18/12/2025  7min #299299

L'enjeu de la quantification des préférences

Davy Hoyau

Ils nous arrive parfois de voir dans les propos du président russe Poutine de véritables sujets d'étude qui sont lancés à la sagacité de ceux qui veulent bien les entendre. Et nous voulons vous permettre e le faire.

Ainsi a-t-il émit le souhait que les industries « cessent de produire les mêmes choses ».

En gros il dit : « Débrouillez-vous avez ça »  ! Et il a raison. Il est vrai que c'est souhaitable. C'est comme ça qu'on avance : on pose de grands idéaux, et ensuite il faut les rationaliser pour construire les conditions qui les rendent possible. Ce que j'appelle les escalier de la raison.

Mine de rien cela renverse un paradigme ancien, qui croit qu'il suffit d'ériger une méthode en dogme pour qu'en découle automatiquement l'univers magique qui va avec. C'est ce que le capitalisme a espéré faire avec l'adage de « l'offre et la demande ». Mais cela n'a pas marché. Nous ne pensons plus comme cela.

Nous sommes entrés dans l'ère de l'informatique, et avec elle sont apparues de nouvelles sciences que sont l'algorithmie et la systémique. Dans notre nouveau monde, ce qui a de la valeur, c'est l'information. Car elle seule permet de rationaliser des buts objectifs.

Or, quels sont les buts du capitalisme  ? Il n'y en a aucun. Il ne vit que pour subsister en tant que système, et par le fait il condamne les citoyens à gaspiller leur énergie pour la seule maintenance d'un système qui ne leur laisse aucun levier de contrôle sur leur propre avenir.

La question ici, est d'obtenir ces leviers, et finalement d'utiliser l'énergie humaine de façon rationnelle. Et cela ne peut se faire qu'en poursuivant des buts objectifs et déterminés.

- C'est une question ancienne, de souhaiter que les industries produisent des composants qui soient interopérables. Cela permettrait de déléguer à l'utilisateur le soin de choisir ces composants en fonction de leurs besoins spécifiques. Et d'autre part cela forcerait ces composants à être le plus fiable possible.

Et là on rentre dans le creux du sujet : Comment donner de la valeur à ce qui est durable  ? Cela s'oppose à la recherche de profit. Notre civilisation ne sait qu'extraire des minerais pour les jeter à la mer. Cela ne peut pas continuer. Le règne de la quantité dirige ce monde, et le conduit à sa perte.

De nombreux économistes, comme Joseph Stiglitz, Sergey Glazyef, se sont interrogés sur la détermination de la valeur. Nous ne sommes pas de leur niveau mais au moins on constate que l'échelle de la monnaie est une demi-droite allant de zéro à l'infini. Elle est irrationnelle. Tout se mesure par rapport à tout. Cela n'a aucun sens.

En algorithmie, ce n'est pas comme cela. Un algorithme a la valeur d'une démonstration mathématique. Le lambda-calcul retourne un résultat borné entre deux limites, inférieures et supérieures, zéro et un. C'est à dire que c'est : rationnel.

Le plus haut degrés est la fonctionnalité, et le plus bas est le non-respect des contraintes. Cela veut dire qu'une corruption, est un non-respect des contraintes. Acheter du pain remplit une fonctionnalité. Acheter du pain a plus de valeur que la corruption.

La mesure des choses ne se fait pas en elle-même, mais par rapport à un référentiel externe, en respect de l'incomplétude de Gödel. C'est à dire à des buts. Et quand ces buts sont remplis, ils servent d'autres buts et ainsi de suite. Ainsi on obtient un système complexe.

Quels peuvent être ces buts d'une civilisation  ? C'est simple, ce sont les droits de l'homme. Quelles sont les contraintes  ? Sur le plan matériel, c'est la limitation des ressources, et sur le plan humain, c'est le bien commun.

Quand on parle de créer tout un système, cela fait peur. Mais il ne s'agit pas d'en créer un de toutes pièces, mais de transformer celui que nous avons. On sait que dans un système complexe, une seule condition initiale peut avoir un effet levier sur toute la structure.

Un système c'est quoi  ? C'est la façon dont on assemble des composants. Changer de système ne devrait pas faire peur, car il ne s'agit que de changer la façon dont on utilise l'existant. Par émulation, on rend possible des choses qui ne le sont pas aujourd'hui, et en particulier les conditions d'existence du but recherché.

C'est ce qui s'est produit quand on a introduit le principe de réciprocité dans les normes de relations internationales : cela a rendu inefficace l'imposition par la force. Avec peu de chose on peut changer la face du monde.

Et c'est bien ce que l'on cherche en définitive : le meilleur « ratio » entre l'effort exercé et les conséquences ; l'optimisation. Et au final une gestion rationnelle des richesses, mise au service d'un progrès de la conscience et de la liberté.

Et dès lors se pose une question transcendante : Comment peut-on quantifier des aspects aussi irrationnels et subjectifs que l'envie, la beauté, l'équité, le sentiment de justice, la culture ou la morale ?

Ce sont deux ordres ontologiques distincts, qui sont trop souvent fusionnés sous forme de symboles, et qui doivent être l'objet d'un discernement, en respect des principes de non-violence.

Quand les hommes sont au service d'un système, c'est de la violence. Un système au service de l'humain, nécessite cette distinction ontologique entre les réalités physiques et psychologiques. Car dès lors on a le contrôle.

La question qui nous revient est désormais : comment introduire des notions psychologiques dans un algorithme  ? La réponse est simple, ce sont les systèmes de vote.

- En 2007 les chercheurs français Michel Balinski et Rida Laraki ont résolu une énigme vieille de deux cent ans sur la méthode de quantification des préférences, en introduisant le système de vote par jugement majoritaire. Chacun d'eux proposait son propre algorithme.

Nous avons proposé au professeur Laraki un troisième algorithme qui, au lieu d'élire un seul vainqueur, serait un véritable algorithme d'ordonnancement, et pensé pour un calcul constant, c'est à dire plus rapide à exécuter, et surtout avec un meilleur départage des exæquos.

Il nous a aimablement répondu, en 2017, par une nouvelle formulation de son algorithme, amplement plus probante.

Dès lors nous avons rêvé de voir sur les réseaux sociaux, à la place des systèmes de votes quantitatifs, un système de vote par jugement majoritaire, c'est à dire qualitatif. Qu'est-ce qui fait la qualité  ? C'est la complexité de la structure de l'information récoltée, ce qui met sa quantité au deuxième plan.

Nous militons pour que les gouvernements adoptent ce système de vote qualitatif, dont les avantages sont de rendre inutile la polarisation des opinions qui détermine le vainqueur, et d'abolir le phénomène d'extorsion de vote par le jeu du vote utile, que les politiciens utilisent comme levier pour rester au pouvoir alors qu'on ne veut plus les voir.

De plus, il permettrait le vote blanc, qui a été constitutionnellement introduit en Inde comme faisant partie de la liberté d'expression des électeurs.

Mais pour nous cela va beaucoup plus loin. Nous avons ici un algorithme, d'une très grande simplicité, qui permet le saut ontologique entre ce qui est subjectif et ce qui est objectif. Qui permet de quantifier les préférences, et d'introduire des notions morales comme des contraintes aux algorithmes. Cela ouvre des possibilités infinies dans la conduite des décisions.

En particulier, en itérant les scrutins non pas aux personnes, mais aux solutions à des problèmes, puis ensuite aux arguments à ces solutions, on augmente encore l'information dont on fait la qualité des décisions. C'est un véritable logiciel de décision rationnelle. C'est quand même extraordinaire !

Désormais, la rationalité des décisions peut être mesurée objectivement, même et surtout en tenant compte de facteurs psychologiques tels que les préférences, le bien-être, la morale, la justice, ou l'équité.

Et déjà, on se prend à imaginer à quoi ressemblerait l'urbanisation des Smart-City où pourrait se jouer, de façon prototype, une réponse probante à la satisfaction des besoins et la rationalisation des ressources au sein d'un système qui évalue le travail par son efficacité, et les produits par leur valeur d'usage.

Dans la société idéale telle qu'on se l'imagine, il y a de la place pour tous les talents, et ce sont eux qui déterminent ce à quoi la société veut se consacrer. Logiquement, les citoyens qui aiment cette société ont à cœur d'orienter leur acquisition de compétences vers les secteurs qui servent le mieux le bien commun, depuis qu'il est mesurable.

Désormais, le bien-être personnel, le bien-vivre ou l'indice du bonheur, sont des composantes qui peuvent être prises en compte dans les choix de société.

Du point de vue économique, cela signifie qu'on aura introduit le score d'usage comme notion constitutive de la valeur.

Un tel contexte, est celui qui rend souhaitable que les industries travaillent en coopération plutôt qu'en concurrence, puisque le but est d'avoir de la valeur, vis-à-vis d'objectifs évolutifs civilisationnels.