25/04/2023 infomigrants.net  4 min #227584

Opération Wuambushu à Mayotte : la destruction d'un bidonville suspendue par la justice

Des blindés de la gendarmerie à Mayotte. Crédits : Romain Philips/InfoMigrants

Alors que près de 1 800 gendarmes s'apprêtaient à lancer l'opération d'expulsion de migrants à Mayotte, ce mardi, les juges ont annulé in extremis la décision de destruction du bidonville "Talus II", à Koungou. La veille, un premier bateau qui raccompagnait une soixantaine de sans-papiers vers les Comores, à 70 km de Mayotte, n'a pas pu accoster dans le port.

À peine commencée, la grande opération de destruction de bidonvilles et d'expulsion de migrants à Mayotte est déjà compromise. Ce mardi 25 avril, au petit matin, le préfet du 101e département français a reçu l'interdiction des juges des référés de procéder à la destruction du bidonville "Talus II", situé à Koungou, à proximité de la capitale, Mamoudzou. Dans son arrêt, le tribunal judiciaire de Mamoudzou évoque l'existence d'une "voie de fait".

#Mayotte À quelques heures du lancement de l'opération, la justice a annulé l'opération dans le quartier de Talus II, à Majicavo

"Le préfet de Mayotte prend acte de la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou. Il a demandé aux avocats de l'État de faire appel", a indiqué à l'AFP la préfecture de Mayotte.

"Je suis trop contente, on a été au tribunal, on a gagné, rien ne va être détruit, enfin du repos", a déclaré de son côté Mdohoma Hadja, 33 ans, habitante du quartier pointant les mains en l'air en signe de joie vers le ciel, alors qu'un hélicoptère de la gendarmerie survolait la zone. "C'est vrai le terrain ne nous appartient pas, il appartient au conseil général, mais il nous ont laissés rester ici", a ajouté un autre habitant.

Nombreux affrontements et tirs à balles réelles constatés

La France a essuyé un second échec la veille. Un premier bateau qui raccompagnait une soixantaine de migrants vers l'île comorienne d'Anjouan, située à 70 km de Mayotte, n'a pas pu accoster dans le port.  Selon France 2, le port était fermé pendant trois jours, officiellement pour raison de travaux. Le préfet a dit espérer "reprendre rapidement" les rotations de bateaux vers cette île.

Un habitant de Mayotte marche dans la fumée d'une barricade sur la route nationale, à Majicavo, mardi 25 avril. Crédits : Romain Philips/InfoMigrants

L'ambiance reste tendue sur l'île. Peu avant 6h, ce mardi, des affrontements entre les forces de l'ordre et des habitants des bidonvilles, notamment les plus jeunes, ont éclaté à Koungou, dans le bidonville "Majicavo Dubaï". Des barricades de poubelles et pneus avaient été installés tout le long de l'axe principal de l'île menant au secteur. Si les forces de l'ordre ont pour l'instant surtout fait usage de gaz lacrymogène, de grenades de désencerclement et de tirs de LBD pour disperser les opposants,  des journalistes du Monde ont aussi constaté dimanche des tirs à balle réel "vers le sol et pour faire fuir" les assaillants, ce qui témoigne de la tension sur place.

Près de 1 800 policiers et gendarmes ont été déployés ces derniers jours dans l'archipel pour cette opération à haut risque qui vise à expulser plusieurs milliers de migrants, principalement Mahorais.

Affrontements en cours à l'entrée de Majicavo. #Wuambushu #Mayotte
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Une opération jugée "brutale" et "anti-pauvres"

Des collectifs s'étaient mobilisés ces derniers jours pour dénoncer l'opération Wuambushu. L'association Droit au logement (DAL) avait déjà demandé ce dimanche au gouvernement d'abandonner cette "brutale" opération qualifiée d'"anti-pauvres" : "On résorbe l'insalubrité non plus en relogeant les habitants de quartiers informels, mais en les stigmatisant pour mieux justifier leur expulsion", a-t-elle déclaré dans un communiqué. De son côté, le collectif "Uni-e-s contre une immigration jetable" (UCIJ-2023), qui réunit 400 associations et syndicats, a dit lundi craindre "des violences et atteintes au droit".

Département français depuis 2011, l'île de Mayotte est particulièrement touchée par l'immigration en provenance des Comores. De nombreux migrants africains, surtout comoriens, tentent chaque année de rallier clandestinement Mayotte. Ces traversées hasardeuses prennent souvent une tournure dramatique avec des naufrages de "kwassa kwassa", petites embarcations de pêche à moteur utilisées par les passeurs. Près de 23 724 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l'an dernier à Mayotte, soit 78% de plus qu'en 2020, selon la préfecture.

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