C'est un ultime appel à améliorer les conditions de vie des migrants vivant à Calais et Grande Synthe. Depuis lundi 11 octobre, Anaïs Vogel, 35 ans, Ludovic Holbein, 38 ans, et le père Philippe Demeestère, 73 ans, ont entamé une grève de la faim pour réclamer "l'arrêt de la maltraitance des personnes exilées dans le Calaisis".
Installée depuis 8 mois à Calais, Anaïs Vogel, bénévole, comme Ludovic, pour l'association Shanti, assure à InfoMigrants avoir observé une "escalade de la violence inouïe". "Là, ce n'est plus possible... Il y a des expulsions tous les jours, les personnes sont gazées, humiliées. L'État se radicalise et la violence engendre la violence", dénonce-t-elle.
Parmi les éléments qui participent à la dégradation de la situation, selon les militants : l'installation de rochers sur un lieu de distribution de Coquelles afin d'empêcher les associations de fournir de la nourriture aux exilés. "Des interdictions se sont multipliées ensuite sur l'ensemble des lieux de vie des personnes, rendant illégales toute distribution", précisent les grévistes dans un communiqué.
Un nouveau drame a également eu lieu près de Calais, fin septembre. Un jeune Soudanais de 16 ans a été tué en chutant d'un camion. "Des amis à lui ont assisté à sa mort et, quand ils sont revenus vers leur campement, ils se sont fait détruire leurs affaires", affirme Anaïs Vogel.
Face à cette situation, les grévistes réclament la "suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale", "l'arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées durant cette même période", "l'ouverture d'un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l'État, portant sur l'ouverture et la localisation de points de distribution de tous les biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées".
"On ne sait pas jusqu'où on va devoir aller"
Les trois militants resteront dans l'église Saint-Pierre de Calais durant leur grève de la faim et prévoient de consommer de l'eau et de la tisane. "Pour le moment ça va. Il y a des journalistes qui viennent, des bénévoles, des Calaisiens, des amis. Des médecins passent aussi tous les jours vérifier notre état de santé", explique Anaïs Vogel.
"On ne sait pas jusqu'où on va devoir aller, concède la jeune femme. On nous a dit que c'était fou de devoir faire une grève de la faim pour demander que des gens ne se fassent pas détruire leurs affaires".
Selon elle, les exilés eux-mêmes ont été surpris d'apprendre cette initiative. "Ils ne pensaient pas qu'on pourrait en arriver là. L'atteinte à son corps dans certaines religions n'est pas forcément bien vue, mais des gens sont aussi venus nous remercier."
Le 7 octobre, Human Rights Watch avait dénoncé dans un nouveau rapport "le traitement dégradant des enfants et adultes migrants dans le nord de la France". Expulsions à répétition, difficultés d'accès à la nourriture et à des sanitaires, violences... La réponse aux besoins primaires est devenue "un combat quotidien", alertait HRW, dénonçant des "pratiques abusives [qui] s'inscrivent dans une politique de dissuasion plus globale des autorités, visant à supprimer ou à éviter tout ce qui pourrait, à leurs yeux, attirer les migrants dans le nord de la France".