28/07/2022 infomigrants.net  4 min #212855

Le Conseil d'État valide le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures françaises

Image d'un contrôle de police à la frontière française. Crédit : Reuters

C'est une déception pour les associations, qui pensaient cette fois avoir gain de cause. Le Conseil d'État a validé mercredi 27 juillet le principe de rétablissement permanent du contrôle aux frontières intérieures de la France.

"Bonne nouvelle ! (...) Ces contrôles sont nécessaires pour prévenir au maximum le risque terroriste et contrôler les flux migratoires", s'est réjoui le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin sur Twitter.

Bonne nouvelle ! Le Conseil d'Etat valide le maintien par la France de contrôles aux frontières intérieures de l'Union européenne. Ces contrôles sont nécessaires pour prévenir au maximum le risque terroriste et contrôler les flux migratoires.

La plus haute juridiction avait été saisie par plusieurs organisations de défense des migrants, dont l'Anafé, qui reprochent à la France de rétablir tous les six mois, depuis 2015, les contrôles aux frontières dans un espace Schengen fondé sur la libre circulation. Selon les associations, Paris a fait d'une mesure exceptionnelle la norme, au mépris du droit européen.

À l'appui de leur requête, les militants estimaient que la France avait échoué à justifier de "menaces nouvelles", comme le stipule le règlement, et n'apportait pas de motivation suffisante en faveur de cette prolongation.

Le gouvernement "a pu légalement décider de renouveler le contrôle aux frontières intérieures"

"[En 2015], le rétablissement des contrôles aux frontières se justifiait au regard du code frontière Schengen avec une menace terroriste imminente et l'organisation de la COP 21. Mais à un moment, cette situation n'est plus exceptionnelle et la solution, c'est la coopération entre États membres. C'est ce que prévoit le texte du code. C'est ce qui aurait dû amener la France à suspendre les contrôles", expliquait début mai à InfoMigrants Serge Slama, professeur de droit public à l'université Grenoble-Alpes.

Mais pour le Conseil d'État, "les éléments nouveaux" motivant la demande française sont bel et bien justifiés. Parmi ces "éléments", le gouvernement avait listé "le risque accru de retour de combattants terroristes en provenance d'Irak ou de Syrie lié à l'instabilité sécuritaire dans la région" notamment après l'attaque de la prison d'Hassaké dans le nord-est syrien le 20 janvier 2022, "l'augmentation du nombre d'appels à commettre des attentats émanant de mouvements terroristes islamistes", ou encore le verdict du procès des attentats du 13 novembre 2015. Côté sanitaire, le gouvernement s'est fondé sur "l'arrivée de nouveaux variants dominants du Covid-19".

Contrôles #Schengen : A rebours complet du droit de l'Union, le @Conseil_Etat refuse d'annuler l'énième prolongation des contrôles aux frontières intérieures par le @gouvernementFR.
Il se borne à identifier une "menace renouvelée", alors que la #CJUE exige une "nouvelle menace".

Important (#Schengen) : La #CJUE juge qu'un Etat ne peut réintroduire de contrôles aux frontières intérieures durant plus de 6 mois & ne peut prolonger que si *nouvelle* menace distincte.
Or, depuis novembre 2015, la #France prolonge continuellement, sans nouvelle menace...

D'après le Conseil d'Etat, une menace peut être considérée comme nouvelle "soit lorsqu'elle est d'une nature différente de celles des menaces précédemment identifiées, soit lorsque des circonstances et événements nouveaux en font évoluer les caractéristiques dans des conditions telles qu'elles en modifient l'actualité, la portée ou la consistance".

En somme, le gouvernement "a pu légalement décider, pour parer le plus efficacement possible à ces menaces nouvelles, de renouveler le contrôle aux frontières intérieures pour une nouvelle période de six mois", écrit le Conseil d'État.

"Le Conseil d'État s'oppose de manière frontale" au droit européen

Une décision incompréhensible pour l'Anafé. "C'est ahurissant", a réagi auprès d'InfoMigrants sa directrice Laure Palun.

Les associations tombent de haut. Fin avril, un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) leur avait pourtant donné espoir en jugeant cette disposition illégale. Pour cette Cour, les États membres de l'espace Schengen ne peuvent réintroduire de contrôles aux frontières, en cas de menace, que pour une période de six mois. La mesure peut toutefois être prolongée, mais à condition qu'une nouvelle menace, distincte de la précédente, l'impose.

"Or, là, on met encore en avant la menace terroriste ou la crise sanitaire. Il n'y a rien de nouveau", constate Laure Palun. "Le Conseil d'État s'oppose de manière frontale à la CJUE, et vole au secours du gouvernement", affirme la militante.

Le verdict du Conseil d'État étonne aussi les spécialistes du droit. La haute juridiction "se borne à identifier une 'menace renouvelée' alors que la CJUE exige une 'nouvelle menace'", insiste sur Twitter le juriste Nicolas Hervieu. "Le Conseil d'État expose la France à une possible condamnation pour manquement au droit de l'Union européenne", pense-t-il.

Les associations n'ont pas dit leur dernier mot. Elles réfléchissent à d'autres actions en justice pour mettre fin à ces contrôles "qui violent le droit européen".

En 2017 et 2019, ces mêmes associations avaient déjà déposé des recours devant le Conseil d'État pour tenter de faire annuler des prolongations de contrôles aux frontières, en vain. En 2018, l'Anafé et le Gisti avaient également porté plainte contre les autorités françaises devant la Commission européenne au sujet de ces contrôles illégaux aux frontières, mais celle-ci est restée sans réponse.

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