31/05/2020 telex.ovh  10 min #174700

La théorie du grand remplacement (du système)

La poule aux œuf d'or / La thune sur la Lune - Et les systèmes d'échanges qui vont avec

Si on trouvais une poule qui pond des œufs d'or, quel serait son impact dans l'économie?

Il va sans dire que cette question relève d'un futur proche, puisqu'on aura tôt fait de découvrir des sources d'énergie permettant de créer de l'or, et n'importe quel matière, même organique.

Faut-il penser (elle est bien cette formule) que les médias s'empresseront de dire à la Une des journaux, scandé de façon exaltée "On a trouvé la poule aux œuf d'or !". L'air de dire "venez, c'est gratuit, il y en aura pour tout le monde !".

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Il n'est pas d'usage que les médias publicisés fassent ce genre d'annonce, même si c'est pour dire "tel pays que nous avons attaqué est sorti victorieux !" ou "les pays sous blocus s'en sortent mieux que nous !" ou "la Chine nouvelle superpuissance mondiale ! Youpi !".

Il n'y a pas eu non plus de "Il a inventé le moteur à eau !", ni de "Des parcs naturels sont exploités sauvagement, il faut réagir !".

Non parce que la fonction de la presse n'est pas liée à l'action qui découle de l'événement. La presse étant externalisée de la réalité, ne fait que signaler telle ou telle chose dont ensuite on est sensés faire ce qu'on veut, ce n'est pas son problème.

Pour qu'un titre d'actu soit tonitruant, il faut que cela veuille dire quelque chose à propos de la manière dont les choses vont changer ensuite. C'est à dire qu'il faut qu'il y ait des clients. Par exemple les défenseurs de la nature ne sont pas des clients, ils ne sont qu'un tantième du lectorat. Idem pour ceux qui s'intéressent aux guerre ou à l'économie. Les gens eux veulent juste des trucs à raconter, même sans rien y comprendre.

Et même quand par chance tout le monde serait intéressé par une nouvelle sensationnelle, l'habitude est plutôt de la faire taire, ou d'en faire des analyses orientées par des perspectives qui sont très minoritaires - comme si c'étaient les seules qui comptaient.

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Mais bon, continuons. On a trouvé la poule aux œufs d'or, quelles sont les conséquences ?

Va-t-on prioriser cette manne nouvelle par la satisfaction des besoins les plus humanitaires ? Il y aura sûrement une mafia qui va vouloir quand même en tirer son jus. On se souvient par exemple des dons pour Haïti qui sont allées dans les caisses de multinationales.

Va-t-on, va-t-on, il y a plein d'exemples, comme donner cette manne à tout le monde de façon uniforme, ou se payer un nouveau monument public ; et puis à long terme, la poule continuerait d'avoir des poulets qui eux aussi pondent des œufs d'or, ou alors si ce n'est pas le cas, des espions seront venus prendre son ADN pour la cloner, ou encore le processus de synthèse chimique de l'or pourrait être industrialisé, et on passe à la question 2 sur 3, quelles sont les conséquences ?

Si le monde est inondé d'une manne infinie, il ne se passe rien, les prix montent en même temps que la richesse globale, et certainement les inégalités se creusent davantage. Elles peuvent aussi être résolue, mais dans ce cas pourquoi attendre une poule aux œufs d'or pour faire cela ?

Et la troisième question est : Qu'est-ce que cela signifie ?
À quoi rime d'avoir une tonne d'argent, si ce n'est d'avoir le droit d'acquérir des biens réels fabriqués par des gens normaux ? Et eux, s'ils acceptent cet argent surnuméraire, ils savent pertinemment qu'ils vont faire monter les prix. Et quel intérêt de donner ses biens à quelqu'un qui débarque avec une poule aux œufs d'or ? Le libéral va-t-il continuer à soutenir que les riches sont méritants ? (question rhétoricomique)

En fait il n'y a rien que la poule aux œufs d'or ne puisse apporter de bon à notre société.
Au mieux cela peut mettre en évidence l'inanité du système d'échanges.

***

Pour illustrer encore mieux l'inanité du système d'échanges, allons sur la Lune où le gisement d'eau situé au pôle sud est exploité par Cocacola, et les hôtels de luxe reçoivent une clientèle qui a besoin de prendre le large et de se changer les idées, parce que vous comprenez les pauvres, ils sont trop riches et ça leur cause des soucis.

L'économie de la Lune reçoit des clients venus dépenser leur monnaie à l'hôtel Stellar (il est bien ce nom), et principalement cet argent va vers Cocacola qui vend de l'eau. Évidemment la firme aura prit soin d'infiltrer parmi les ingénieurs de l'hôtel une évacuation de la vapeur et des eaux usées pour pas qu'elles ne soient recyclées. Ou alors vendra les machines à la recycler, sous forme de distributeurs d'eau potable automatique, où il faut mettre une pièce.

Je ne sais pas si le lecteur perçoit toute l'ampleur comique de cette situation. Normalement les technologies devraient servir les gens et non les entreprises, et permettre d'avoir de l'eau potable gratuitement pour tous, autant qu'ils en ont besoin, quels que soient leurs moyens. Ils n'ont qu'à être investis une fois pour toute et au final ils ne coûtent rien. Mettre une pièce dans le distributeur pour cela, revient à vouloir sans cesse évaluer "la demande" pour être sûr qu'elle continue à être suffisante. Mais est-ce utile de faire cela ? Il y a d'autres moyens bien plus efficaces pour estimer les besoins ; on peut le savoir avec des calculs simples, sur la base du nombre de personnes.

On entrevoit mieux, quand c'est sur la Lune, l'ineptie et la bêtise que constitue le fait de faire jouer différents acteurs qui s'amusent à se transférer des valeurs monétaires. L'hôtel achète l'eau, les personnels habitent à l'hôtel, on aurait plus vite fait de trouver un moyen de s'entendre pour ne pas du tout avoir besoin d'argent.

Sur la Lune, on serait vraiment dans une microsociété, idéale pour s'amuser à refonder les principes du système des échanges, sur une connaissance maîtrisée des statistiques des besoins. Je veux dire par là, qu'en partant depuis le début on peut suivre toute l'évolution des besoins et leur complexification, et adapter au fur et à mesure les systèmes qui justifient les transferts [à la place de "échanges"] de biens, ressources ou services.

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Et on peut continuer, que fait cette économie sur la Lune ? S'il y a différents acteurs qui s'accroissent en nombre et en chiffre d'affaire, cet argent vient pourtant de la Terre. Dans ce cas on dira qu'on a "une économie florissante !" (rendre le ton du journaliste extatique) alors qu'en fait c'est une économie sous perfusion.

C'est exactement la même chose avec l'économie mondiale d'ailleurs, tant qu'elle pille les ressource elle se sent en mesure de lutter contre sa propre décadence, c'est pourquoi il faut un taux de croissance toujours positif. Elle ne peut envisager pourtant ce qui est le plus élémentaire, l'autosuffisance, et délimiter les zones humaines des zones sauvages. Contrairement à ce que dit l'adage, l'argent pousse aux arbres, et il suffit de piocher une pomme pour créer de la valeur, qu'il faut soustraire à l'économie globale pour aller l'utiliser ailleurs. En puisant du pétrole, ils amassent des sommes phénoménales de richesses, en échange d'un combustible très légèrement polluant mais ça c'est pas grave.

Ou alors on peut dire que la pomme (ou le baril de jus de pomme) a juste servie comme combustible destructible rapidement, à permettre la circulation de la valeur monétaire d'une main à une autre, ce qui crée une dynamique interne au système. C'est cette dynamique qui fait sa bonne santé. D'ailleurs j'ai toujours pensé (ça fait longtemps que je voulais la placer) qu'il suffirait que les entreprises s'achètent les unes les autres, de façon circulaire, des biens débiles comme une gomme, un stylo-feutre, a prix d'or, plusieurs milliards (c'est légal) de façon à faire circuler l'argent comme dans une sorte de tourbillon de folie. À ce moment-là on dira, dans les journaux criards "Youpi ! le PIB a été multiplié par 10 ! Merci Dav pour cette fantastique idée !".

Je sais, je sais, de rien, mais ce que je voulais montrer c'est à quel point c'est idiot. Les marchandises ne sont que des substrats quelconques (mais vraiment quelconques, on s'en fout s'ils polluent ou nuisent à la santé) qui servent seulement à faire circuler l'argent, qui lui est le principal et même l'unique préoccupation des activités commerciales. En fait les mecs agitent des objets qu'ils se passe dans le dos, sans regarder ce que c'est, en gardant les yeux rivés sur la télé où s'affiche la richesse sous forme de jolies images (c'est la meilleure description du système d'échanges).

Dans la réforme systémique que j'ai proposée, les biens, ressources et services (BRS) sont eux-mêmes les objets sur lesquels on focalise notre attention, étant donné que leur valeur découle des scores qu'ils obtiennent au moment de leur utilisation. Ainsi cela force ces BRS à être constamment de la meilleure qualité possible, ou qu'ils remplissent de préférence les usages les plus profitables possibles. Et du coup, par "profitables", on entend encore et toujours le soucis de la qualité et de l'utilité des BRS. Un des principaux usages attendus est, bien sûr, la satisfaction des droits humains, et des besoins naturels (si on peut les nommer comme ça).

*

Revenons sur la Lune pour admirer la perfidie d'un système d'échanges qui a 1) été pensé pour des petits villages distants qui font du commerce, 2) a culturellement adopté des usages relatifs à la globalisation de procédures qui ne sont pas du tout destinées à être globalisées (car elles ne tiennent pas compte des répercussions par la répétition ou même de la réciprocité des échanges), et qui 3) est nouvellement appliqué à une microsociété.

Alors que, je le redis, les microsociétés sont idéales pour expérimenter de nouvelles choses.

Dans ce cas de "Commerce sur la lune" (le nouveau film de Steven Spielberg) ou encore "la guerre commerciale des étoiles" (de Disney), les gens sont prisonniers d'une planète dont ils ne peuvent s'évader qu'en ayant assez de devises, mais se font dépouiller de toutes leurs piécettes par des distributeur de Coca-Water qui ne marchent pas. Les prix des denrées augmente sans cesse, chaque repas est payant, laver ses vêtements, etc. et bien sûr même l'air est payant. On ne va pas laisser n'importe qui respirer notre bon air frais quand même.

Il y aura d'un côté les employés et les résidents déchus qui voudront des changements "sociaux" et de l'autre le propriétaire de l'hôtel et l'industriel qui s'occupe des atomes d'oxygène et d'hydrogène (combinés ou séparés), et peut-être encore une autre industrie qui s'occupe de l'azote et du CO², ou seulement du carbone et du CO² en partenariat avec Coca-Space.

La question que se posent ces possédants, du sol, des murs, et de toutes les masses autres que les corps humains, devrait normalement tourner autour de "Comment faire pour que les habitants puissent acheter tout ce qu'ils veulent ?". Il s'en moqueraient, que les gens soient riches ou pauvres, puisque de toute manière leur argent est stocké par eux-mêmes, et ils peuvent l'utiliser comme ils veulent. Comme s'ils n'étaient pas là. Il pourraient se dire cela, mais ils sont plus intéressés par cet intriguant "comme s'ils n'étaient pas là".

Et c'est l'étape suivante, il suffit de mettre des robots à la place des résidents, pour que l'économie continue de tourner exactement comme on a envie qu'elle tourne. On dira, sur la Terre, dans les journaux hallucinés : "La lune pulvérise son score de PIB ! C'est génial ! On est tous contents !" alors qu'il n'y reste plus un seul humain encore en vie.

***

La morale de cette histoire, Laurirette, c'est qu'en mettant sa main dans une chaussette et en l'agitant pour lui faire dire des choses, il se peut très bien soudain qu'elle nous révèle des vérités sur nous-mêmes qu'on ne soupçonnaient pas.

C'est en cela que toute évolution est inévitable. Si le monde était tel que le système des échanges le conçoit, il n'évoluerait jamais. Tel qu'il le conçoit et tel qu'il a besoin qu'il soit.

Mais la multiplication des exemples topiques, ou comiques, ou tragicomiques, où s'applique le système des échanges, basé sur un Gulfstream de monnaie tournoyante, et des hommes qui se battent en-desous pour en récupérer les miettes, quitte à n'en avoir plus rien à foutre de tout, de l'avenir de l'humanité, des générations futures, de leur propre liberté, pour finalement se faire remplacer par des robots qui sont quand même plus sympas, est sensé avoir l'utilité, au moins, de mettre en évidence ce qui est fonctionnel et ce qui est idiot.

Par la somme des idioties du système des échanges, on peut facilement entrevoir comment résoudre d'un bloc des millions de problèmes, faciliter la vie des gens, et s'intéresser à ce qui vraiment de l'importance : l'aventure de l'humanité et les défis qu'elle doit relever, que leur propre salut passe par leur simple survie ou qu'il passe par la réalisation de ses rêves les plus fous.

 telex.ovh

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