25/08/2010 lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr  6 min #42229

Sarko/chirac : On se marre bien à Magouille-sur-seine

Chirac est innocent, mais l'UMP rembourserait le fric qu'il a détourné. 2, 2 millions d'euros alors que s'approche le procès... Ce serait une réussite pour notre Sarko qui pérorait sur les « voyous qui doivent avoir peur de la justice »

« Je suis innocent, mais je suis prêt à rembourser la victime ». Ça me rappelle les permanences en audience de comparutions immédiates. Le mec mouillé jusque là, accablé par les preuves, les biftons sortant de ses poches, proclamant son innocence sur la mémoire de ses ancêtres, mais qui offre de rembourse la victime.

Petit rappel du feuilleton Chichi

Le juge d'instruction Xavière Simeoni, contre l'avis du Parquet, a ordonné le renvoi de Chirac devant le tribunal correctionnel de Pairs, sous le grief de détournements de fonds et d'abus de confiance, opérés lorsqu'il était maire de Paris, ce sous la forme de 21emplois fictifs, entre octobre 1992 et mai 1995, seule période pouvant être poursuivie. Une vingtaine de personnes étaient payées par la ville alors qu'elles travaillaient pour le RPR, et le procès est prévu pour l'automne 2012. Et le Canard Enchaîné nous apprend qu'au prochain conseil municipal de Paris, les 27 et 28 septembre, est prévu l'approbation d'un protocole d'accord par lequel l'UMP et Chirac règleraient les sommes réclamées par la Mairie de Paris : 1,65 million d'euros versés par l'UMP et 550.000 par Chichi. La Mairie a confirmé. Avec 2,2 millions, la Mairie estime qu'elle est remboursée. Elle n'aurait donc plus rien à demander en justice, et se désisterait de sa constitution de partie civile. Du côté de la mairie, c'est nickel : victime indemnisée, elle se retire du procès.

Xavier-le-Mollasson dans ses oeuvresEn apéro, c'est l'ineffable Xavier Bertrand qui paie la tournée. L'info était apparue il y a une quinzaine, Le Canard expliquant que Nicolas et Chichi avaient cassé la croute dans la gargote du Tong Yen, le 15 juin, alors que Villepin allait lancer son mouvement politique, et que la plat de résistance était le paiement de dettes de Chichi par l'UMP, avec en contrepartie un Chichi qui rentre dans le rang sarkozien. Xavier Bertrand avait démenti : « Ce sont des questions qu'on se à Paris, dans le microcosme. Les gens s'en foutent un peu, et je crois qu'ils ont raison. Le Canard Enchainé, ce n'est pas le journal officiel de la République française. Et ce n'est pas la première fois qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies ». Eclat de rire assuré avec la déclaration que devra faire aujourd'hui Xavier-le-Mollasson devant l'avancée du protocole. J'espère qu'il ne se trompera pas de fiche, et ne demandera pas une déchéance de nationalité...

Le requin blanc est innocent

Mais le plus rigolo, c'est notre grand requin blanc de Chichi. Son procès avait été endormi pendant ses années de présidence et la mise en examen était arrivée, ponctuelle, en novembre 2007. Outragé, le Chichi ! Qui avait tant et tant protesté dans la presse, sur le thème : pas un sou n'a été détourné.

A Europe 1 : «Aujourd'hui on me reproche d'avoir recruté des personnes qui n'auraient pas eu de lien avec l'action municipale, je conteste formellement cette affirmation. Ces emplois avaient tous une raison d'être pour la ville et pour le maire de Paris. Les 21 travaillaient bien entendu pour les Parisiens».

Au Figaro : «J'irai donc m'expliquer avec sérénité et détermination, pour que la vérité soit établie. Je le dois aux Français, qui m'ont accordé leur confiance»

Dans Le Monde : « Jamais les moyens de la Ville de Paris n'ont été mis au service d'autres ambitions que d'agir pour les Parisiennes et les Parisiens. Jamais il n'y a eu d'enrichissement personnel. Jamais il n'y a eu de système. Ces recrutements, je les ai souhaités ou autorisés parce qu'ils étaient légitimes autant que nécessaires ».

Alors, comment dire que l'on paie si on ne doit rien ? Alors le protocole sera-t-il finalisé? Si oui, ça donnerait quoi ?

Bon, mais ça donne quoi pour le procès ?

Nous sommes au pénal, où les intérêts généraux de la société sont en jeu. La partie civile s'inscrit dans le procès, mais le procès mène sa barque quoiqu'il en soit. Premier exemple, une tentative de vol : il n'y a pas de victime, car il n'y a pas eu de préjudice, mais le procès pénal se déroule. Deuxième exemple : un type, un peu bourré, avoine son pote, qui porte plainte. Mais les deux pochtrons redeviennent copain devant le zinc, et le mec qui a été frappé ne réclame plus rien : le procès pour coups et blessure aura bien lieu quand même. Même chose encore pour le papa poursuivi pour ne pas avoir payé la pension alimentaire, et qui solde l'arriéré la veille de l'audience : l'infraction d'abandon de famille existe néanmoins. Donc, la Ville de Paris disparait du procès, comme partie civile, mais le procès pénal se poursuit, pour statuer sur les infractions commises.

Chirac tout beau tout neuf, car tout aura été payé. Mais justement, le tribunal sera bien tenté de voir dans ce remboursement - 2,2 millions ce n'est pas rien - la preuve du détournement. J'imagine bien que le protocole comporte huit préservatifs du genre « Le paiement est une transaction ne vaut pas reconnaissance de détournements ». Certes, mais la Ville a toujours parlé d'emplois fictifs et Chichi a toujours dit que tout avait été fait dans l'intérêt de la Ville. Donc, pourquoi ce remboursement ? Pas de blague : c'est un aveu. Il faudrait mieux etre prudent...

Reste l'audience...La Ville sera absente, et le Parquet a annoncé qu'il entendait requérir la relaxe. Bon. La ville ne réclamant rien, le tribunal ne lui donnera rien. Ca, c'est sûr. Mais le tribunal reste saisi, non par le Parquet, mais par l'ordonnance de renvoi de la maudite juge d'instruction. Et rien n'empêche le tribunal de prononcer une condamnation, alors que le parquet ne le demande pas. Car les réquisitions du Parquet ne sont pas des ordres. Le juge, est indépendant... et c'est bien tout le problème.

Ici, il faut distinguer

Si l'accord intervient entre la Ville, Chichi et l'UMP au début de l'affaire, le procureur peut classer et c'est fini.

Mais ici, il ya eu ouverture d'une information judiciaire, qui échappe à la maîtrise du Parquet. Si l'on en était encore à l'instruction, on aurait pu envisager, difficilement mais bon, une décision de non-lieu, et c'était là encore fini ? Mais ici, la situation est différente, car le tribunal a été saisi par l'ordonnance de renvoi, et le tribunal doit statuer.

Un arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 1994 (n° 93-83605) est éclairant.

Un prévenu avait été cité devant le tribunal correctionnel pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. A l'audience, le parquet avait déclaré « abandonner les poursuites », ce dont le tribunal avait pris acte, prononçant une relaxe, mais le Parquet avait eu des remords et avait fait appel et la Cour d'appel l'avait condamné. Que dit la Cour de cassation ? « Le tribunal s'était cru, à tort, dessaisi de la poursuite, alors que le ministère public n'a pas la disposition de l'action publique ». Ce n'est donc pas, juridiquement, un abandon des poursuites, mais seulement des réquisitions de relaxe. Et le tribunal est libre d'apprécier. Le juge n'est dessaisi une fois qu'il est allé au terme de sa saisine, c'est-à-dire qu'il a rendu sa décision. A ce stade, le procureur ne peut pas dessaisir la juridiction pénale saisie. Celle-ci doit se prononcer, et il ne fait pas de doute qu'elle peut condamner la personne poursuivie malgré des réquisitions du Parquet tendant à une relaxe.

Garanti de souche

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