16/11/2019 usbeketrica.com  7 min #164528

Le conseil de Venise inondé « deux minutes après » le rejet de mesures contre le changement climatique

Chaque semaine, un(e) journaliste de la rédaction vous raconte, avec plus ou moins de détours, l'actualité des sept jours écoulés. Notre point de départ de cette semaine est l'inondation du conseil régional de Venise, deux minutes après le rejet d'amendements contre le changement climatique...

L'histoire est  racontée le 13 novembre sur Facebook par un conseiller régional, photos à l'appui. Venise est alors sous les eaux,  dévastée par la pire marée haute en 53 ans, une acqua alta d'1,87 mètre qui a envahi églises, commerces, et musées, faisant au moins un mort, provoquant des dégâts à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros et un spectacle de désolation. Le conseil régional de Vénitie est en train de voter son budget 2020 dans la salle du Parlement du Palazzo Ferro Fini, l'un des splendides palais bordant les rives du Grand Canal. Les sirènes retentissent pour inviter les conseillers à évacuer le Palais, mais la séance se poursuit tandis que le rez-de-chaussée est envahi. « Le président du Conseil et les représentants de la Ligue (la formation populiste de Matteo Salvini qui s'est associée au Mouvement 5 étoiles pour gouverner le pays, ndlr) ont voulu continuer jusqu'au bout ». Quand l'eau finit par envahir l'étage et s'infiltrer sous leurs pieds, les conseillers viennent « deux minutes plus tôt » de rejeter des amendements destinés à combattre le changement climatique. « Ironie du sort », commente le conseiller démocrate Andrea Zanoni.

Financement des énergies renouvelables, remplacement des bus diesel, réduction du plastique... « Tous les amendements ont été déposés parce que le budget ne comporte aucune action concrète pour lutter contre le changement climatique », assure le démocrate Andrea Zanoni. Interrogé par CNN, le président du Conseil Roberto Ciambetti, de la Ligue du Nord,  s'insurge contre cette version des faits, soulignant les millions dépensés les années précédentes « pour combattre la pollution de l'air, un facteur déterminant du changement climatique. »

Sans entrer dans les cuisines de la politique vénitienne, ni dans les détails du projet MOSE, ce fameux ensemble de digues censé protéger la ville de la montée des eaux mais empêtré depuis des années dans des problèmes de corruption et de surcoûts, difficile de ne pas reconnaître à Andrea Zanoni la triste ironie de cette histoire.

La crue dramatique qui frappe Venise est le résultat d'un « cocktail » exceptionnel lié à la marée haute, aux pluies torrentielles, aux basses pressions et à un très gros coup de vent (sirocco),  résume le correspondant du Monde en Italie, Jérôme Gautheret. Venise a déjà, par le passé, été touchée par les acqua alta. Mais la multiplication et l'intensification de ces phénomènes ont un coupable bien connu : « Nous avons besoin que tout le monde nous aide à faire face à ce qui est clairement les effets du changement climatique », a déclaré sans ambages le maire de Venise Luigi Brugnaro.

https://twitter.com/CBCNews/status/1194872640382652416 Source

Sa détresse, capturée par les photographes qui le  montraient l'air hagard mercredi, sur la place Saint-Marc, de l'eau jusqu'aux genoux, a fait surgir dans notre esprit l'image d'un autre homme politique, à la tête de l'ONU celui-ci, Antonio Guterres, en une le 24 juin dernier d'une édition de Time dédiée à notre « planète en train de couler ».

© Christopher Gregory / TIME

Même planète, mais autre Parlement, pour une histoire moins « ironique » : jeudi soir, les députés Français ont voté, sans débat, un report de 2020 à 2026 de l'effacement de l'huile de palme de la liste des biocarburants, cet effacement devant mettre fin à l'exonération fiscale dont celle-ci bénéficiait. « La déforestation importée est un fléau, il ne faut pas reculer ! Une belle victoire pour Total qui peut sabrer le champagne ce soir. Honteux ! », s'est insurgé le député Matthieu Lorphelin (ex-LREM, proche de Nicolas Hulot), en parallèle de la colère des associations écologistes, les Amis de la Terre ayant dénoncé un « cadeau fiscal évalué entre 70 et 80 millions d'euros ». Ce vendredi, le Premier ministre Edouard Philippe  a demandé un second vote.

Enfin, troisième Parlement, à quelques milliers de kilomètres de là, en passant l'Atlantique et en franchissant la cordillère des Andes, celui du Chili vient de conclure ce vendredi, à l'issue de plusieurs heures de négociation, un  accord historique : l'organisation d'un référendum pour remplacer la Constitution héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), toujours en place dans sa majeure partie malgré le retour à la démocratie. L'une des principales revendications du mouvement social qui secoue le Chili depuis la mi-octobre pourrait donc aboutir. « Cet accord constitue un premier pas, mais c'est un premier pas historique et fondamental pour commencer à construire notre nouveau pacte social, dans lequel la citoyenneté va tenir un rôle prépondérant », a déclaré le ministre de l'intérieur, Gonzalo Blumel.

Les « bonnes nouvelles » n'étant pas disponibles en quantité pléthorique ces derniers temps, profitons donc de celle-ci.

Image à la Une : Le Palais Ferro Fini inondé, le 13 novembre.  Source : Andrea Zanoni

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