22/05/2024 infomigrants.net  5 min #249097

La Finlande présente son projet de loi pour bloquer l'arrivée de migrants depuis la Russie

Des garde-frontières finlandais escortent des migrants arrivant au poste frontalier Raja-Jooseppi à Inari, en Finlande, le 25 novembre 2023. Crédit : Reuters

C'est un texte qui vise à autoriser les garde-frontières finlandais à refouler des migrants arrivés dans le pays depuis la Russie. Le gouvernement conservateur de Finlande a dévoilé mardi 21 mai son projet de loi sur la gestion des arrivées de migrants. Le texte a été établi en réaction à l'afflux de demandeurs d'asile orchestré, selon Helsinki, par la Russie.

Le Premier ministre Petteri Orpo a déclaré que de nouveaux instruments légaux étaient nécessaires après l'arrivée l'automne dernier de quelque 1 000 migrants sans visa en provenance du territoire russe.

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La Russie et la Finlande partagent une frontière terrestre longue de 1 340 kilomètres et  Helsinki accuse Moscou d'avoir organisé l'arrivée de ces migrants, ce que les autorités russes démentent.

L'État nordique, membre de l'Union européenne (UE),  a fermé sa frontière avec son grand voisin à la mi-décembre. Depuis,  cette fermeture a été prolongée plusieurs fois et début avril, le gouvernement a annoncé qu'elle le serait "jusqu'à nouvel ordre".

Le projet de loi a pour objectif de faire face à l'instrumentalisation de la migration, et de "contrer la pression exercée sur la Finlande", a souligné Petteri Orpo.

Le texte prévoit en particulier que dans certaines zones frontalières, la Finlande pourrait refuser de réceptionner les demandes d'asile pendant une durée d'un mois maximum, afin d'endiguer l'arrivée de migrants sans papiers.

"Migrant instrumentalisé"

Seuls certains groupes de demandeurs d'asile, tels que les mineurs ou les personnes handicapées, seraient alors autorisées à déposer leur dossier dans ces zones, et ce à la discrétion des garde-frontières. Les autres seront expulsés "en premier lieu par une injonction, renforcée par la force si nécessaire", a précisé Sanna Palo, responsable des questions juridiques au sein du ministère de l'Intérieur. Un "migrant instrumentalisé" entré en Finlande "serait expulsé du pays sans délai", a en outre souligné le gouvernement.

Pour ce cas spécifique, le gouvernement devra prendre une décision basée sur la "situation tout à fait exceptionnelle", à partir de "la connaissance ou de soupçons justifiés" sur le fait qu'un État étranger tente de menacer la souveraineté et la sécurité nationale de la Finlande, a-t-il ajouté. Cela nécessiterait également l'aval du président du pays.

Les détracteurs de cette proposition de loi estiment qu'elle viole les accords internationaux et les obligations de la Finlande en matière de droits humains, inscrites dans la Constitution.

Début mai, Tuomas Poysti, chancelier de justice dont le rôle est de veiller à la légalité des décisions du gouvernement, a dit qu'il serait difficile de mettre en œuvre cette loi pour cette raison. Pour qu'elle soit adoptée, la loi doit obtenir la majorité des votes (les cinq sixièmes) au Parlement finlandais.

Pression sur l'UE

Dès juin 2022, Helsinki avait envisagé  de construire un mur le long de sa frontière avec la Russie, craignant que Moscou n'organise un flux migratoire vers le pays, en réaction au soutien finlandais à l'Ukraine. Mais pour Damien Simonneau, maître de conférences à l'Inalco et spécialiste des sécurités frontalières, interrogé par InfoMigrants, le risque d'arrivées massives de migrants depuis la Russie est exagéré. Pour lui, "la Finlande a surtout un 'imaginaire migratoire' en tête". Elle estime que l'immigration est le talon d'Achille de l'UE. "Elle prend en compte ce qu'il s'est passé en Biélorussie ou en Grèce ces dernières années et vit dans la projection de la même menace", développe l'universitaire.

En mars 2020,  le régime d'Erdogan avait en effet laissé passer des dizaines de milliers de migrants en Grèce via la frontière terrestre de Kastanies pour faire pression sur l'UE. L'année suivante, en 2021, des milliers de migrants s'étaient pressés  aux portes de la Pologne et de  la Lituanie en provenance de Biélorussie - pays allié de la Russie.

Depuis début août 2023, les autorités finlandaises assurent néanmoins que près de 1 000 demandeurs d'asile sans-papiers, originaires de Somalie, du Yémen ou encore d'Irak, se sont présentés aux postes-frontières séparant les deux pays, pour entrer en Finlande. Un volume inhabituel pour le petit pays nordique de 5,5 millions d'habitants, qui comptabilise d'ordinaire plutôt une dizaine de demandeurs d'asile chaque mois à cette frontière.

En janvier dernier, Helsinki estimait  qu'entre 2 000 et 3 000 migrants étaient bloqués dans la zone frontalière entre la Russie et la Finlande.

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