
«Depuis sa légalisation en 2016, plus de 76 000 Canadiens sont décédés par le biais de l'aide médicale à mourir. Rien qu'en 2024, elle a été responsable de 16 499 décès, soit plus de 5% de tous les décès au pays».
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par Anna Farrow
La plupart des Canadiens s'opposent fermement à l'euthanasie des nourrissons. Nous le savons car, chaque fois que le sujet est abordé, la réaction du public est l'horreur. Alors, pourquoi revient-il sans cesse sur le devant de la scène ?
La question a émergé pour la première fois en 2022, lorsque Louis Roy, du Collège des médecins du Québec (CMQ), a comparu devant le Comité mixte spécial du Parlement sur l'aide médicale à mourir (AMM). Le comité examinait des projets visant à élargir l'AMM au-delà des maladies en phase terminale afin de couvrir les cas de maladie mentale, ainsi que les demandes anticipées et les mineurs matures. Mais le plaidoyer de Roy est allé encore plus loin. Il a également suggéré que l'AMM pourrait être envisagée pour les «bébés de la naissance à un an» nés avec des malformations ou des handicaps graves.
La réaction du public a été un choc immédiat. Sur les ondes de CBC Radio, la ministre fédérale des Personnes handicapées, Carla Qualtrough, a déclaré avec véhémence : «Je ne peux absolument pas accepter cela». La réaction a été si négative que même les militants pro-vie ont considéré que la question était sans issue.
En septembre dernier, plusieurs articles de presse internationaux sur le programme canadien d'aide médicale à mourir (AMM) ont relancé le débat sur l'AMM infantile. Un long article du magazine The Atlantic, intitulé «Le Canada se suicide», comparait la proposition de Roy sur l'euthanasie des nourrissons aux politiques de l'Allemagne nazie - un argument qui a immédiatement suscité l'indignation des groupes de pression pro-AMM. Le Daily Mail, un quotidien britannique, a ensuite demandé à la CMQ de préciser sa position et a reçu la réponse que l'organisation considère désormais que «l'aide médicale à mourir peut être un traitement approprié pour les bébés souffrant de douleurs extrêmes» et que «les parents devraient avoir la possibilité d'obtenir ces soins pour leur enfant».
De toute évidence, la question est loin d'être réglée.
Depuis sa légalisation en 2016, plus de 76 000 Canadiens sont décédés grâce à l'AMM. Rien qu'en 2024, elle a été responsable de 16 499 décès, soit plus de 5% de tous les décès au Canada, une augmentation de près de 7% par rapport à l'année précédente. Cette augmentation s'explique par le fait que ce qui était initialement promis aux Canadiens comme une option stricte de fin de vie pour les personnes en phase terminale englobe désormais un éventail d'options beaucoup plus large, notamment la «Voie 2», pour laquelle une mort imminente n'est plus requise.
Dans ce contexte, l'aide médicale à mourir (AMM) infantile ne peut être considérée comme une exception. Elle représente un pas de plus sur la pente glissante contre laquelle de nombreux critiques avaient mis en garde dès 2016.
Comme le soulignait l'article de The Atlantic, les Pays-Bas sont aujourd'hui le seul pays occidental à autoriser les médecins à euthanasier les nouveau-nés jugés en «souffrance insupportable et désespérée». Pourtant, certains éthiciens néerlandais font remarquer que, puisque les bébés ne peuvent exprimer leur douleur, les médecins doivent déduire leur degré de souffrance, une évaluation manifestement imprécise et hautement subjective.
Quant au parallèle historique qui a tant indigné les partisans de l'AMM, il est tout à fait exact. Le premier programme gouvernemental organisé d'euthanasie pour les nourrissons handicapés a été créé par l'Allemagne nazie en 1939. Cette année-là, Adolf Hitler a approuvé le meurtre d'un nourrisson gravement handicapé à la demande de son père. Ce cas d'«euthanasie» a fini par se transformer en l'infâme programme Aktion T4, responsable du meurtre d'environ 250 000 enfants et adultes handicapés avant 1945. Le créateur d'Aktion T4, le médecin personnel d'Hitler, Karl Brandt, a été exécuté après la Seconde Guerre mondiale pour crimes contre l'humanité.
Il est important de rappeler que l'aide médicale à mourir (AMM) pour les nourrissons est catégoriquement différente de toutes les autres formes d'euthanasie officiellement reconnues. Dans tous les autres cas de cette politique, actuels ou proposés, il est possible de demander au patient s'il consent librement à la procédure. Un bébé ne peut consentir à mettre fin à ses jours. Il faut donc estimer sa souffrance. Il est également possible que la détresse parentale ou l'anticipation de difficultés futures influencent la décision finale.
Interrogé à ce sujet, le CMQ a déclaré que l'AMM n'est «pas une question de politique, de morale ou de religion, mais plutôt une question médicale». C'est manifestement faux. Mettre fin à la vie d'un enfant handicapé, quel que soit son degré de souffrance, est indéniablement une question de morale. Et elle doit être traitée comme telle.
Quant à la persistance de l'AMM au Canada, il est nécessaire de comprendre le zèle quasi missionnaire de ses promoteurs. Prenons l'exemple des propos de Jonathan Reggler, médecin de famille retraité de l'île de Vancouver et praticien actif de l'AMM, dans un récent article de The Atlantic. Bien qu'il reconnaisse éprouver un certain malaise lors de la pratique de l'aide médicale à mourir (AMM) selon la procédure de deuxième intention, il explique comment il parvient à mettre de côté tout dilemme moral : «Une fois qu'on accepte que la vie n'est pas sacrée et qu'elle ne peut être ôtée que par Dieu, un être en qui je ne crois pas, alors... certains d'entre nous doivent aller de l'avant et dire : «On le fait»».
C'est cette attitude du «faire» qui caractérise le mouvement canadien pour l'AMM, et qui considère la vie comme fondamentalement profane et indigne de protection, qui explique la croissance de cette pratique à ce jour. Et qui menace de mettre en danger la vie de futurs bébés innocents. À moins, bien sûr, que les Canadiens ne sortent de leur torpeur et ne disent enfin : «Non. N'y allez pas».
source : Juno News via Marie-Claire Tellier