs, il y a aujourd'hui une image que je ne peux m'empêcher de voir, pas qu'avec mes yeux, mais aussi avec mon âme. Je reste là à regarder, me demandant : Pourquoi nous ?
J'ai vu un homme prenant sa femme dans ses bras, en courant, et lui murmurer : "Nous sommes là, mon amour... n'aie pas peur". J'ai vu un fils bercer sa mère, et la supplier : "Reste en vie pour moi, maman... s'il te plaît". J'ai vu une mère ensanglantée assise à même le sol de l'hôpital aux côtés de son fils, une poche de perfusion à la main parce qu'il n'y avait pas de lit pour lui. Et elle murmurait : "Yousef... je t'aime, mon chéri. Je suis si désolée de n'avoir pu mieux te protéger".
À quoi servent les mots après cela ?
La femme s'est éteinte, non pas dans la paix, mais dans une pause mortelle qui frappe Gaza depuis près de deux ans.
Et l'homme haletait, espérant peut-être que quelqu'un le sauve de cette mort, pour découvrir qu'une autre l'attend ensuite.
Comme nous sommes seuls Écrasés sous un ciel sans miséricorde. Asphyxiés sous les décombres, le silence, le poids de l'indifférence du monde.
Hier fut l'un de ces jours profondément imprimés en vous, de ceux qu'on n'oublie jamais.
Le brillant et créatif Ismail Abu Hatab a été tué, avec plus de 30 des jeunes hommes les plus brillants de Gaza, dans l'attentat contre le café Al-Baqa, un endroit où ils étaient simplement venus s'assoir... pour parler, rire... peut-être même oser rêver, le temps d'un instant.
La veille, Samar Al-Sadeq, une jeune fille tendre, si gentille et à la voix douce, a été tuée avec toute sa famille.
N'oublions jamais ces visages. Des histoires jamais terminées. Des rires soudainement réduits au silence. Des rêves qui n'ont pas eu la chance de voir le jour.
Gaza n'est pas seulement une alerte info. Gaza est peuplée de vraies personnes De gens qui aiment, œuvrent, bâtissent, De gens qui attendent la lumière du jour Même s'ils pleurent toute la nuit et que les larmes ne cessent jamais.
Ismail a d'abord été blessé, puis tué. Il a été blessé au début de la guerre et a dû cesser de travailler. Mais dès qu'il s'est rétabli, il a repris son appareil photo pour documenter, exposer et immortaliser les crimes de l'occupation. Et aujourd'hui... Israël l'a tué sur le rivage de Gaza.
Il ne tenait pas d'arme, juste un objectif, une histoire. Et maintenant, cette histoire est terminée Mais nous continuerons à la raconter.
L'artiste Frans Al-Salmi a été tuée lors du massacre perpétré par l'occupant en bombardant le refuge d'Al-Baqa.
C'est sa dernière peinture. Comme si, à chaque coup de pinceau, elle peignait sans le savoir son propre adieu.
La plupart des martyrs étaient des artistes, des journalistes et des voix que le monde écoutait autrefois. Ils étaient les ambassadeurs de l'amour et de la beauté de Gaza.
Mon cœur est lourd, écrasé par une douleur infinie.
Triste pour une ville effacée... réduite en poussière. Triste pour les jeunes âmes, les amis, les familles, tout un peuple qui s'élève en martyr. Triste pour nos proches affamés, déplacés, brisés. Triste pour les filles et les fils les plus brillants de cette terre, emportés les uns après les autres. Triste pour les combattants les plus courageux de la résistance, traqués avec leurs familles, pris pour cible juste parce qu'ils existent.
Triste pour tout. Tout brise le cœur. Tout blesse l'âme.
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Traduit par Spirit of Free Speech
Mohammed Mohisen
A world that was never meant for us
They Bombed Al-Baqa...