15/12/2025 reseauinternational.net  5min #299022

Vers la sionisation intégrale du christianisme ?

par Laurent Guyénot

Les chrétiens sionistes répètent que la Bible leur commande de soutenir Israël (un des pasteurs invités à Jérusalem ce mois-ci  a même déclaré qu'Israël est la preuve de l'existence de Dieu). Carlson leur déclare la guerre  en qualifiant l'idée que «Dieu préfère certaines personnes en fonction de leur ADN» de «plus ancienne hérésie chrétienne», car «le fondement même du christianisme est que cela n'est plus vrai» (it's no longer true). En disant cela, Carlson reconnaît implicitement que «cela était vrai autrefois» (it used to be true). Sur ce point, chrétiens sionistes et chrétiens antisionistes sont d'accord. L'Ancien Testament dit que Dieu a choisi la lignée de Jacob pour sauver le monde. On parle bien d'ADN choisi par Dieu. Cela ne fait pas débat.

C'est là tout le problème du christianisme. Et c'est la principale raison pour laquelle je ne me considère plus comme chrétien. Je rejette absolument de croire que les juifs (Judéens, Israélites, Hébreux, peu m'importe) ont été choisi par Dieu, hier, aujourd'hui ou demain. L'État d'Israël actuel, cette organisation mafieuse, terroriste et génocidaire, se sert de son histoire biblique pour justifier non seulement son existence, mais son mépris du droit international. Il est urgent de remettre en question cette histoire qui fait des juifs les chéris de Dieu et les éternels victimes du reste du monde : appelons cela le révisionnisme biblique.

On m'objecte qu'il ne faut pas saper les fondements du christianisme. Mais du révisionnisme biblique ou du christianisme, lequel est le plus nécessaire au salut du monde  ? Ma réponse est que le révisionnisme biblique est infiniment plus important : l'Occident peut survivre sans le christianisme, mais il ne pourra pas survivre sans le révisionnisme biblique. Pourquoi  ? Parce qu'Israël est un monstre qui ne pourra être vaincu que si l'on s'attaque à la source ultime de son pouvoir : son narratif biblique. Le christianisme soutient ce narratif biblique. Le christianisme fait donc partie du problème et non de la solution.

Voilà la logique qui motive mon travail de réflexion et d'écriture sur ce sujet, entamé avec mon livre Du Yahwisme au sionisme, toujours disponible chez KontreKulture. En complément, je m'efforce de montrer pourquoi l'Occident n'a pas besoin du christianisme, et ferait mieux de revenir aux sources helléno-chrétiennes de son génie, comme il l'a fait à la Renaissance (mon article « Le génie helléno-romain de la Renaissance»). Il y a dans cet héritage tout ce dont nous avons besoin comme ressources spirituelles et outillage religieux.

Qui rend témoignage à qui ?

Tandis que, sous Théodose Ier et ses fils, le christianisme devenait la religion officielle et obligatoire de l'Empire Romain, et que tous les cultes traditionnels étaient interdits, les temples expropriés ou détruits, une seule religion non chrétienne restait légale : le judaïsme, soit la religion tenue pour responsable de la mort du Christ. Étrange paradoxe  ! Augustin le justifiait par sa «théorie du peuple témoin» :

«Les juifs qui l'ont tué et qui ont refusé de croire en lui (...) ont été dispersés dans le monde entier (...) et ainsi, par le témoignage de leurs propres Écritures, ils témoignent pour nous que nous n'avons pas inventé les prophéties concernant le Christ (...) Il s'ensuit que lorsque les juifs ne croient pas en nos Écritures, leurs propres Écritures s'accomplissent en eux, alors qu'ils les lisent les yeux fermés. (...) C'est afin de rendre ce témoignage qui, malgré eux, nous est fourni par leur possession et leur conservation de ces livres, qu'ils sont eux-mêmes dispersés parmi toutes les nations, partout où l'Église chrétienne se répand. (La Cité de Dieu xviii,46)

Comme Caïn qui a assassiné son frère Abel, dit encore Augustin, les juifs sont sous la protection de Dieu, qui promet une vengeance septuple à leurs meurtriers. Ainsi, jusqu'à la fin des temps, «la préservation continue des juifs sera une preuve pour les chrétiens croyants de la soumission méritée par ceux qui, dans l'orgueil de leur royaume, ont mis le Seigneur à mort» (xii,12).

La «théorie du témoignage» d'Augustin est alambiquée. L'affirmation selon laquelle les Écritures juives témoignent de la vérité du christianisme est discutable mais compréhensible. Mais en quoi la persistance du peuple juif rend-elle témoignage de la vérité chrétienne, alors que le peuple juif rejette cette vérité sur la base de ses Écritures  ? La disparition des juifs en tant que nation ne serait-elle pas une meilleure preuve que Dieu a transféré sa providence vers le «Nouvel Israël» ?

Il faut savoir qu'Augustin est un sophiste de formation. Ce qu'il fait ici, c'est obscurcir l'évidente réalité inverse : c'est le christianisme qui rend un témoignage en faveur de la prétention extravagante des juifs d'avoir été choisis par Dieu comme instrument du salut du monde. Aucun Romain instruit n'avait jamais pris cette prétention au sérieux avant que le christianisme ne la cautionne. Que les juifs, par leur simple existence, témoignent de la vérité du christianisme est une affirmation pour le moins contestable. Que les chrétiens témoignent de la vérité du judaïsme biblique est plus qu'incontestable : c'est une prémisse du christianisme, toutes confessions confondues. Christ signifie Messie et présuppose le rôle spécial d'Israël dans la dispensation divine. Ainsi, alors que les juifs disent aux chrétiens qu'ils ont tort, les chrétiens disent aux juifs qu'ils avaient raison.

L'ascension du pouvoir juif sous la chrétienté

Le peuple juif a donc continué son existence en tant que nation dispersée dans tout le monde romain, au milieu de l'hostilité chrétienne mais sous la protection du gouvernement, dans un isolement relatif par rapport à la société chrétienne.

Sous ce régime, sa démographie a connu l'une des plus formidables croissances en Europe. Les lois interdisant aux chrétiens d'épouser des juifs ou même de manger à leur table (Concile d'Elvira au début du IVe siècle) ont renforcé l'identité et la cohésion juives, car l'endogamie et la pureté rituelle sont les commandements les plus importants de la Torah.

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 Laurent Guyénot

source :  Kosmotheos

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