14/01/2022 entelekheia.fr  9 min #200601

L'importance du 10 janvier

Les Usa font du « dialogue » avec la Russie

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Les rumeurs de guerre à venir incessamment se font plus pressantes. Les USA jouent leur survie en ce moment :  les guerres, pour eux, c'est du business. Moins de guerres, et c'est l'économie du pays qui prend un énorme coup. Or, avec leur volonté de paix et de stabilité, Poutine et Xi avec sa Route de la soie, leur opposent obstacle sur obstacle. D'où la « surdité » de l'OTAN face aux demandes de dialogue de la Russie.


Par Pepe Escobar
 Paru sous le titre This Is How the U.S. Does 'Dialogue'

Washington ne prendra pas en considération les propositions russes de non-expansion de l'OTAN et n'a même pas l'intention d'en discuter. Voilà pour le « dialogue ».

C'était la première réunion de haut niveau entre la Russie et l'OTAN depuis 2019 - venant immédiatement après les inepties du dialogue de sourds entre les États-Unis et la Russie sur la « garantie de sécurité » plus tôt dans la semaine, à Genève.

Que s'est-il donc passé à Bruxelles ? Essentiellement un autre dialogue de sourds, préfacée d'un exorde kafkaïen de l'OTAN : nous sommes prêts au dialogue, mais d'avance, les propositions du Kremlin sont inacceptables.

Il s'agissait d'un double discours de l'envoyée américaine auprès de l'OTAN, Julianne Smith, reprochant de manière préventive à la Russie les actions qui ont « accéléré ce désastre ».

Aujourd'hui, tous les êtres pensants d'Eurasie et de sa péninsule européenne devraient être conscients des deux principales exigences rationnelles de la Russie : pas d'expansion de l'OTAN, et pas de systèmes de missiles stationnés près de ses frontières.

Passons maintenant au moulin à propagande. Les platitudes du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, ont été, comme on pouvait s'y attendre, fidèles à sa spectaculaire médiocrité. À propos du dialogue planifié, il avait déclaré qu'il était « important d'entamer un dialogue ».

La Russie, a-t-il dit, « a exhorté l'OTAN à refuser d'admettre l'Ukraine ; l'alliance a répondu en refusant de faire des compromis sur l'expansion ». Pourtant, l'OTAN « se félicite des consultations bilatérales » sur les garanties de sécurité.

L'OTAN a également proposé une série de vastes consultations sur la sécurité, et « la Russie n'a pas encore accepté, mais ne les a pas exclues non plus. »

Rien d'étonnant à cela : les Russes avaient déjà noté, avant même que cela ne se produise, qu'il ne s'agit que de tactiques dilatoires.

Les pays émergents dits « du Sud gobal » seront soulagés d'apprendre que Stoltenberg a défendu les blitzkriegs militaires de l'OTAN au Kosovo et en Libye : après tout, « ils relevaient de mandats de l'ONU ». Ils étaient donc inoffensifs. Pas un mot sur les performances exceptionnelles de l'OTAN en Afghanistan.

Et puis, la conclusion tant attendue : L'OTAN s'inquiète de la présence de troupes russes « à la frontière avec l'Ukraine » - en réalité à une distance de 130 à 180 km à l'intérieur du territoire russe. Et l'alliance considère comme « faux » que l'expansion est « un acte agressif ». Pourquoi ? Parce que « cela répand la démocratie ».

La démocratie par les bombardements, youpi !

Il a donc résumé l'évangile de l'OTAN en quelques mots. Comparons-le maintenant avec les propos empreints de gravité du vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexander Grushko.

Grushko a soigneusement expliqué comment « l'OTAN est déterminée à contenir la Russie. Les États-Unis et leurs alliés tentent d'obtenir la supériorité dans tous les domaines et sur tous les théâtres d'opérations militaires possibles ». Il s'agissait d'une référence voilée à la « Full Spectrum Dominance » [domination tous azimuts, NdT], qui, depuis 2002, reste l'évangile américain.

Grushko a également fait référence à des « tactiques d'endiguement de l'époque de la Guerre froide », et a déclaré que « toute coopération [avec la Russie] a été interrompue » - par l'OTAN. Pourtant, « La Russie a indiqué honnêtement et directement à l'OTAN qu'une nouvelle dégradation de la situation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la sécurité européenne. »

La conclusion est sans appel : « La Fédération de Russie et l'OTAN n'ont pas du tout de programme positif unifié. »

ratiquement aucune des factions russophobes de la machine « Guerre, Inc » bipartisane de Washington ne peut accepter qu'aucune force ne soit stationnée dans les États européens qui n'étaient pas des membres de l'OTAN en 1997, et que les membres actuels de l'OTAN ne tentent aucune intervention militaire en Ukraine ainsi que dans d'autres États d'Europe orientale, de Transcaucasie et d'Asie centrale.

Lundi à Genève, le vice-ministre des Affaires étrangères Ryabkov avait déjà souligné, une fois de plus, que la ligne rouge de la Russie est inamovible : « Pour nous, il est absolument impératif de veiller à ce que l'Ukraine ne devienne jamais, jamais, jamais membre de l'OTAN. »

Des sources diplomatiques ont confirmé qu'à Genève, Ryabkov et son équipe devaient, à toutes fins utiles, agir comme des adultes dans une maternelle, et veiller à ce qu'il n'y ait « aucun malentendu ».

Comparons tout cela maintenant avec Ned Price, du Département d'État américain, qui s'est exprimé après huit heures exténuantes partagées avec Ryabkov et la secrétaire d'État adjointe Wendy Sherman : Washington n'examinera pas les propositions russes relatives à l'absence d'expansion de l'OTAN et n'a même pas l'intention d'en discuter.

Voilà pour le « dialogue ».

Ryabkov a confirmé qu'il n'y avait pas eu de progrès. Revenant sur son didactisme, il a dû souligner : « Nous demandons aux États-Unis de faire preuve d'un maximum de responsabilité en ce moment. Les risques liés à une éventuelle augmentation de la confrontation ne doivent pas être sous-estimés. »

Dire, selon les mots de Ryabkov, que des efforts « significatifs » ont été faits par la Russie pour persuader les Américains que « jouer avec le feu » n'est pas dans leur intérêt est l'euphémisme N°1 de notre jeune XXIeme siècle.

Des sanctions, des sanctions, encore et toujours des sanctions

Un bref rappel des faits est important pour comprendre comment les choses ont pu dérailler si vite.

Depuis le début, la stratégie pas vraiment secrète de l'OTAN consiste à faire pression sur Moscou pour qu'elle négocie directement avec Kiev sur le Donbass, même si la Russie n'est pas mentionnée dans les accords de Minsk.

Alors que Moscou avait été forcée de prendre part à la confrontation Ukraine/Donbass, elle n'a eu qu'un effort minimal à fournir pour briser une tentative de coup d'État et de révolution de couleur au Belarus. Ensuite, les Russes ont rassemblé en un rien de temps une force de frappe impressionnante - avec l'infrastructure militaire correspondante - sur le territoire de la Russie occidentale, afin de réagir de manière fulgurante en cas de blitzkrieg ukrainien dans le Donbass.

Il n'est pas étonnant que l'OTAN, alarmée, ait dû réfléchir à deux fois sur son idée de combattre la Russie jusqu'au dernier Ukrainien. Elle a peut-être au moins compris que l'Ukraine serait complètement détruite.

La beauté de la chose réside dans la façon dont Moscou a renversé la situation grâce à un nouveau coup de jiu-jitsu géopolitique. L'ukro-démence soutenue par l'OTAN - avec ses promesses vides d'en devenir membre - a permis à la Russie d'exiger la fin de l'expansion de l'OTAN, avec le retrait de toute infrastructure militaire d'Europe de l'Est à la clé.

Il était évident que Ryabkov, dans ses entretiens avec Sherman, refuserait toute suggestion selon laquelle la Russie devrait démanteler l'infrastructure logistique mise en place sur son propre territoire, en Russie. À toutes fins utiles, Ryabkov a réduit Sherman en miettes. Il n'en est resté que de douces menaces de sanctions supplémentaires.

Il n'en reste pas moins que ce sera une tâche colossale que de convaincre l'Empire et ses satrapies de l'OTAN de ne pas organiser une sorte d'aventure militaire en Ukraine. C'est l'essentiel de ce que Ryabkov et Grushko ont dit et répété à Genève et à Bruxelles. Ils ont également dû insister sur l'évidence : si de nouvelles sanctions sont imposées à la Russie, il y aura de graves répercussions, notamment en Europe.

Mais comment est-il humainement possible pour des professionnels chevronnés comme Ryabkov et Grushko d'argumenter, de manière rationnelle, avec une bande d'amateurs incompétents comme Blinken, Sullivan, Nuland et Sherman ?

De sérieuses spéculations ont été faites sur le délai dans lequel la Russie ne prendra même plus la peine d'écouter le « babil » américain (copyright Maria Zakharova). Ce pourrait être vers 2027, voire 2025.

Ce qui se passe ensuite, c'est que la prolongation de cinq ans du nouveau traité START expire en février 2026. Alors il n'y aura plus de plafond pour les armes nucléaires stratégiques. Le gazoduc Power of Siberia 2 vers la Chine rendra Gazprom encore moins dépendant du marché européen. Le système financier combiné Russie-Chine deviendra presque imperméable aux sanctions américaines. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine permettra de partager des technologies militaires encore plus avancées.

Tout cela est bien plus important que le secret de Polichinelle inscrit dans le kabuki actuel des « garanties de sécurité » : la nation exceptionnaliste, « indispensable », est congénitalement incapable de renoncer à l'expansion éternelle de l'OTAN vers, eh bien, même l'espace intersidéral.

Dans le même temps, les Russes sont très conscients d'une vérité assez prosaïque : les États-Unis ne se battront pas pour l'Ukraine.

Alors bienvenue dans l'Irrationalité, version Instagram. Que se passera-t-il ensuite ? Très probablement une provocation, avec la possibilité, par exemple, d'une opération secrète de guerre chimique à imputer à la Russie, suivie de - pardi - davantage de sanctions. [*]

L'emballage est prêt. Il se présente sous la forme d'un projet de loi déposé par des sénateurs démocrates et soutenu par la Maison Blanche, qui prévoit des « coûts sévères » pour l'économie russe au cas où Moscou répondrait enfin à leurs prières et « envahirait » l'Ukraine.

Les sanctions toucheraient directement le président Poutine, le premier ministre Mishustin, le ministre des affaires étrangères Lavrov, le chef d'état-major général des forces armées, le général Gerasimov, et « les commandants de diverses branches des forces armées, y compris l'armée de l'air et la marine ».

Parmi les banques et institutions financières visées figurent la Sberbank, la VTB, la Gazprombank, la Moscow Credit Bank, l'Alfa-Bank, l'Otkritie Bank, la PSB, la Sovcombank, la Transcapitalbank et le Fonds russe d'investissement direct. Ils seraient tous coupés de SWIFT.

Si ce projet de loi ressemble à une déclaration de guerre, c'est parce que c'en est une. Appelons cela la version américaine du « dialogue ».

Traduction Corinne Autey-Roussel
Illustration : expansion de l'OTAN vers l'est / Crédit Center for Strategic & International Studies (CSIS)

[*] Note de la traduction : Pour le moment, les USA, qui ne manquent pas d'imagination, se sont rabattus sur autre chose qu'une attaque chimique : étrangement, l'Ukraine est aujourd'hui en proie  à une cyber-attaque massive dirigée contre ses sites gouvernementaux, et déjà imputée à la Russie. Pardi.

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