
Par Larry Johnson, le 10 décembre 2025
Avec le recul, nous sommes tous des génies. L'article du Wall Street Journal intitulé " Inside Ukraine's Daring Operation Spiderweb Attack on Russia", publié le 8 décembre 2025, détaille la planification d'une opération qui a débuté fin 2023 et s'est poursuivie 18 mois, avec une intensification significative en 2024. Si l'article insiste sur le secret qui a caractérisé la planification et la supervision par le président Zelensky et le chef du SBU, Vasyl Maliuk, il souligne aussi que 2024 a été une année charnière pour les opérations d'infiltration, les tests et la préparation logistique. Mais je m'intéresse davantage à ce que l'article ne dit pas explicitement : l'Ukraine a pu compter sur le soutien des services de renseignement occidentaux, notamment la CIA et le MI-6 britannique, pour planifier cette opération.
L'attaque a eu lieu le 1er juin 2025. Malgré une impressionnante campagne de propagande occidentale la présentant comme un immense succès, elle s'est soldée par un échec tactique et stratégique, car elle n'a en rien entamé la capacité de la Russie à poursuivre son offensive en Ukraine. Mais venons-en aux coïncidences. Deux semaines plus tard, Israël a lancé une attaque destinée à décapiter le gouvernement iranien, également vouée à l'échec, qui n'a pas permis ni de renverser le gouvernement ni de paralyser l'armée iranienne, laquelle a rapidement riposté. Selon vous, est-ce une simple coïncidence si Israël et l'Ukraine ont utilisé des tactiques similaires, à savoir le lancement de drones depuis la Russie et l'Iran pour attaquer des cibles stratégiques ? Je ne le pense pas.
Penchons-nous sur le calendrier de l'opération Spiderweb tel qu'il est présenté dans l'article du WSJ.
Décembre 2023
la planification commence sous la supervision directe du président ukrainien Volodymyr Zelensky et du Service de sécurité ukrainien (SBU). L'objectif initial est de faire passer clandestinement des drones démontés, des batteries et des explosifs en Russie via diverses routes (comme la Biélorussie ou les itinéraires en mer Noire) et les convois de poids lourds de transport de marchandises. L'objectif était de cibler la flotte de bombardiers stratégiques russes pour contrer les tirs de missiles sur les villes ukrainiennes. Hum. Si le SBU était impliqué, les services de renseignement étrangers aussi.
Début 2024 (janvier-mars)
Opérations de reconnaissance initiale et tests de prototypes. Selon le Wall Street Journal, des agents ukrainiens ont effectué des missions de reconnaissance des bases aériennes ciblées (comme Olenya et Dyagilevo) à l'aide d'images satellites commerciales et d'observateurs clandestins. Selon moi, une opération aussi audacieuse requiert également des images fournies par les services du renseignement occidentaux. Le WSJ passe ce point sous silence. L'article note que les premiers tests de mécanismes de lancement "spider nest" (littéralement "nids d'araignée"), à savoir des drones FPV (quadricoptères Osa) démontés et cachés dans les faux-plafonds de camions, ont été effectués dans des environnements russes simulés, près de la frontière. Cette phase aurait impliqué une vingtaine de commandos chargés de peaufiner les itinéraires d'infiltration via la Biélorussie et la mer Noire. Les échecs (un dysfonctionnement du drone d'essai, par exemple) auraient nécessité des modifications de conception. L'article du WSJ ignore commodément le rôle probable que d'autres territoires, tels que le Kazakhstan, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui ont également servi de zones d'infiltration pour cette opération.
Mi-2024 (avril-juillet)
Infiltration intensifiée. Le WSJ décrit l'expansion de réseaux "en toile d'araignée", avec des agents infiltrés dans des entreprises de transport routier russes pour cartographier les réseaux logistiques. Pendant cette phase, plus de 100 drones ont été introduits clandestinement en pièces détachées, puis réassemblés dans des ateliers clandestins (comme des hangars dans la région de Briansk). Une activité cruciale consistait à recruter des routiers russes peu méfiants pour le transport (en leur proposant par exemple des pots-de-vin, ou en les menaçant). L'article cite des conversations interceptées par le FSB [service de renseignement de la Russie] qui trahissent des soupçons naissants, mais aucun signe de détection plus avancée. Zelensky a approuvé des réaffectations budgétaires d'environ 50 millions de dollars pour intégrer les technologies occidentales, comme les relais Starlink. Quelles sont d'après vous les probabilités qu'une partie de cet argent ait été détournée par Zelensky et ses acolytes des services de renseignement, puis versée sur leurs comptes "d'épargne retraite" à l'étranger ?
Fin 2024 (août-décembre)
Derniers essais et déploiement. Des simulations poussées ont reproduit l'attaque du 1er juin, en se concentrant sur des lancements simultanés depuis différents fuseaux horaires. L'article mentionne une "répétition générale" en décembre 2024 près d'Ivanovo, au cours de laquelle des contre-mesures de brouillage des signaux (par des pilotes automatiques IA) ont été validées. À la fin de l'année, les 117 drones étaient positionnés et les agents se sont installés dans leurs planques. Selon un officier anonyme du SBU,
"2024 aura été l'année où l'araignée a tissé sa toile, discrètement, patiemment, à l'abri des regards".
De janvier à mai 2025
La phase d'infiltration a lieu : des agents ukrainiens (plus de 150 agents, dont des commandos et des techniciens experts en drones) installent leurs "nids d'araignées", les sites de lancement dissimulés, dans cinq oblasts russes couvrant trois fuseaux horaires. Les drones (117 au total, des modèles FPV équipés de technologies occidentales telles que Starlink) sont réassemblés et transportés dans des conteneurs camouflés (comme des structures en bois montées dans des semi-remorques) pour atteindre les sites de lancement. Les repérages ont permis d'identifier quatre bases aériennes prioritaires : Olenya (Mourmansk), Dyagilevo (Riazan), Ivanovo Severny (Ivanovo) et Belaya (Irkoutsk, en Sibérie, à 4 300 km de l'Ukraine). Une cinquième cible, Ukrainka dans l'Amour, est abandonnée après l'incendie d'un poids-lourd.
1er juin 2025
Des frappes coordonnées sont lancée à partir de 13 heures, heure locale, et se poursuivent pendant environ 72 heures. Des camions, dont les structures de toit ont été activés à distance, libèrent des drones qui frappent environ 40 à 50 avions (15 à 20 sont détruits, dont des bombardiers Tu-95MS et Tu-22M3, ainsi que des avions radar A-50. Les dégâts s'élèvent à environ 2 à 7 milliards de dollars). Des incendies sont signalés sur tous les sites. La Russie confirme les attaques, mais affirme que les pertes sont minimes. Les opérateurs ukrainiens contrôlent l'opération depuis Kiev. Aucun membre du SBU n'est mort, mais deux équipes ont été arrêtées.
L'opération était indéniablement ingénieuse et, selon moi, ne pouvait se faire sans le soutien des services du renseignement américains, britanniques et sans doute israéliens. Pourquoi les Israéliens ? Parce que les tactiques des attaques contre la Russie et l'Iran, survenues à deux semaines d'intervalle, étaient similaires. Ces deux opérations visaient des cibles hautement sécurisées et éloignées du front. Les deux ont nécessité un soutien important des services du renseignement.
À mon avis, les États-Unis ont également joué un rôle de premier plan dans la coordination des deux attaques, dans le cadre d'une stratégie plus large de déstabilisation de la Russie et de l'Iran. La planification de ces opérations a été menée via des canaux distincts, mais une ou plusieurs personnes ont supervisé leur mise en œuvre.
Cet article paraît alors que le soutien de l'administration Trump à l'Ukraine fléchit. Je soupçonne la CIA, qui a beaucoup investi en Ukraine, de chercher à saboter les efforts de paix de Trump qui ne seraient pas favorables selon elle à l'Ukraine. Je ne crois pas non plus à la thèse du journaliste intrépide convaincu que cette histoire serait intéressante à publier, ou que le WSJ l'aurait fait paraître simplement parce qu'il n'avait rien de mieux à raconter. Pour moi, ce n'est qu'une manœuvre de l'État profond pour redonner vie au projet ukrainien, qui peine à rester en vie, en diffusant le message que l'Ukraine est loin d'être vaincue.
Traduit par Spirit of Free Speech