Lauriane Bernard, France-Soir
L'obligation vaccinale pour les personnels soignants perdurait depuis septembre 2021.
AFP/Archives - CLEMENT MAHOUDEAU
Il aura fallu attendre 561 jours. Ce jeudi 30 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a préconisé la fin de l'obligation vaccinale pour les soignants. Selon l'instance sanitaire, cette décision est rendue "sur la base d'éléments strictement médicaux et scientifiques". La France est pourtant le dernier pays européen à s'être privé de milliers de personnels de santé, vis-à-vis d'un vaccin qui n'a jamais empêché la transmission du Sras-CoV 2. Le bilan sanitaire et social est lourd : incompréhension, vocations détruites, paupérisation de familles entières, départs à l'étranger, suicides...
En mai 2022, selon une étude menée par la Fédération hospitalière de France (FHF), et actualisée en septembre, environ 4 000 personnels du secteur sanitaire et médico-social sont toujours suspendus de leur fonction depuis le 15 septembre 2021, pour avoir refusé de se faire vacciner avec les 3 premières doses de vaccin contre le Covid-19.
Le statisticien et analyste Pierre Chaillot ( Décoder l'Eco) a déjà eu l'occasion de contester cette estimation dans nos colonnes, et considère que le chiffre devrait être revu bien à la hausse.
"Ces recommandations sont rendues sur la base d'éléments strictement médicaux et scientifiques (...) le message devra être clair, car les antivax vont bondir"
La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise désormais "non plus une obligation, mais une recommandation forte de la vaccination des professionnels contre le Covid-19".
Dans un communiqué, l'instance de santé précise avoir "pris en compte les données épidémiologiques, la couverture vaccinale de la population générale et des professionnels, la disponibilité des vaccins et les dernières données d'efficacité et de sécurité", pour fonder sa décision.
Elle avait également lancé une consultation publique du 20 février au 3 mars 2023 afin "enrichir sa recommandation définitive" qu'elle a finalement rendue hier.
Si la HAS insiste sur l'efficacité importante de la vaccination contre le Covid-19 pour éviter "les formes graves et la mort", elle reconnaît que "la protection contre l'infection et/ou les formes symptomatiques diminue significativement au bout de quelques semaines selon l'apparition de variants échappant à la protection immunitaire, quel que soit l'âge des personnes".
De plus, les experts soulignent que "si certains pays à travers le monde ont mis en place, à différentes périodes et pour différentes catégories de professionnels, des obligations de vaccination, la plupart de ces obligations ont été supprimées ou sont suspendues".
La France est ainsi le dernier pays européen à maintenir la mesure.
Pourtant, Dominique Le Guludec, la présidente de l'autorité sanitaire, n'en démord pas : "Ces recommandations sont rendues sur la base d'éléments strictement médicaux et scientifiques". "Le message devra être clair, car les antivax vont bondir. Mais maintenir l'obligation vaccinale des soignants sans obligation de rappel en population générale n'aurait pas beaucoup de sens", poursuit de son côté l'immunologue Stéphane Paul, membre de la Commission technique des vaccinations de la HAS.
Et maintenir des milliers de soignants non-vaccinés sans emploi en aurait-il beaucoup plus ? Contrairement à ce que la HAS veut faire croire, d'autres critères que la science sont entrés en jeu depuis septembre 2021.
Vers une réintégration du personnel suspendu ?
"Un décret sera pris" à cette fin de réintégrer les personnels, après concertation avec les fédérations hospitalières et les ordres de santé, a annoncé hier le ministre de la Santé, François Braun.
En février 2023, le gouvernement a saisi l'avis de la HAS et, en parallèle, celui du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) afin de l'éclairer sur la question de l'obligation vaccinale du personnel soignant.
Si la HAS vient de rendre sa recommandation, ce n'est pas encore le cas pour le CCNE, l'instance chargée de mesurer "l'acceptabilité" de la réintégration du personnel suspendu.
Mais Le ministre de la Santé ne l'aura finalement pas attendu et annonce d'ores et déjà travailler à la réintégration de ces agents. Preuve s'il en est que le sort réservé aux soignants suspendus a toujours été entre les mains du politique.
Le ministre Braun l'a avoué lui-même à la tribune de l'Assemblée nationale le 25 novembre 2022 : "Quel signal voulons-nous envoyer aux personnes qui étaient là en première ligne et qui se sont vaccinées ?"
Prétendre que les soignants non-vaccinés contre le Covid-19 ont subi plus de 500 jours de suspension pour des raisons uniquement scientifiques, c'est prétendre que le monde politique n'a aucune responsabilité dans ce qui leur est arrivé.
Ces soignants doivent être réhabilités dans leurs fonctions, mais la question de leur indemnisation, liée à leurs salaires non-perçus, doit aussi être posée.
Combien d'entre eux ne vivent plus décemment depuis septembre 2021 ? Combien d'entre eux ont été reclassés, se sont expatriés, ont été forcés de démissionner ou de partir en retraite anticipée ? ou pire encore, combien d'entre eux se sont suicidés ?
Prétendre que les soignants non-vaccinés contre le Covid-19 ont subi plus de 500 jours de suspension pour des raisons uniquement scientifiques, c'est prétendre qu'ils n'ont pas le droit à réparation.
La rédaction de France-Soir leur renouvelle tout son soutien.