30/07/2022 infomigrants.net  5 min #212964

Paris : un tribunal refuse d'ouvrir les centres pour déplacés ukrainiens aux autres migrants

Plusieurs centaines de personnes, dont des femmes enceintes et des nourrissons, se sont installées début juillet dans un campement à Bagnolet. Les lieux ont été évacués le 18 juillet 2022. Crédit : InfoMigrants

Les centres d'accueil pour Ukrainiens resteront accessibles seulement aux Ukrainiens. Le tribunal administratif de Paris a rejeté, jeudi 28 juillet, une requête des associations Utopia 56 et Médecins du Monde (MdM) visant à "ouvrir les centres d'hébergement d'urgence dédiés aux déplacés ukrainiens à Paris à l'ensemble des personnes en situation de très grande précarité, quelle que soit leur nationalité ou pays d'origine".

"Ce dispositif [les centres pour déplacés ukrainiens, ndlr] est spécifique de manière à ne pas saturer les dispositifs de droit commun de l'hébergement d'urgence", a argué le tribunal. "Les requérantes (...) n'apportent pas la preuve d'une carence manifeste des différentes autorités compétentes s'agissant des dispositifs de droit commun d'hébergement d'urgence destinés aux populations susceptibles d'en bénéficier."

La juge a statué, si elle reconnaît que nombre de personnes vulnérables dorment à la rue, elle n'y voit pas de carence de @Prefet75_IDF et @Interieur_Gouv. La logique là dedans? Avec @MdM_France et @DjemaounSamy nous étudions la possibilité de faire appel. https://t.co/fU8dF3aUUb

Pour mettre fin aux doubles standards des politiques migratoires menées par @Interieur_Gouv & @Prefet75_IDF, nous saisissons au côté de @MdM_France le juge des référés liberté. L'audience se tiendra à 15h00, aujourd'hui 26 juillet au tribunal administratif de Paris ⤵️

En d'autres termes, les associations n'ont pas prouvé, a estimé le tribunal, que les dispositifs d'hébergement d'urgence - c'est-à-dire ceux liés au numéro d'urgence 115 - étaient saturés.

"C'est du racisme, il faut oser dire les mots"

Les militants sont déçus mais ne baissent pas les bras. "Cette décision n'a rien d'étonnant mais on va se battre jusqu'au bout pour mettre en lumière la réalité de la non-prise en charge des gens", tempête Yann Manzi, fondateur d'Utopia 56, joint par InfoMigrants.

La requête d'Utopia 56 et de MdM se basait sur le constat, d'une part, que des places vacantes sont disponibles dans des centres d'hébergement dédiés aux réfugiés ukrainiens et, d'autre part, que "des centaines de personnes", dont des enfants et des femmes enceintes, se retrouvent chaque soir contraintes de dormir à la rue en Île-de-France.

La juge reconnaît l'absence de solutions de logement pour les personnes vulnérables & la vacance des places dans les centres d'accueil dédiés aux exilés ukrainiens.
Pourtant, elle n'y voit pas de carence de la part de @Prefet75_IDF et @Interieur_Gouv...
Places vacantes dans les centres d’accueil dédiés aux déplacés ukrainiens : pas de doubles standards selon la juge des référés. - Médecins du Monde
Places vacantes dans les centres d’accueil dédiés aux déplacés ukrainiens : pas de doubles standards selon la juge des référés. Places vacantes dans les centres d’accueil dédiés aux déplacés ukrainiens : pas de doubles standards selon la juge des référés. Le 25 juillet 2022, Utopia 56 et Médecins du Monde ont saisi le juge des […]
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"Ces menteurs de l'État nous disent pendant des années qu'il n'y a pas de places et, en quelques mois, ils en trouvent 100 000 pour les Ukrainiens, continue Yann Manzi. Ce n'est pas qu'il n'y a pas de place, en fait, c'est une volonté politique et c'est du racisme. Il faut oser dire les mots. La montée de l'extrême-droite dans notre pays fait faire à nos gouvernements n'importe quoi."

Dans un  communiqué publié par les associations requérantes, ces dernières estiment qu'"entre le 14 juin et le 20 juillet 2022, sur les 1 179 demandes [de logement] faites à Utopia 56,66 % sont restées sans solution d'hébergement".

"Tous les soirs, on rencontre des familles, des couples, des femmes seules, des enfants qui dorment à la rue, explique Clara Agnello, coordinatrice d'Utopia 56 à Paris, contactée par InfoMigrants. "Ces personnes appellent le 115 toute la nuit et on ne leur propose pas de solution. C'est la réalité de beaucoup de gens."

"Centre sous-occupé"

Dans le même temps, depuis plusieurs semaines le centre d'accueil pour déplacés ukrainiens de la porte de Versailles est "sous-occupé", pointent les associations. Sur les 600 places disponibles, très peu sont occupées chaque soir.

Des centaines de lits de camp sont vides dans le centre de la porte de Versailles. Crédit : La Chapelle debout

Le 17 juillet, environ  400 personnes avaient investi la structure du sud de Paris pour dénoncer la différence de traitement entre les personnes ayant fui l'invasion russe en Ukraine et les migrants d'autres nationalités. Les premiers sont hébergés par l'État via des dispositifs exceptionnels et bénéficient d'une protection temporaire de six mois renouvelables.

Dans un communiqué, les militants et les exilés avaient dénoncé des "pratiques d'apartheid" et des logiques "racistes".

La gronde ne se limite pas aux associations. Plusieurs élus parisiens ont aussi fait part de leur incompréhension. Mi-juin, la ville de Paris avait ouvert un gymnase pour y mettre à l'abri  une centaine de familles africaines dormant dehors, après avoir essuyé une fin de non-recevoir de la préfecture d'Ile-de-France. Celle-ci avait refusé de loger les femmes et les enfants dans le centre de la porte de Versailles, qui disposaient pourtant d'un important nombre de places vacantes.

Même colère dans la région de Calais, où  les associations se sont insurgées contre la "discrimination" envers les migrants, cantonnés aux campements sauvages pendant parfois des mois, quand les déplacés ukrainiens sont, eux, logés en hébergements d'urgence.

Suite au rejet de ce jeudi, les associations ont affirmé vouloir faire appel de la décision devant le Conseil d'État.

 infomigrants.net

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