03/02/2021 tlaxcala-int.org  7 min #185171

Solidarité avec Dimitris Koufodinas, en grève de la faim dans sa prison grecque !

Victoire pour la grève de la faim de Dimitris Koufodinas : entretien avec Ioanna Kurtovic, son avocate

RProject

En ce 29 janvier, 21ème jour de grève de la faim, la santé de Dimitris Koufodinas encourt des risques de dommages irréversibles et sa vie est en danger.

En dépit de cela, le gouvernement demeure intransigeant face au droit évident de Koufodinas à à être transféré à la prison de Korydallos, faisant preuve d'une cruelle tendance à la vengeance. La solidarité avec cette juste demande et l'opposition à l'absolutisme cruel continuent de s'exprimer au moyen de conférences de presse, la collecte de signatures, la Journée d'action d'aujourd'hui (confrontée à la répression, pour ne pas changer) etc. RProject s'est entretenu avec l'avocate de Koufodinas, Ioanna Kurtovic, sur l'importance politique de l'affaire.

Me Kurtovic avec son client

Ce n'est pas la première fois que Dimitris Koufodinas est contraint d'avoir recours à « l'ultime moyen » pour revendiquer des droits évidents. Cinq grèves de la faim en 18 ans de détention. Peux-tu dire quelques mots sur l'historique de son traitement depuis qu'il est en prison ?

Il n'y a pas de doute : D.K. était un détenu particulier. Tant par sa déclaration sur la responsabilité politique que par son attitude au cours du procès, il a remis en cause le plan de gestion du 17Ν qu'avait élaboré le ministre de l'Ordre public de l'époque, qui occupe actuellement le même poste. Il a également contenu l'attaque visant à culpabiliser et à dévaloriser la gauche que nous avons vécue en 2002 avec cette chasse aux sorcières. De même, de par son attitude dans la prison, il attirait l'appréciation des codétenus et du poersonnel, ce qui bouleversait également les plans de traitement particulier des mis en cause dans le procès de 17N. Ce sont des choses impardonnables.

Il est resté durant 16 ans dans le sous-sol spécialement bâti pour le 17N et, ces 2 dernières années, il a été transféré en prisons rurales. Et, ça, pour d'aucuns, c'était impardonnable.

Venons-en à la grève de la faim actuelle. Un acte légal « photographique » est pris qui l'éloigne des prisons rurales. À lui seul, c'est un monument à l'esprit de vengeance. Et il lui faut mettre sa vie en danger pour que soient appliquées correctement ne fut-ce que les dispositions de cet acte ! Quelle en est la justification ? Sommes-nous en recul concernant même ce que l'on appelle les « droits évidents de la république bourgeoise » ?

En Grèce, nous ne disposons pas de Cour constitutionnelle. Si nous en avions une, cette loi n'aurait pas pu être appliquée. Mais, la Justice a, elle aussi, besoin d'un environnement différent pour fonctionner. Lorsque le système politique déraille, la Justice ne fonctionne pas, non plus. Alors, cessent également d'exister les droits évidents, même ceux de la république bourgeoise. Les magistrats de Volos qui ont mis fin à la permission de D.K. en dépit de l'arrêt de l'Arios Pagos (Cour de Cassation grecque), ont-ils agit avec un sens du droit ? Les procureurs qui, après lui avoir accordé 3 fois une permission, ont été contraints de la rejeter, ont-ils agi selon leur conscience ?

Il existe une contradiction. La propagande étatique et celle des médias s'efforce de retirer toute qualité politique à Dimitris Koufodinas. Ils insistent qu'il s'agit d'un « criminel du droit commun ». Mais, peut-on se demander, l'État réserve-t-il pareil traitement particulier et vengeur à chaque « criminel du droit commun » ?

Cellules spéciales, prisons spéciales, lois spéciales, traitement spécial, violations évidentes, manipulation des juges, déclarations du premier ministre avant et après son élection concernant spécialement ce détenu, efforts énormes de diffamation et de dévalorisation. Et, aujourd'hui, on le pousse aux limites biologiques ultimes. Il ne s'agit pas de traitement d'un détenu commun mais bien de celui d'un adversaire politique.

Le cycle du 17N est fermé et c'est Koufodinas lui-même qui l'a fermé. En pratique, lorsqu'il s'est lui-même rendu aux autorités et, de façon plus symbolique, lorsqu'il rédigea son « bilan ». J'ai le sentiment que la majorité des États qui ont traité cruellement les organisations armées par le passé, ont à un moment donné accepté qu'un « cycle s'était fermé », avec tout ce que cela impliquait pour la possibilité pour les anciens membres d'organisations dorénavant non actives - et pour tous ceux qui n'avaient pas renié leur passé - de poursuivre leur vie, dans la politique, dans les mouvements, en tant qu'individus. Aurais-tu une meilleure image de l'expérience internationale ?

Les mouvements de guérilla urbaine qui se sont multipliés en Europe dans les années 1970 s'adressaient à un auditoire plus ou moins positivement disposé. En Grèce, il s'est produit la même chose qui fut également alimentée, je pense, par l'environnement que créa la première période de rétablissement de la démocratie, après la dictature des colonels, le vécu de la résistance contre celle-ci, mais aussi celui de l'occupation, des mouvements de libération nationale qui menaient des luttes dans différentes régions de la planète. Ces phénomènes, avec ces caractéristiques, avaient depuis longtemps fait leur cycle. En Grèce, ce cycle a pris du temps pour se refermer. D.K. a plusieurs fois abordé cette question.

En fait, la publication de son livre a fait scandale. "On" a considéré que, placer les « mémoires d'un homme dont les mains sont maculées de sang » en rayon de librairie était une provocation. Peu importe si ces librairies sont pleines des mémoires de « grands » « dirigeants » militaires ou politiques dont les mains sont maculées de beaucoup plus de sang et qui, loin d'avoir été sanctionnés, ont été décorés. Du point de vue moral, en termes de respect envers la vie humaine, ce monde - qui octroie et qui reçoit les décorations- a-t-il le droit de juger Koufodinas ?

On a, tous, le droit de juger et nous avons également le droit de les juger. Lorsque l'ouvrage est paru, un membre de la famille qui maintient les traditions dans la vie politique du pays avait déclaré, en privé, que ce n'était pas l'ouvrage qui le dérangeait, mais son éditeur. On allait le détruire, dit-il. Et je pense que, effectivement, à ce moment-là, l'éditeur Livanis s'est trouvé en situation difficile. C'est le fait de museler la parole et la guerre orale qui me font peur. Pas la critique.

La tentation d'expliquer tout ce que vit D.K. par référence aux intentions d'une famille et d'une ambassade [celle des USA] est particulièrement grande - et fondée. Mais, au-delà de cela, il a tout un système qui s'aligne sur eux dans la direction de son élimination. Un libéral honnête aurait honte de tout ce qui se passe. Que dit du système politique grec, ce silence, voire, ce consensus animé par l'esprit de vengeance ?

D.K. est un cas distinct. Mais, il est également un exercice de conformité. En cette période cruciale que nous traversons, la société est appelée à faire preuve de discipline, à s'entraîner à l'obéissance et à la peur, à accepter et assimiler la répression, à participer à des phénomènes inédits de délation. Nous vivons un tournant vers le conservatisme et une crise de valeurs. La demande de plus de prison, de peines plus strictes, de prison pire (sic) imbibe dorénavant même des consciences démocrates. Voyez avec quelle facilité nous acceptons que des gens soient traînés en menottes à côté de nous, combien nous acceptons, sans broncher, que l'on montre à la télévision des centaines de fois dans une journée une personne que l'on traîne avec un vêtement sur la tête, pliée, humiliée sous la tête d'un homme en uniforme, alors qu'on lui a passé les menottes dans le dos. Et nous ne réagissons pas, nous ne sommes pas indignés.

Que demandez-vous à l'État et qu'attendez-vous aujourd'hui ?

Le ministère prétend être victime de chantage. Le prisonnier fait du chantage à la bête qui lui ronge les chairs. Il ne supplie personne. Chacun assume ses responsabilités et subit les conséquences de ses actes. Aussi bien celui qui fait la grève de la faim que ceux qui, aujourd'hui, le poussent à la mort ou au handicap.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  rproject.gr
Publication date of original article: 29/01/2021

 tlaxcala-int.org

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