15/10/2021 francesoir.fr  5 min #196519

La commission Bronner contre le complotisme : pour un monde plus beau, plus propre, plus pur

©Dreamstime

TRIBUNE - Chose promise chose due, Emmanuel Macron a présenté le 29 septembre à la France son  organe anti-complotisme. Baptisé « Bronner », du nom du sociologue à sa tête, il regroupe scientifiques et experts autour de la question de la « désinformation ».

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cette commission Bronner n'a pas fait l'unanimité : « fumisterie honteuse » a pu-t-on lire dans  Atlantico, quand  Marianne qualifiait cette lutte contre le conspirationnisme « d'obsession » et de « fantasmes des gouvernants ». Maxime Tandonnet a quant à lui noté dans  Le Figaro que la démarche relevait de « l'idéologie du mépris qui caractérise la politique française depuis quelques années » tandis que d'autres n'ont pas hésité à comparer cette initiative du gouvernement à la création d'un « ministère de la Vérité ».

Miniver amer

Ces réactions en plus d'être fâcheuses, sont aussi courtes de vue et d'esprit : l'idiot regarde le doigt quand on lui montre la lune. La commission Bronner est un premier pas - certes un peu hésitant, comme souvent les premiers pas - vers un monde meilleur, rien de moins. Un monde sans théorie conspirationniste, et donc sans complotiste. Et c'est ce monde-là qu'il faut imaginer avant d'émettre des jugements hâtifs et injustes sur le travail de ces  experts.

Rien que sur la crise sanitaire qui nous occupe, imaginez à quel point tout aurait été plus serein et apaisé sans les complotistes. Pas de contestation de l'utilité des confinements ou des masques, pas de remise en cause de l'utilité ou de l'efficacité des vaccins, pas d'inquiétude quant à d'éventuels effets secondaires, pas de contestation du passe sanitaire, des couvre-feux, des auto-attestations, des déplacements limités ou interdits... On en passe et des meilleurs. Un paradis de gouvernance où la parole venue d'en haut serait reconnue pour ce qu'elle est : juste, éclairée, bienveillante et surtout transparente.

D'un monde meilleur au meilleur des mondes

Sans complotiste indélicat pour les contredire ou les décrier, les modélisations épidémiologiques apocalyptiques pourraient tranquillement bercer un quotidien confit dans une bien légitime terreur. Les odieux « rassuristes » ont d'ailleurs une responsabilité historique dans la banalisation de la parole complotiste.

Sans complotiste séditieux, pas de manifestations à répétition qui, en refusant obstinément de virer au « cluster », sapent le discours anxiogène pourtant en parfaite résonance avec le « consensus scientifique ». Mais pourquoi donc tous ces manifestants sans masque, sans geste barrière et souvent sans vaccin ne sont-ils pas en train d'agoniser en réanimation ?

Bref, on l'aura compris, ce monde auquel la commission Bronner souhaite oeuvrer, c'est un monde débarrassé d'éléments indésirables, perturbateurs et non conformes, un monde plus propre, plus pur, plus calme... Et personne ne s'en plaindra.

Le bon vieux temps des complots

Il y a néanmoins un hic : que vont devenir tous les « fact-checkeurs » et autre « débunkeurs » dans ce parfait futur sans « fausse info » et sans complotisme ? Les Décodeurs du Monde et tous les autres vont-ils se retrouver à pointer au Pôle Emploi ? Quelle réinsertion possible pour un tel profil ? « Débunkeur » de palettes à Auchan Bel Est ? « Fact-checkeur » de la cuisson des frites chez McDo ? « Vérificateur » de la passion cycliste chez UberEats ? Les plus débrouillards trouveront peut-être une place de vendeur chez Micromania, c'est leur biotope, mais les autres ? Que fait-on d'un décodeur quand il n'y a plus rien à décoder ?

Plus grave encore, la commission Bronner met en danger l'un des fleurons de l'anti-complotisme Français : le blog ConspiracyWatch de  Rudy Reichstadt. Que deviendra le travail exemplaire de catalogage et d'étiquetage de la pensée divergente (et maladive, il faut bien le dire) accompli par M. Reichstadt une fois terrassé le serpent du complotisme ? On note d'ailleurs avec étonnement que le tenancier de Conspiracy Watch fait justement partie de la commission en question. Il soutiendrait donc une commission susceptible de le mettre sur la paille ? Bel esprit de sacrifice, il lui restera toujours la possibilité d'évoquer le bon vieux temps des complot(isme)s avec ses camarades décodeurs quand les mal-pensants auront disparu.

Voir aussi :  La liberté d'information à l'épreuve d'une commission ? Arnaud Dimeglio au Défi de la vérité

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