31/07/2025 francesoir.fr  5min #285875

Après les réseaux sociaux, le gouvernement australien interdit Youtube et ses « algorithmes prédateurs » aux moins de 16 ans

M.A.

FS

Canberra passe à la vitesse supérieure. Un an après avoir interdit les réseaux sociaux aux mineurs, le gouvernement australien a annoncé mercredi 30 août son intention d'interdire la plateforme de vidéo de streaming, Youtube, aux moins de 16 ans. L'Australie dénonce des "algorithmes prédateurs" et un souci d'offrir aux parents "une tranquillité d'esprit". La filiale du groupe Google affirme ne pas être un réseau social, à l'opposé de ses concurrents, déjà censurés depuis des mois.

En novembre 2024, l'Australie a adopté l'une des lois les plus strictes au monde en matière de régulation de l'accès aux réseaux sociaux par les mineurs. Ce texte interdit officiellement aux personnes de moins de 16 ans de détenir un compte sur des plateformes telles que TikTok, Facebook, Instagram, X ou Snapchat. La mesure a été portée politiquement par le Premier ministre Anthony Albanese et les plateformes ont dû mettre en place des "mesures raisonnables" pour appliquer cette interdiction, sous peine de lourdes amendes allant jusqu'à 50 millions de dollars australiens. Sur le plan technique et concret, l'application et la vérification de l'âge suscitent toutefois de nombreux doutes chez les experts, qui pointent le risque d'une loi avant tout symbolique, difficile à faire respecter dans la pratique.

YouTube n'échappe plus à l'interdiction

La réaction des plateformes concernées s'est révélée très critique et, dans certains cas, défensive. Meta, TikTok et Snapchat ont déploré que leurs pratiques "d'expériences appropriées en fonction de l'âge" n'aient pas été prises en compte, exprimant leur appréhension que la loi australienne incite les jeunes à contourner l'interdiction pour se diriger vers des espaces numériques encore moins régulés. Mais les réseaux sociaux ont surtout dénoncé le manque de clarté sur les modalités d'application, tandis que des experts craignent que la loi ne soit que symbolique, à défaut d'une faisabilité technique.

Depuis la fin de l'année dernière, Youtube était écartée du champ "d'application" de la loi pour des "motifs éducatifs et informatifs", par ce même gouvernement australien qui s'est illustré, pendant la pandémie du COVID, par le tout-répressif au détriment de la sensibilisation et... de l'éducatif. Meta et TikTok ont fustigé une décision "illogique" et "injuste", jugeant la distinction entre YouTube et les autres services artificielle et sans fondement, alors même que de nombreux enfants affirmaient y être exposés à des contenus nocifs.

Mais le tour de YouTube approchait. La semaine dernière, la plateforme a écrit au gouvernement australien, affirmant son intention de lancer des poursuites judiciaires si ses services étaient inclus dans l'interdiction. Le PM Anthony Albanese a réagi dimanche en affirmant que le gouvernement prendrait sa décision "indépendamment de toutes ces menaces proférées".

La décision est annoncée mercredi 30 juillet, par la ministre de la Communication, Anika Wells. "Nous voulons que les enfants sachent qui ils sont avant que les plateformes ne le décident à leur place", explique-t-elle. "Il y a une place pour les réseaux sociaux, mais il n'y a pas de place pour les algorithmes prédateurs ciblant les enfants", a-t-elle ajouté dans un  communiqué, dans lequel il est fait mention de la volonté de l'exécutif de permettre "aux enfants un répit face à l'attrait persuasif et omniprésent des médias sociaux, tout en offrant aux parents une tranquillité d'esprit".

La mise en application toujours aussi vague

Dans la "pratique", "les jeunes âgés de moins de 16 ans ne seront pas en mesure d'avoir un compte sur YouTube", a expliqué Anthony Albanese mercredi lors d'une déclaration à la presse. "Nous voulons que les familles et parents australiens sachent que nous les soutenons", a-t-il ajouté.

Là encore, la question de la mise en application de cette interdiction soulève plus de questions que les réponses qu'entend apporter le gouvernement australien. Là encore, les experts doutent et même Inman Grant, commissaire à la cybersécurité qui a conseillé Anika Wells d'inclure Youtube dans la liste des réseaux sociaux interdits aux moins de 16 ans, rappelle que les enfants pourront toujours regarder des vidéos YouTube en étant déconnectés, sans avoir besoin de créer des comptes qui lui seront interdits.

Face aux appels insistants des réseaux sociaux à obtenir plus de clarifications et de mesures concrètes pour appliquer la loi de novembre 2024, le gouvernement australien a annoncé qu'il va partager davantage d'informations et de directives dans les mois à venir. Toutefois, la mise en œuvre d'une vérification d'âge vraiment efficace se heurte à la nécessité de collecter des informations personnelles sensibles auprès des jeunes utilisateurs, ce qui soulève d'importantes questions en matière de respect de la vie privée et de protection des données.

Comment contrôler sans surveiller de trop près, ou sans imposer, par ricochet, de nouvelles menaces pour la liberté individuelle ? On devine que les autorités australiennes doivent sérieusement se creuser la tête pour éviter que leur action ne se résume à une simple interdiction de principe, sans réponse concrètes aux difficultés pratiques et éthiques soulevées par la loi.

De son côté, la plateforme Youtube a encore rappelé ne pas être "un réseau social". "Notre position reste claire : YouTube est une plateforme de partage de vidéos avec une bibliothèque de contenu gratuit, de haute qualité, de plus en plus regardé sur les écrans de télévision", sa réagi la filiale de Google.

 francesoir.fr