M.A.
Friedrich Merz
MACDOUGALL AFP
Autrefois proches, Friedrich Merz et Ursula von der Leyen voient leurs différends se multiplier. Climat, immigration, budget européen... Le chancelier allemand se montre au fil des semaines de plus en plus critique à l'égard de la Commission européenne (CE) et de sa présidente. Il dénonce notamment une bureaucratie excessive, mais rejette surtout, de manière ferme, le cadre financier pluriannuel proposé, jugé "inacceptable" en période de rigueur budgétaire.
Avant que les divergences ne dominent leurs relations, Friedrich Merz et Ursula von der Leyen ont entretenu des rapports marqués par la coopération institutionnelle et une forme d'entente sur plusieurs grands enjeux européens et partisans. Leur appartenance commune à la CDU a facilité les échanges, notamment au sein des institutions européennes, où les deux ont remis les pendules à l'heure sur leurs positions sur la souveraineté européenne ou le soutien à l'Ukraine.
Berlin laisse s'exprimer sa colère contre Bruxelles
Friedrich Merz a effectivement axé sa campagne sur l'idée de redonner à l'Allemagne un rôle moteur en Europe et de lever les entraves à la croissance, qu'il attribue en partie à des décisions prises au niveau bruxellois. Son alliance politique avec Manfred Weber, chef du Parti populaire européen (PPE), dont est issue von der Leyen, s'inscrivait dans une volonté de renforcer l'influence du centre-droit allemand à la fois à Berlin et à Bruxelles.
Mais les lignes de fracture sont apparues, notamment avec le pacte vert ou la gouvernance budgétaire de l'UE. Les relations entre Berlin et Bruxelles sont alors marquées par des tensions profondes sur la plupart des grands dossiers européens, y compris la fiscalité et la gouvernance de l'Union. Dans son discours prononcé en avril 2025 à Valence, lors d'un meeting du Parti populaire européen Friedrich Merz s'est montré critique à l'égard de la bureaucratie européenne. Merz y a insisté sur la nécessité d'une simplification réglementaire en Europe, évoquant le besoin de "beaucoup moins de réglementation" et une nouvelle "culture de la retenue" en matière de législation européenne.
Il a souligné sa volonté de réduire la lourdeur bureaucratique qui freine, selon lui, l'économie et l'innovation. Sur le plan environnemental, il s'est engagé à revoir certaines règles héritées de la Commission von der Leyen, notamment celles jugées excessivement contraignantes, comme les tests de sécurité plus stricts pour les véhicules privés. Il a fait part de son refus d'une régulation trop pesante, critiquant notamment des mesures "ennuyant les gens avec des bouchons de bouteille fixes".
Sur le plan budgétaire, la proposition de la Commission européenne d'un cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 à hauteur de 2.000 milliards d'euros a rencontré un rejet immédiat de la part de l'Allemagne. Berlin, principal contributeur net, juge ce budget "inacceptable" en période de restrictions nationales et refuse toute augmentation de sa contribution ou la création de nouvelles taxes européennes, s'alignant sur la position des Pays-Bas et d'autres États dits "frugaux".
Selon Euractiv, c'est le porte-parole du gouvernement allemand, Stefan Kornelius, qui a exprimé ce rejet sur un ton ferme. De son avis, l'augmentation du budget à long terme de près de deux tiers ne sont pas acceptables dans une période où il est surtout question de rigueur budgétaire. Berlin, avait-il affirmé, ne soutiendrait pas une imposition aux entreprises d'une taxe sur les sociétés à l'échelle de l'UE et "ne pourra pas accepter la proposition de la Commission".
Ursula von der Leyen, décriée par ses alliés
L'écologie constitue un autre terrain conflictuel. Sous la pression simultanée des industriels allemands et français, Berlin a multiplié les requêtes pour assouplir les objectifs climatiques européens, notamment sur les quotas d'émissions dans l'industrie automobile et sur la mise en œuvre de mesures du Pacte vert. La Commission, affaiblie par la montée des droites au Parlement et soucieuse d'éviter une crise industrielle, a accepté de revoir à la baisse certains objectifs écologiques, reprochant ce recul, très critiqué par les écologiques, au lobbying de Berlin.
En outre, les propositions de la Commission comme celle d'imposer le 100 % électrique pour les voitures de location et d'entreprises d'ici 2023 sont considérées comme irréalistes, loin des besoins de l'Europe.
L'immigration fait aussi l'objet de discorde entre les deux dirigeants. Friedrich Merz et Ursula von der Leyen divergent sur la gestion de l'immigration : Merz, à la tête du gouvernement allemand, a mis en place un tour de vis rigoureux avec des mesures unilatérales comme le refoulement de demandeurs d'asile, suscitant des tensions avec Bruxelles. von der Leyen appelle à une solution européenne commune, insistant sur la coordination et la limitation dans le temps des mesures restrictives.
Elle a également débloqué 3 milliards d'euros pour soutenir les États accueillant des réfugiés, notamment ukrainiens, et pour appliquer la nouvelle loi européenne sur la migration adoptée en 2024. Merz défend toutefois la fermeté allemande et assure vouloir préserver l'espace Schengen, tout en demandant plus de flexibilité dans la gestion des flux migratoires, s'inspirant de politiques plus strictes comme celle du Danemark.
S'il s'est montré satisfait de l'accord sur les droits de douane avec les États-Unis, à l'opposé de nombreux autres dirigeants européens, le chancelier allemand reproche aux institutions européennes un manque d'écoute, notamment sur les dernières initiatives, dont certaines approuvées sans aucun vote du Parlement.