08/08/2025 francesoir.fr  4min #286692

 Censure de la loi Duplomb : le Conseil constitutionnel bloque la réintroduction de l'acétamipride

Loi Duplomb : feu vert partiel du Conseil constitutionnel, rejet du pesticide controversé

France-Soir avec AFP

Samson / AFP

Le Conseil constitutionnel français a censuré jeudi la disposition la plus contestée d'une loi controversée qui prévoyait la réintroduction sous conditions d'un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes, jugée contraire à la Charte de l'environnement.

Le Conseil constitutionnel a au contraire validé les simplifications administratives accordées aux plus gros élevages, ainsi qu'à la construction d'ouvrages de stockage d'eau à finalité agricole - avec néanmoins quelques réserves pour cette deuxième mesure.

Le président Emmanuel Macron "a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel et promulguera la loi telle qu'elle résulte de cette décision dans les meilleurs délais", ont immédiatement fait savoir ses services.

La ministre de l'Agriculture Annie Genevard a estimé que cette décision maintient "une divergence entre le droit français et le droit européen" et les "conditions d'une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières", en promettant que le gouvernement serait "à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution".

La "loi Duplomb", proposée par le sénateur de droite Laurent Duplomb et adoptée au Parlement début juillet avec le soutien du gouvernement, a fait l'objet d'un vaste mouvement de protestation malgré l'été, y compris au sein du monde scientifique. Une pétition réclamant son abrogation a réuni plus de 2,1 millions de signatures.

La réintroduction à titre dérogatoire de l'acétamipride, interdit depuis 2018 en France mais autorisé ailleurs en Europe, a cristallisé la contestation. Son retour était réclamé par le puissant syndicat agricole FNSEA - dont est issu M. Duplomb - pour les producteurs de betteraves et de noisettes.

Le Conseil constitutionnel a dû ainsi rendre une décision sous pression à la fois de l'opinion et du monde agricole.

Il a finalement estimé que "faute d'encadrement suffisant", cette mesure était contraire au "cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l'environnement", selon un communiqué. Cette charte a valeur constitutionnelle.

Dans leur décision, le Conseil constitutionnel rappelle que les néonicotinoïdes "ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux" et "induisent des risques pour la santé humaine".

En 2020, il avait consenti à une dérogation temporaire à leur interdiction, cantonnée à la filière des betteraves et à l'enrobage des semences.

Cette fois, le Conseil censure la dérogation introduite dans la loi en relevant qu'elle n'est pas limitée dans le temps, ni à une filière particulière, et concerne aussi la pulvérisation, qui présente des risque élevés de dispersion des substances.

En introduisant une telle dérogation, le législateur "a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l'article 1er de la Charte de l'environnement", selon sa décision.

- Réserves sur le stockage d'eau -

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs censuré des dispositions qui concernaient la répression de certains infractions environnementales, considérées comme "cavalier législatif", c'est-à-dire sans lien suffisant avec le texte initial.

Présentée comme l'une des réponses aux grandes manifestations agricoles de 2024, la loi Duplomb avait été adoptée avec les voix de la coalition gouvernementale (centre et droite) et de l'extrême droite.

La gauche, vent debout, avait saisi le Conseil constitutionnel.

Outre certaines dispositions, elle contestait la procédure utilisée à l'Assemblée pour faire adopter le texte. Ses défenseurs l'avaient eux-mêmes rejeté d'emblée pour contourner les quelque 3.500 amendements déposés - dont beaucoup par les écologistes et l'extrême gauche - empêchant leur examen dans l'hémicycle.

Mais le Conseil constitutionnel a estimé que l'adoption de cette motion de rejet préalable "n'a méconnu ni le droit d'amendement, ni les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire".

Le bon déroulement du débat démocratique suppose que "parlementaires comme gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures" à leur disposition, relève-t-il.

Concernant les mesures sur certains ouvrages de stockage d'eau avec une finalité agricole, pour lesquels la loi Duplomb prévoit notamment une présomption d'intérêt général majeur, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves d'interprétation.

Les mesures adoptées ne doivent pas permettre de prélèvement dans des nappes inertielles - qui se vident ou se remplissent lentement - et devront pouvoir être contestées devant un juge.

Les Sages ont enfin validé sans réserve des dispositions très attendues par certains agriculteurs concernant les élevages de porcs ou de volailles, qui à partir d'un certain nombre d'animaux doivent demander une autorisation préalable. La loi prévoit notamment le relèvement de ces seuils.

Emmanuel Macron a désormais quinze jours pour promulguer la loi.

 francesoir.fr