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«Il peut toujours m'appeler»: une députée néo-démocrate propose de se joindre au gouvernement libéral du Canada

Par Roger Jordan
16 novembre 2019

La députée nouvellement élue, Heather McPherson, du Nouveau Parti démocratique, a proposé de devenir membre du cabinet du gouvernement libéral du premier ministre Justin Trudeau.

Cette offre, présentée comme un moyen d'aider Trudeau à assurer un «équilibre régional» au sein de son gouvernement après l'élimination des libéraux dans l'Ouest canadien lors de l'élection fédérale du mois dernier, souligne le soutien des sociaux-démocrates à un programme proguerre et proaustérité.

«Je pense qu'il est important de regarder comment nous pouvons représenter l'Alberta», a déclaré McPherson au radiodiffuseur d'État CBC: «Si le premier ministre souhaite avoir quelqu'un de l'Alberta qui soit néo-démocrate, il peut toujours m'appeler.»

McPherson était la seule députée non conservatrice à être élue parmi les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan. Les résultats des élections, y compris la consolidation par les conservateurs de leur domination dans les provinces des Prairies et à l'intérieur de la Colombie-Britannique et la résurgence électorale du Bloc québécois indépendantiste au Québec, reflètent les divisions régionales croissantes au sein de l'élite dirigeante du Canada.

Les commentaires de McPherson ne peuvent pas être simplement considérés comme ceux d'une députée débutante. Tout au long de la campagne pour les élections fédérales du 21 octobre, le chef du NPD Jagmeet Singh a souligné sa détermination à travailler avec les libéraux afin de bloquer un gouvernement conservateur dirigé par Andrew Scheer. Singh a plusieurs fois insisté sur la possibilité que le NPD serve de partenaire junior dans un gouvernement de coalition dirigé par les libéraux. Peu de temps avant le scrutin, il a annoncé ce qu'il a appelé les «priorités clés» du NPD pour les négociations postélectorales avec le parti traditionnel du gouvernement national de l'élite dirigeante canadienne. Pour la plupart, ces priorités formulées de manière vague recoupaient les propositions de politique du Parti libéral et toutes, comme le soulignait Singh, étaient «négociables».

Lorsque les élections ont produit une minorité libérale, le NPD occupant suffisamment de sièges pour donner à Trudeau une majorité parlementaire, Singh était en extase. Interrogé par des journalistes lors de sa première conférence de presse après les élections sur la manière dont le NPD utiliserait le «rapport de force», Singh a de nouveau souligné le désir du NPD de travailler avec le gouvernement Trudeau, ajoutant que cette collaboration pourrait prendre plusieurs formes, y compris une coalition formelle ou un «accord de confiance et de soutien.» «Tout est sur la table», a déclaré le chef du NPD.

Singh a de l'expérience dans le soutien d'un gouvernement libéral. En Ontario, entre 2012 et 2014, lui et le reste du caucus du NPD à l'Assemblée législative de l'Ontario ont soutenu les gouvernements minoritaires libéraux dirigés par Dalton McGuinty et Kathleen Wynne, alors même qu'ils réduisaient les dépenses en éducation, en soins de santé et en services sociaux et criminalisaient la lutte des enseignants.

Trudeau, pour ses propres raisons politiques, n'a pas tardé à rejeter publiquement l'offre de Singh de former une coalition formelle libérale-néo-démocrate. C'était avant tout pour rassurer les couches les plus à droite de la bourgeoisie opposées à l'inclusion des sociaux-démocrates dans le gouvernement. Cependant, Trudeau tient également à conserver toute sa liberté de s'appuyer sur les députés conservateurs et du Bloc québécois pour faire adopter des lois particulièrement controversées ou impopulaires jugées vitales pour les intérêts de la classe dirigeante, telles que la ratification du nouvel accord de l'ALÉNA qu'Ottawa a négocié avec le gouvernement Trump.

Quelles que soient les déclarations publiques de Trudeau, ses libéraux et lui-même savent pertinemment que, politiquement, son gouvernement minoritaire reposera principalement sur leur «partenariat» étroit avec les syndicats et sur le soutien du NPD social-démocrate. Les médias institutionnels et les parties en cause se déguisent présentent cela comme une alliance «progressiste» visant à empêcher le retour au pouvoir des conservateurs.

Les quatre premières années de pouvoir de Trudeau ont donné un avant-goût de ce à quoi ressemblera une telle politique «progressiste». La politique identitaire et la rhétorique creuse «progressiste» serviront de rideau de fumée pour la mise en œuvre d'un programme de droite, favorable aux grandes entreprises et militariste.

Cela est illustré par les projets des libéraux de se doter de nouvelles flottes de cuirassés et d'avions de guerre et d'augmenter les dépenses militaires de plus de 70% d'ici 2026: leur intégration du Canada dans les offensives militaro-stratégiques de Washington contre la Russie et la Chine; et leur collaboration avec l'administration Trump dans sa répression féroce contre les réfugiés.

Les syndicats, qui se sont associés au NPD pour saluer la réélection des libéraux, ont fourni au gouvernement libéral une collaboration étroite sans précédent. Le président du Congrès du travail du Canada (CTC), Hassan Yussuff, a siégé au conseil consultatif de Trudeau sur l'ALÉNA, tandis que le président d'Unifor, Jerry Dias, et le président des Métallos, Leo Gerard, ont étroitement coordonné le lobbying avec le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, et d'autres hauts responsables de l'administration Trump. Les négociations au titre de l'ALÉNA ont abouti à une élite dirigeante du Canada acceptant les demandes de Trump selon lesquelles l'accord de trois pays devrait être reformulé pour en faire un bloc de guerre commerciale plus explicite visant à promouvoir les intérêts de l'impérialisme américain et canadien contre la Chine et ses concurrents étrangers.

Le nouveau gouvernement minoritaire de Trudeau, qui devrait prêter serment le 20 novembre, intensifiera ce programme de droite. Cela a été souligné par la défense acharnée par Trudeau de l'alliance militaire de l'OTAN et par ses tentatives pour calmer les forces de droite en Alberta et dans les provinces des Prairies, comme les conservateurs unis de Jason Kenney, qui lancent des attaques impitoyables contre la classe ouvrière.

En réponse à l'affirmation du président français Emmanuel Macron selon laquelle l'OTAN est en «mort cérébrale», Trudeau a déclaré la semaine dernière: «L'OTAN continue de jouer un rôle extrêmement important non seulement dans l'Atlantique Nord, mais dans le monde en tant que groupe de pays qui partagent des valeurs [et] qui partagent un engagement envers une sécurité commune. Et très franchement, le fait que le Canada ait su faire preuve d'un leadership important à Bagdad en dirigeant la mission de formation en Irak et sur le front est de l'OTAN en Lettonie est un exemple où l'OTAN a encore un rôle important à jouer.»

En d'autres termes, les libéraux «progressistes» de Trudeau considèrent la poursuite de la guerre téméraire menée par l'OTAN contre la Russie et les guerres illégales et désastreuses menées par Washington en Syrie et en Irak comme des priorités centrales de la politique étrangère.

De plus, le gouvernement Trudeau s'est engagé à «moderniser» le Commandement de la défense aérospatiale nord-américain (NORAD) entre le Canada et les États-Unis, conformément à la «nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances» de Washington. Cela engendrera des milliards en dépenses militaires non annoncées, et un élan renouvelé de la part de l'élite dirigeante canadienne pour vaincre l'opposition populaire à l'adhésion d'Ottawa au bouclier de défense antimissile balistique de Washington. Malgré son nom, le bouclier de défense américain a pour but de rendre une guerre nucléaire «gagnable».

Dans le but de tendre la main au gouvernement de droite de l'Alberta, Kenney, et aux barons de l'industrie pétrolière pour lesquels il parle, Trudeau a renouvelé l'engagement de son gouvernement d'assurer l'achèvement rapide de l'oléoduc de Trans Mountain lors de sa première conférence de presse après les élections. Depuis lors, Trudeau et ses ministres ont promis à plusieurs reprises de travailler avec Kenney et Scott Moe, le premier ministre de droite de la Saskatchewan.

Immédiatement après les élections, le gouvernement PCU de Kenney a annoncé d'importantes réductions des dépenses sociales et menacé 180.000 travailleurs du secteur public de licenciements collectifs s'ils n'acceptaient pas une réduction des salaires comprise entre 2,5 et 5%. Kenney demande également des changements radicaux dans le programme de péréquation du gouvernement fédéral, qui prévoit des transferts supplémentaires vers les provinces les plus pauvres. La campagne de Kenney contre la péréquation a pour objectif de réduire la taxation des grandes pétrolières et des riches et super riches de l'Alberta et de vider de son contenu ce qui reste des normes nationales en matière de soins de santé et d'autres services publics essentiels.

Trudeau comptera sur le soutien politique des syndicats et du NPD pour faire adopter son programme impopulaire en faveur des grandes entreprises face à une opposition généralisée. La semaine dernière, il a invité le chef du NPD Singh et les autres chefs de l'opposition à le rencontrer individuellement pour discuter des moyens de parvenir à un «terrain d'entente». Comme prévu, le NPD de Singh a été le premier parti à confirmer la présence de son chef à une telle réunion. Celle-ci devrait avoir lieu cette semaine.

(Article paru en anglais le 12 novembre 2019)

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