24/03/2025 ssofidelis.substack.com  26min #272636

 Forte mobilisation à New York pour la libération de l'étudiant palestinien de Columbia

Ils sont d'abord venus pour Mahmoud Khalil

Par  Meghnad Bose & deux étudiants de Columbia, le 23 mars 2025

Soudainement propulsé sous les feux des projecteurs médiatiques, entre accusations et éloges, Mahmoud Khalil est devenu un symbole de la menace urgente qui pèse sur le Premier Amendement et la liberté d'expression aux États-Unis. Pourtant, peu d'informations ont été publiées sur la vie de Mahmoud Khalil, qui il était avant que l'administration Trump ne le traite comme un ennemi public et un bouc émissaire en pleine répression des défenseurs de la cause palestinienne.

Drop Site News s'est entretenu avec une dizaine de personnes proches de cet homme de 30 ans, notamment ses amis, ses compagnons de manifestation, ses camarades de promotion, ses anciens collègues et ses professeurs, afin de dresser un portrait plus complet de lui et des événements survenus sur le campus de Columbia. L'épouse de Mme Khalil, Noor Abdalla, a également fourni des photographies de leur vie commune. L'article qui suit retrace son parcours, de réfugié de 18 ans au Liban apprenant l'anglais en autodidacte grâce à des tutoriels YouTube, à négociateur principal au cœur d'un campement historique à Columbia qui a déclenché un mouvement de protestation mené par des étudiants, encourageant les campements à travers le monde en solidarité avec Gaza.

Les entretiens révèlent des détails inédits sur les heures qui ont précédé son arrestation, le respect avec lequel ses amis juifs décrivent sa solidarité contre l'antisémitisme, et la manière dont il a contribué à la communauté étudiante de l'université Columbia. Malgré la discrimination dont il est victime en raison du racisme anti-palestinien dans son établissement, l'histoire de M. Khalil, telle que rapportée ci-dessous, dépeint un jeune homme fermement engagé dans la solidarité avec des personnes de tous horizons.

La veille de son arrestation, l'administration Trump a annoncé l'annulation du financement fédéral de 400 millions de dollars à l'université. Le 13 mars, le gouvernement a ensuite présenté une liste d'exigences très strictes comme "condition préalable" au financement fédéral. Le 21 mars, Columbia s'est conformée à plusieurs de ces exigences, allant de la révision des politiques et procédures de sécurité sur le campus permettant de procéder à des arrestations, en passant par la description détaillée de mesures punitives pour le port de masques et le refus de s'identifier lors de manifestations sur le campus, jusqu'à la modification du fonctionnement et de l'indépendance du département incluant les études sur le Moyen-Orient.

Meghnad Bose a rapporté cette histoire avec deux étudiants journalistes de l'université de Columbia. Ils ont choisi pour l'instant de ne pas être nommés en raison de craintes accrues pour leur sécurité. De même, par crainte des représailles de l'université, certaines sources étudiantes ont demandé à n'être identifiées que par leur prénom.

- Jeremy Scahill et Alex Colston

À 17 h 18, environ trois heures avant son arrestation le samedi 8 mars, Mahmoud Khalil, diplômé de l'université de Columbia et militant palestinien, a répondu à un message de son amie Carly, une étudiante juive américaine de la School of International and Public Affairs (SIPA) de Columbia. Elle avait demandé de l'aide concernant une éventuelle action en justice intentée par une organisation nationale de défense des droits civiques qui tentait de contrer les menaces de l'administration Trump d'expulser des personnes de manière imminente. La rhétorique draconienne de l'administration a eu un effet dissuasif sur les étudiants, les professeurs, les groupes d'organisateurs et les manifestants.

M. Khalil a demandé à Mme Carly : "Les plaignants doivent-ils être citoyens américains ?" "Les plaignants peuvent être citoyens américains ou pas", a répondu Mme Carly.

Environ trente-cinq minutes avant son arrestation, à 19 h 55, M. Khalil a répondu : "Cool. Merci de nous mettre en contact".

Lorsque Mme Carly a répondu plus tard, à 22 h 40, "Parfait...", M. Khalil était déjà placé en détention par des agents du département de la Sécurité intérieure (DHS).

Plus tôt dans la soirée, M. Khalil et son épouse, Noor Abdalla, une citoyenne américaine d'origine syrienne enceinte de huit mois, se trouvaient chez un ami pour l'iftar, qui marque la fin du jeûne observé par de nombreux musulmans pendant le mois sacré du ramadan. Sueda Polat, l'une de ses amies proches et organisatrice de l'iftar, se souvient

d'"une soirée très agréable. Nous étions assis ensemble, à parler de prénoms et de l'endroit où le bébé allait naître. Mahmoud venait de recevoir une lettre d'offre d'emploi d'une ONG prestigieuse. Nous discutions de la date à laquelle il allait commencer, et j'étais heureuse qu'ils restent à New York".

Quelques minutes après que M. Khalil et sa femme aient quitté la réunion, Mme Polat a reçu un appel de détresse de Mme Abdalla, qui criait que des agents du DHS étaient dans leur immeuble.

Lorsque Mme Polat s'est précipitée après l'iftar sans mentionner où elle allait, Dalia, une autre amie présente à l'iftar, a eu peur. Dalia était en communication avec d'autres organisateurs à Columbia, et les messages du groupe se multipliaient, affirmant que des agents de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) faisaient une descente dans les immeubles résidentiels de Columbia cette nuit-là. Lorsqu'un collègue organisateur lui a chuchoté que M. Khalil venait d'être arrêté, elle n'en croyait pas ses oreilles.

"J'étais sous le choc. Je n'ai même pas pleuré parce que je n'arrivais pas à comprendre ce qui se passait... Nous étions ensemble quelques heures plus tôt".

Lorsque Mme Polat est arrivée devant le domicile de M. Khalil, les voitures du DHS étaient toujours là et M. Khalil a été arrêté. Dans les secondes qui ont suivi, Noor a couru vers les agents alors qu'ils faisaient monter M. Khalil dans une voiture. Elle n'arrêtait pas de demander aux agents leur nom, en précisant que l'avocat de Mahmoud devait parler à l'un d'entre eux.

"Reculez, s'il vous plaît. Écartez-vous. Nous ne communiquons pas nos noms", a répondu l'agent.

Finalement, l'un des agents lui a fait savoir que Mahmoud allait être placé en détention par les services d'immigration au 26 Federal Plaza. Noor leur a demandé de préciser quelle administration le prenait en charge. Malgré ses multiples demandes, elle n'a reçu aucune réponse. Noor a dit à l'avocat au téléphone qu'"ils me fuyaient littéralement". Les agents lui ont alors demandé d'attendre sur le trottoir, avant de partir avec Mahmoud dans un SUV gris banalisé. Alors que les voitures s'éloignaient à toute vitesse, Mme Abdalla et Mme Polat sont montées à l'étage et ont repris leurs appels pressants aux avocats de M. Khalil.

Un jour et demi plus tard, le lundi, Dalia a trouvé étrange et profondément troublant de

"voir la vie continuer comme si de rien n'était à l'université de Columbia", a-t-elle déclaré. "Je suis membre d'un groupe qui tente de mobiliser les professeurs et le personnel, et je dois essentiellement leur expliquer que je ne peux pas aller à mon cours sur la théorie décoloniale alors que mon ami est détenu par l'ICE".

Une semaine et demie après son arrestation, les amis, les collègues et les professeurs de M. Khalil continuent de ressentir le vide créé par son arrestation.

Dalia a déclaré qu'elle n'avait pas pu se résoudre à assister à un seul cours depuis que son ami a été emmené. Mme Polat, qui continue de rendre visite à Mme Abdalla à leur appartement, a fait remarquer :

"L'absence de Mahmoud chez lui est vraiment angoissante". Mme Carly a déclaré : "Mahmoud était la personne que les gens appelaient quand ils avaient besoin de pleurer ou quand ils avaient peur".

M. Khalil, résident permanent des États-Unis, est actuellement détenu dans un centre de détention à Jena, en Louisiane. Mme Polat, une étudiante diplômée de Columbia âgée de 23 ans qui prépare une maîtrise en droits de l'homme, a déclaré à Drop Site que, pendant sa détention, il a continué à jeûner pour observer le ramadan. M. Khalil a également mentionné qu'il faisait la prière en prison, a-t-elle ajouté. Depuis sa cellule au centre de détention de LaSalle, en Louisiane, M. Khalil a exprimé son inquiétude pour ses codétenus. Dans un message adressé à Drop Site par l'intermédiaire de Mme Abdalla et de l'avocate de M. Khalil, Mme Amy Greer, M. Khalil a déclaré que ceux qui suivent de près son cas devraient

"également s'occuper de ceux qui croupissent dans le centre de détention sans avocat, sans lien avec le monde extérieur et sans le soutien d'une communauté".

Dans une déclaration publiée mardi, M. Khalil a déclaré qu'il considère son arrestation comme

"une conséquence directe de l'exercice de mon droit à la liberté d'expression alors que je défends une Palestine libre et la fin du génocide à Gaza, qui a repris de plus belle lundi soir",

faisant référence à la reprise par Israël des bombardements massifs sur Gaza cette semaine, qui ont tué plus de 180 enfants en quelques heures. Israël a maintenant rompu unilatéralement le cessez-le-feu et, comme l'a décrit M. Khalil,

"les familles sont obligées de choisir entre la famine, le déplacement et les bombes". Dans sa déclaration, il a ajouté qu'"il est de notre devoir moral de poursuivre la lutte pour leur liberté totale".

Un nom après l'autre

En octobre 2024, un an après le début du génocide à Gaza, Dalia a rejoint M. Khalil et un groupe d'étudiants rassemblés sur les marches devant la statue de l'Alma Mater sur le campus. Dalia, une Palestinienne américaine de 19 ans, se tenait à côté de M. Khalil alors qu'ils lisaient les noms et les âges de dizaines de milliers de Palestiniens tués à Gaza au cours de l'année écoulée. On pouvait recenser des centaines d'enfants âgés de zéro ou un an. Ils ont lu chaque nom, l'un après l'autre, comme autant de vies gâchées.

Aux pieds de la statue d'Alma Mater, dont le bras gauche est "tendu pour accueillir les visiteurs et les nouveaux étudiants sur le campus", selon le site web de l'université, les étudiants ont déposé des pétales de rose, ont drapé un drapeau palestinien au centre et ont placé une banderole beige sur laquelle on peut lire "Free Palestine". Les rassemblements se sont déroulés de la fin de l'après-midi jusqu'au soir, un long moment de silence et de réflexion. M. Khalil et Dalia ont lu à tour de rôle les noms et, à la tombée de la nuit, ils ont continué à lire les noms figurant sur les feuilles en les tenant près de leur téléphone, tout en se passant le micro.

Beaucoup de noms lus ressemblaient aux leurs.

"Mahmoud a lu son propre nom tant de fois sans broncher, et était si calme", a déclaré Dalia, car il était "le soutien indispensable dont notre communauté avait besoin à l'époque".

Avant d'arriver à Columbia, Dalia n'avait jamais côtoyé de grande communauté palestinienne. Elle et M. Khalil se sont rencontrés pour la première fois quelques jours seulement après le 7 octobre. Dalia se sentait seule dans son chagrin et son identité sur le campus, ne connaissant que quelques Palestiniens capables de comprendre ce qu'elle vivait. Lorsqu'elle a rencontré M. Khalil, un étudiant de dernière année chaleureux, Dalia a eu le sentiment d'avoir trouvé le moyen de s'intégrer. La maison de M. Khalil est devenue un espace sûr pour la communauté palestinienne de Columbia, offrant un refuge aux étudiants comme Dalia lorsque l'environnement sur le campus devenait trop pesant.

 Partager

"Le professeur Mahmoud", l'enseignant, la musique et le Dabke

Cadet d'une fratrie de quatre garçons, M. Khalil a grandi dans un camp de réfugiés palestiniens à Damas, où il est né en 1995. Descendant du côté de sa mère de révolutionnaires algériens, déplacés en Palestine ottomane, M. Khalil est citoyen algérien. En 2013, en partie en raison de son opposition au gouvernement de Bachar al-Assad, il a été contraint de fuir la Syrie en pleine guerre civile. Il a dû partir seul et est rapidement arrivé au Liban alors qu'il n'avait que 18 ans. Une fois de plus, M. Khalil était un réfugié. En raison de son placement en détention pour une durée indéterminée, il est maintenant encore plus éloigné de sa famille, en particulier de ses parents qui vivent actuellement en Allemagne.

Les grands-parents de M. Khalil vivaient dans un petit village de Palestine historique, près de Tibériade, une ville située sur la rive ouest du lac de Tibériade. Sa grand-mère racontait souvent qu'ils partageaient une parcelle de terre avec leurs voisins juifs pour la cultiver, a déclaré Mahmoud dans un documentaire pour BreakThrough News.

"Tibériade a été l'une des premières villes ciblées par les sionistes en 1948 dans le cadre du nettoyage ethnique. En avril 1948, un mois avant la Nakba, les milices sionistes ont brûlé l'un des villages. Lorsqu'ils ont appris la nouvelle, ma famille a dû partir sur-le-champ",

a-t-il ajouté, expliquant la décision de sa famille de fuir en Syrie, où il est finalement né dans un camp de réfugiés.

Lauren Bohn, une journaliste qui couvrait la crise des réfugiés syriens à l'époque, se souvient avoir rencontré M. Khalil à Beyrouth, où il se décrivait comme un "double réfugié" : réfugié palestinien en Syrie, puis réfugié au Liban pour y demander l'asile.

"Je le rencontrais souvent dans des cafés à Beyrouth, où il semblait très timide à l'âge de 18 ans, mais très intelligent et perspicace. Il apprenait l'anglais en autodidacte et regardait constamment des tutoriels sur YouTube pour apprendre la langue. J'ai trouvé que cela en disait long sur sa personnalité", estime Lauren Bohn. "Il a fait tout ce qu'il pouvait pour se créer une vie meilleure à partir de rien, étant donné la marginalisation systémique dont il a souffert dès sa naissance".

Peu de temps après son arrivée à Beyrouth, M. Khalil s'est mis à travailler pour Jusoor, une organisation à but non lucratif qui œuvre pour l'émancipation des jeunes en Syrie, où il a dirigé des programmes de bourses pour les étudiants marginalisés et les réfugiés.

"Malgré les énormes défis auxquels il était confronté", a observé Mme Bohn, "il voulait tendre la main aux autres réfugiés, alors qu'il n'était lui-même qu'un réfugié".

Au fil des ans, malgré la distance géographique croissante entre eux, Mme Bohn est restée en contact avec M. Khalil et a suivi de près son parcours. Elle l'a vu pour la dernière fois il y a trois ans, pendant le ramadan en 2022. Tous deux s'étaient rencontrés à Istanbul pour l'iftar. Quelques jours avant leur rendez-vous, M. Khalil avait appris son admission à la SIPA, qui lui avait accordé une bourse d'études partielle. M. Khalil se rapprochait peu à peu de ses rêves.

Mme Bohn a déclaré avoir été impressionnée par son parcours au cours des douze dernières années.

"C'est quelqu'un qui est né dans un monde où tout était contre lui. Je pense que Columbia devrait être honorée de compter quelqu'un comme lui parmi ses étudiants" a-t-elle ajouté, "au lieu de refuser de le soutenir".

Mme Bohn n'a jamais eu l'impression qu'il cherchait à attirer l'attention.

"Il avait un compte Instagram personnel, et il publiait si rarement que chaque fois qu'il le faisait, nous plaisantions en disant qu'il avait publié son unique post de l'année. Ce n'est pas une personne avide de célébrité",

a-t-elle déclaré. Elle considère M. Khalil comme un "humanitaire" intègre.

Bien que Mme Bohn soit d'accord avec les descriptions que d'autres amis et connaissances font de M. Khalil, telles que "généreux" et "bienveillant", elle se méfie de l'image du "bon manifestant".

"Il aurait pu être un être humain horrible sans jamais mériter d'être traité de la sorte", dit-elle, "il n'a pas besoin d'être une personne parfaite pour que cette action soit qualifiée d'injuste. Il se trouve que c'est une très belle personne".

En 2018, M. Khalil a commencé à travailler au ministère britannique des Affaires étrangères à Beyrouth, où il était responsable de la gestion du prestigieux programme de bourses Chevening pour les étudiants syriens. Andrew James Waller, ancien diplomate britannique pendant dix ans, a travaillé en étroite collaboration avec M. Khalil aux Affaires étrangères.

"Je comptais beaucoup sur Mahmoud pour mieux comprendre les enjeux de la région", a déclaré M. Waller, "il était extrêmement généreux de son temps et avisé dans ses conseils".

Pendant les quatre années où M. Khalil a travaillé au ministère, M. Waller l'a côtoyé en tant que collègue. En octobre 2022, M. Waller a quitté son emploi et s'est installé à Beyrouth pour apprendre l'arabe. Là-bas, il s'est lié d'amitié avec M. Khalil. Tous deux sont de grands fans de foot. Ils allaient souvent voir des matchs ensemble dans un café près de chez M. Khalil. "Après le match, il insistait pour me ramener chez moi, de l'autre côté de la ville, sur son scooter" se souvient M. Waller.

Alors que M. Waller développait une relation privilégiée avec M. Khalil, il a découvert que derrière le jeune homme timide se cachait un passionné de chant et de danse.

"Il s'animait vraiment chaque fois qu'on entendait de la musique autour de nous. Je plaisantais souvent avec lui en disant qu'il connaissait plus de chansons qu'Oum Kalthoum (légendaire chanteuse arabe)".

En décembre 2022, quelques semaines avant que M. Khalil ne parte pour New York pour rejoindre la SIPA, M. Waller a assisté au mariage de M. Khalil et de Mme Abdalla. Mme Abdalla a rencontré Mme Khalil en 2016, lorsqu'elle a brièvement travaillé chez Jusoor à Beyrouth.

"Mon principal souvenir du mariage, ce sont les danses sans fin" a déclaré M. Waller, "ils avaient fait venir un groupe traditionnel palestinien, et Mahmoud essayait de nous apprendre à tous à danser le Dabke, mais sans grand succès".

Le couple s'apprête à accueillir son premier enfant. M. Waller se souvient d'en avoir parlé avec M. Khalil il y a quelques semaines.

"J'étais tellement heureux pour eux, et je ne cessais de l'encourager. M. Khalil était d'un calme et d'un sang-froid étonnants, même lorsqu'il en parlait" a observé M. Waller. "Il se réjouissait d'être père. J'espère qu'il sera libéré à temps pour la naissance de son enfant".

Au fil des ans, une constante a animé la vie de M. Khalil : son amour pour le dabke. M. Khalil a dirigé le cercle de dabke pour les étudiants lors du gala arabe annuel organisé par Turath, l'association des étudiants arabes de l'université de Columbia. Après son arrestation, ses amis ont partagé des vidéos de lui dansant le  dabke et essayant de le transmettre à d'autres. Populaire en Palestine et dans les pays du Levant, le dabke est une danse folklorique arabe traditionnelle. L'amour de M. Khalil pour la chanson et la danse a persisté malgré les circonstances difficiles.

Depuis l'arrestation de M. Khalil, le président Trump l'a qualifié d'"étudiant étranger radical pro-Hamas" et le secrétaire d'État Marco Rubio l'a décrit de la même manière. Lorsque M. Waller a appris la nouvelle de l'arrestation de M. Khalil, alors qu'il entendait la façon dont il a été dépeint par le gouvernement, il a déclaré qu'il était "incrédule, vraiment désespéré".

Le rôle militant de M. Khalil sur le campus a éclipsé ses contributions en classe et à la communauté élargie de la SIPA.

Malgré les arrestations massives et les audiences disciplinaires qui ont accaparé son attention, M. Khalil a continué à travailler le semestre dernier en tant qu'assistant d'enseignement pour l'un des cours du programme de master en administration publique et pratiques de développement, qu'il a terminés en décembre.

Ruchira, étudiante diplômée à la SIPA, a déclaré que M. Khalil a pris des initiatives qu'il n'était pas obligé d'entreprendre en tant qu'assistant d'enseignement. Se souvenant du moment où son chien est mort chez elle en Inde, elle a déclaré :

"Mon moral était au plus bas, mais Mahmoud a été là pour moi à 100 %. Je ne répondais pas aux e-mails des professeurs, mais il s'assurait de me contacter séparément via WhatsApp. Il s'arrangeait avec moi au cas où je ne veuille pas aller en cours ou que je ne me montre pas à une présentation".

Ces marques de gentillesse ont beaucoup aidé Ruchira, et elle s'est souvenue des attentions de M. Khalil alors qu'il "traversait une période particulièrement difficile" en étant témoin du génocide en cours à Gaza.

Son dévouement à son travail et à ses étudiants a valu à M. Khalil un surnom auquel il n'avait pas officiellement droit, a révélé Ruchira en riant :

"Les autres professeurs n'avaient rien contre le fait qu'on les appelle par leur prénom, mais comme il était si au fait de tout, ils ont insisté pour qu'on l'appelle professeur Mahmoud".

"Un diplomate dans tous les sens du terme"

L'année dernière, le 17 avril à 4 heures du matin, quelques heures avant que la présidente de Columbia de l'époque, Minouche Shafik, ne témoigne devant le Congrès sur des allégations d'antisémitisme à l'université, un groupe d'étudiants pro-palestiniens a installé des tentes sur une pelouse du campus. Ils l'ont appelé le camp de solidarité avec Gaza. Cette initiative a pris l'administration de l'université au dépourvu, et leur réponse hostile allait provoquer des ondes de choc d'une ampleur sans précédent.

Moins de trente-quatre heures plus tard, Mme Shafik a fait appel aux services de police de la ville de New York pour superviser l'arrestation de plus d'une centaine de personnes sur le campus, soit la plus importante arrestation de masse à l'université depuis les manifestations contre la guerre du Vietnam en 1968. Quelques minutes après les arrestations, les étudiants ont installé un second campement, plus important, sur la pelouse juste à côté de celui où les arrestations avaient eu lieu. Dans les jours qui ont suivi, face à une administration répressive, ces actions ont déclenché une vague de campements de solidarité avec Gaza à travers les États-Unis et dans le monde entier.

Les manifestants de Columbia ont alors dû faire un choix crucial. Ils ont dû choisir un négociateur qui les représenterait dans les discussions avec l'administration de l'université à propos des premières arrestations et qui tenterait de contraindre Columbia à accepter leurs principales revendications : que l'université divulgue ses investissements directs et indirects en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, et qu'elle s'en désinvestisse. Le premier nom proposé par les manifestants pour parler en leur nom était celui de Mahmoud Khalil.

Joseph Howley, professeur agrégé de lettres classiques, est l'un des nombreux membres juifs du corps professoral de Columbia à s'être exprimé "en défense du droit de manifester et contre l'instrumentalisation de l'antisémitisme". Les manifestants ont demandé à M. Howley de faire savoir à l'administration que M. Khalil serait en mesure de jouer un rôle de médiateur avec l'université.

"Je n'ai eu aucun problème à le faire, car je pouvais déjà dire qu'il était une personne digne de confiance, ouverte et intègre", a déclaré M. Howley, ajoutant qu'il "se rendait compte que les étudiants juifs du mouvement se sentaient en sécurité avec lui, qu'il était accueillant et n'excluait personne du mouvement".

Mme Polat a rencontré M. Khalil pour la première fois le jour où le groupe l'a choisi comme négociateur principal, mais, a-t-elle déclaré, "Mahmoud voulait que quelqu'un d'autre l'accompagne". Le nom de Mme Polat a été évoqué et, bientôt, le campement a disposé de deux négociateurs. Au cours de la semaine et demie suivante, ils ont été au cœur de tout : négociations intenses avec les administrateurs de l'université, discussions passionnées sur la stratégie et l'orientation à prendre avec les autres organisateurs du campement, interviews avec plusieurs médias, dont certains poursuivaient des lignes éditoriales présentant le campement comme un foyer d'antisémitisme.

Mme Polat a déclaré que, même sous pression, M. Khalil faisait tout son possible pour être là pour elle, "comme un grand frère". Un jour, alors qu'elle pleurait dans une cage d'escalier après une réunion de négociation particulièrement tendue avec les administrateurs de Columbia,

"il ne m'a pas laissée seule. Il a attendu devant la porte des escaliers pour que je pleure tranquillement et qu'il puisse ensuite entrer et me consoler. J'ai l'angoisse facile et il m'a vraiment aidée à la calmer".

Les négociations ont duré une dizaine de jours. Mme Polat se souvient que M. Khalil était "ferme, mais toujours courtois" et explique à Drop Site qu'il s'est adressé à l'administration sur un pied d'égalité,

"pas comme si j'étais une étudiante et eux des administrateurs, mais plutôt comme si nous étions deux partenaires venant s'asseoir à la table pour discuter". Elle ajoute : "Il n'était pas obséquieux. Cet homme est un diplomate dans l'âme, dans tous les sens du terme".

Le lundi 29 avril, à 8 h 03 du matin, la présidente de Columbia, Minouche Shafik, a annoncé que "l'université conserverait ses investissements en Israël" et que les négociations avaient échoué. Sans mentionner nommément M. Khalil et Mme Polat, Mme Shafik a qualifié les discussions de

"dialogue constructif avec les organisateurs étudiants pour trouver une solution permettant le démantèlement du campement et le respect des politiques universitaires à l'avenir". Elle a conclu en disant que "malheureusement, nous n'avons pas pu parvenir à un accord".

 Partager ★ Spirit Of Free Speech

Maryam Iqbal, 19 ans, s'est inscrite à l'université en 2023 et était passionnée par la Palestine et d'autres causes politiques lorsqu'elle a rencontré M. Khalil. Malgré son comportement discret et timide, M. Khalil intervenait souvent lorsque les tensions montaient. Mme Iqbal se souvient qu'un jour, lors d'un sit-in contre le cours de Mme Clinton à la SIPA, les forces de sécurité se sont montrées agressives envers les étudiants.

"Il s'est interposé physiquement entre les forces de sécurité et les manifestants", a-t-elle déclaré. "Peu d'hommes ont tendance à le faire, mais il a toujours considéré que c'était son devoir. Mahmoud a toujours su me calmer et m'empêcher toute imprudence, en me rappelant de canaliser ma colère vers quelque chose de productif".

M. Khalil était parfaitement d'accord pour que son nom et son identité soient associés aux manifestations pro-palestiniennes. Mme Paras, une camarade de M. Khalil à la SIPA, travaillait depuis des mois sur un projet d'histoire orale du camp de solidarité de Gaza. L'une de ses principales personnes interrogées était M. Khalil, avec qui elle a longuement discuté.

"Je m'inquiétais pour sa sécurité, je me demandais si nous devions mentionner son nom ou le faire de manière anonyme. Il disait toujours : 'Utilisez mon nom, ça m'est égal'".

Au début du mois, elle a voulu revoir la question avec lui. Mais avant que M. Khalil ne puisse répondre à sa demande, elle a appris qu'il avait été arrêté. Sa pire crainte s'était réalisée.

M. Khalil fait partie des délégations d'étudiants qui ont appelé l'université à prendre des mesures plus fermes pour lutter contre le harcèlement des étudiants pro-palestiniens, souvent sans obtenir de réponse satisfaisante, explique Mme Paras, alors même que les campagnes de harcèlement s'intensifiaient. Une campagne en ligne organisée par des groupes pro-Israël et certains acteurs zélés, comme le professeur de la Columbia Business School Shai Davidai, a attaqué M. Khalil sans relâche pendant deux jours. Ils ont tagué Donald Trump, le secrétaire d'État Marco Rubio et la Procureure générale Pam Bondi dans des messages exigeant que M. Khalil soit arrêté et expulsé.

Le 7 mars, M. Khalil a envoyé un e-mail à Katrina Armstrong, présidente par intérim de Columbia.

"Depuis hier, je suis victime d'une campagne de diffamation haineuse, concertée et déshumanisante menée par Shai Davidai et David Lederer, deux universitaires affiliés à Columbia qui, entre autres, m'ont qualifié de menace pour la sécurité et ont appelé à mon expulsion", a-t-il commencé. "Leurs attaques ont provoqué une vague de haine, notamment des appels à mon expulsion et des menaces de mort. J'ai exposé le contexte plus largement dans le courriel ci-dessous, mais Columbia n'a fourni aucun appui ou recours significatif en réponse à cette menace croissante", a-t-il ajouté dans le courriel, rapporté pour la première fois par  Zeteo . "Je n'ai pas réussi à dormir, craignant que l'ICE ou quelqu'un de dangereux ne vienne chez moi. J'ai un besoin urgent d'assistance juridique et je vous invite à intervenir et à m'accorder les protections nécessaires pour éviter tout autre désagrément".

Le DHS a arrêté M. Khalil le lendemain. Quatre jours après son arrestation par des agents fédéraux, l'administration de Columbia a envoyé un e-mail annonçant une "nouvelle politique de lutte contre le harcèlement et les attaques en ligne".

Alors qu'ils devaient obtenir leur diplôme en mai de cette année, M. Khalil et Mme Paras ont clôturé leur programme en décembre de l'année dernière.

"Ce serait tellement bien de le voir obtenir son diplôme, de le voir défiler pour la remise des diplômes", a-t-elle déclaré, tout en ajoutant que "Columbia ne mérite même pas sa présence".

"Un pacifiste" : Seder, Shabbat & solidarité

Carly est devenue amie avec M. Khalil dans des circonstances déplaisantes.

"Un étudiant pro-Israël a tenu à mon égard des propos ouvertement antisémites, remettant en question mes origines juives en raison de mes opinions antisionistes", a-t-elle déclaré à Drop Site. Ces propos ont été tenus sur un groupe WhatsApp.

"Mahmoud m'a contactée en privé et a pris de mes nouvelles. Il voulait savoir ce qu'il pouvait faire pour me réconforter. C'est là que nous sommes devenus amis".

Elle se souvient que M. Khalil a évoqué à plusieurs reprises à quel point il était mal à l'aise face à l'antisémitisme rampant contre les juifs antisionistes à Columbia.

Carly a décrit de multiples occasions où des étudiants pro-Israël s'évertuaient à provoquer des étudiants juifs, comme elle, qui exprimaient des opinions critiques sur les actions d'Israël à Gaza. Quand les esprits s'échauffaient, dit-elle, Mahmoud essayait toujours de calmer la situation. "Il voulait vraiment maintenir la paix. C'est un vrai pacifiste".

M. Khalil exprimait souvent sa solidarité avec ses amis juifs en participant avec eux à des événements collectifs.

"La communauté juive antisioniste s'est toujours sentie très appréciée et soutenue par Mahmoud. Il participait souvent à nos sabbats".

Mme Howley se souvient l'avoir vu au Seder de Pâque dans le campement au printemps dernier.

"Chaque fois qu'il en avait l'occasion, il rappelait que la haine et le sectarisme devaient être bannis du mouvement".

Quelques semaines avant le campement, M. Khalil a aidé à organiser à Columbia une projection d'Israelism, un documentaire explorant le fossé générationnel grandissant entre les Juifs américains et leur lien avec Israël.

Mme Howley se souvient que

"Mahmoud avait déjà choisi une voie complexe, celle de la compréhension de ceux dont le point de vue est différent du sien, ainsi que le choix exceptionnellement exigeant de ne pas condamner, mais plutôt de chercher à comprendre ce qui motive, comment on en arrive là et comment trouver un terrain d'entente".

Mme Howley a ajouté que "ce que j'ai entre autres retenu de Mahmoud, c'est une vision de la paix et de la libération collective qui concordait mieux avec mes valeurs que celle de presque toutes les grandes organisations juives de ce pays".

À propos de l'absence de Mahmoud sur le campus et dans leur communauté, Carly a déclaré :

"Mahmoud est un homme qui faisait tout son possible pour protéger son entourage, à tel point qu'il a fini par en souffrir lui-même".

Cependant, se remémorant un aspect plus léger de la situation, elle confie que

"certains de nos amis étaient plus jeunes que lui, alors on l'appelait papa pour plaisanter. Il était comme un grand frère, et on se sentait vraiment en sécurité avec lui. On l'admirait, on appréciait ses conseils, et il était toujours là pour nous".

Lors d'une récente réunion étudiante à l'université, Carly a dénoncé l'antisémitisme des juifs pro-Israël qu'elle a connu à Columbia. Elle a également manifesté contre l'arrestation de M. Khalil en portant un t-shirt blanc sur lequel on peut lire "Libérez Mahmoud Khalil. Libérez la Palestine".

Les étudiants de la SIPA organisent une campagne de collecte de courriers dans le hall de leur bâtiment, où l'on peut découvrir une installation en son soutien. Le mardi 11 mars, plusieurs étudiants et membres du corps enseignant ont organisé un débrayage à midi pour exprimer leur solidarité avec M. Khalil, exiger sa libération, et demander le retrait de l'ICE de notre campus. Le même jour, un sit-in organisé par des étudiants juifs arborait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire

"Mahmoud est notre frère" et "Ils sont d'abord venus pour Mahmoud..."

Malgré la répression persistante de l'administration Trump (notamment l'arrestation d'un deuxième Palestinien, Leqaa Kordia, et la révocation du visa étudiant d'un chercheur indien titulaire d'un doctorat, Ranjani Srinivasan), les manifestations en faveur des droits des Palestiniens se poursuivent à l'intérieur et à l'extérieur de Columbia.

Aujourd'hui, les manifestants chantent le nom de M. Khalil et arborent des t-shirts portant ses revendications. Son visage est également imprimé sur leurs pancartes. En plus de son image, on peut voir l'inscription "Libérez Mahmoud Khalil".

Mahmoud Khalil et Noor Abdalla à leur mariage. Photo fournie par Noor Abdalla.

Mahmoud Khalil et Noor Abdalla. Photo © Noor Abdalla.

 substack-post-media.s3.amazonaws.com Site News

"First, They Came for Mahmoud Khalil"

Editors' Note: Meghnad Bose reported this story along with two student journalists from Columbia University. They are choosin...

Read more

5 hours ago · 196 likes · 9 comments · Meghnad Bose

 ssofidelis.substack.com