25/03/2007  11 min #7772

Bush : de Saddam à Ahmadinejad, vers la chute vertigineuse du Moyen-Orient

"L'hebdomadaire russe parle d'un rapport secret qui donnerait même la date précise des attaques : le 6 avril à 4 heures du matin."

Quatre ans après l’invasion de l’Irak, l’attaque américaine des sites nucléaires iraniens se précise. Le plan d’attaque est entré dans la phase de non retour, expliquent les experts russes. Ces informations sont relayées par l’agence russe Novosti.

Cette dernière, cite le journal  Argumenti , et des sources militaires. L’hebdomadaire russe parle d'un rapport secret qui donnerait même la date précise des attaques : le 6 avril à 4 heures du matin. Washington qui privilégie le dialogue avec Pyongyang  (1) , brandit la politique du bâton contre Téhéran.

En dehors de l’anecdote de la date donnée par Argumenti, l’attaque semble donc être sur la voie et la région pourrait se préparer à l’état de chaos total. Elle regroupera à elle seule trois zones de conflits et traversera sans doute l’une des périodes les plus sombres de son histoire depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En dehors de la question relative à la visée de ces informations, ou celle de savoir si les Israéliens seront impliqués dans ces frappes ou non, il y a la question du « pourquoi maintenant ? »

Le constat montre que Moscou, l’acteur clé dans cette crise en raison de ses liens étroits avec Téhéran, a brutalement haussé le ton ces derniers temps. Moscou est décidé à utiliser la centrale nucléaire de Bouchehr, que les Russes construisent dans le sud de l'Iran, comme moyen de pression. Longtemps opposé à des sanctions contre l'Iran, le Kremlin tourne le dos et exige de L’Iran de coopérer avec l’AIEA et avec l’ONU. Moscou va même jusqu’à donner un ultimatum à Téhéran, écrit le New York Times  (2). La Russie refuserait de livrer du combustible nucléaire à l'Iran pour le réacteur nucléaire de Bouchehr, si Téhéran ne suspendait pas son programme d'enrichissement d'uranium.

La Russie accuse l’Iran, depuis peu, du non paiement des factures et certains experts, parmi les 2000 qui travaillent sur place, ont démissionné ou ont déjà commencé à quitter le chantier, indique l'agence Ria Novosti. Le refus de l'Iran de reprendre rapidement le paiement de la centrale nucléaire de Bouchehr pourrait entraîner "des conséquences irréversibles", déclare un responsable du constructeur russe Atomstroïexport.

Notons que les fuites d’informations concernant une attaque ne sont pas nouvelles. La dernière en date est celle du groupe Al-Qaeda irakien en février 2007, demandant aux sunnites en Iran de s’éloigner des sites nucléaires, prônant l’imminence des attaques  (3). Ce qui est nouveau cette fois, c’est le fait que ces informations viennent du côté de Moscou. De plus, la fréquence des informations et de la cadence de celles-ci se multiplie comme jamais auparavant. Etalées dans le temps, ces menaces ne font pas plier Téhéran. Ce constat est en soit la preuve que certains acteurs seront toujours “non-dissuadables” tout en restant rationnels.

Depuis deux ans, nous assistons, de manière périodique, à des informations allant dans le sens d’attaques imminentes. C’est le cas des informations annoncées, en février 2005, par le journaliste américain Seymour Hersh, à la chaîne américaine CNN  (4). Un an plus tard, en février 2006, c’est le député ultra nationaliste russe Vladimir Zhirinovski qui révèle à la radio russe MosNews que Washington prévoit d’attaquer l’Iran. Le député russe avance même la date du 28 mars 2006, comme date du début des opérations militaires  (5). Deux mois plus tard, c’est The New Yorker, qui révèle dans ses Annals of National Security, un plan d’attaque  (6).

En janvier 2007, c’est l’hebdomadaire britannique le Sunday Times qui révèle à son tour un autre plan d’attaque, non pas américain mais israélien, avec l’usage, pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, d’armes atomiques  (7). Nous voilà donc avec le 6ème scoop de la presse avec comme source « anonyme » un rapport militaire russe. Selon cette source, cette opération pourrait retarder le programme nucléaire iranien d’environ 5 à 7 ans.
Les frappes seront de nature hautement intensive. Essentiellement aériennes, elles seront doublées par des missiles tirés à partir des sous-marins, écrit le journal russe. L’hebdomadaire Argumenti explique que ces frappes dureront une journée. Selon ce journal, 20 sites seront visés, sauf le fameux réacteur nucléaire de Bouchehr, construit par les Russes et qui doit entrer en service en septembre 2007.

Ces informations arrivent dans une période d’activités intenses en vue de l’adoption, après la 1737 en décembre 2006, d’une deuxième résolution contre l’Iran. En même moment, le Sénat américain vote un calendrier de retrait d'Irak. Il concerne une proposition de résolution contraignante réclamant le retrait de l'essentiel des troupes de combat d'ici à mars 2008. Ce vote est promis à l'échec en raison d'une promesse de veto du président George W. Bush.

On se posait la question sur le timing et les raisons de la politique du « dos tourné » par la Russie, alors qu'on s'attendait plutôt le contraire. En effet, cette position russe arrive à la suite d’un durcissement de ton de la part de Moscou envers Washington, à propos du programme américain de bouclier antimissile en Pologne. Washington justifiait sa démarche par la menace iranienne. Peut-on faire un rapprochement ?

La Russie et la Chine, deux membres permanents du Conseil de sécurité avec un droit de veto, ont d'importants intérêts économiques, énergétiques ou stratégiques en Iran et ont signalé, lors de l’adoption de la première résolution en décembre, leurs réticences à un durcissement contre la République islamique. Une intervention militaire américaine sera alors le signe d’un arrangement entre Washington et Moscou autour de l’avenir du programme américain de bouclier antimissile en Europe centrale.

Les informations de l'hebdomadaire russe Argumenti coïncident avec l’annonce américaine concernant les confessions de Cheikh Khalid Mohammed, qualifié comme le "cerveau" du 11-Septembre (et une trentaine d'autres) laissent toutefois des questions sans réponse tant sur la manière dont ces confessions ont été obtenues que sur le timing d’annonce celles-ci ou encore sur la crédibilité de l'homme  (8).

Peut-on s’attendre à avoir un lien, qui serait fait, ultérieurement, par la Maison Blanche, entre la menace iranienne et les confessions pour justifier une attaque ? Le président américain semble poursuivre le scénario que son administration avait mis en place il y a quatre ans. A l’époque, en six mois l’opération est montée. D’abord Bush lie la guerre contre le terrorisme et le groupe terroriste d’Al-Qaeda. Peu à peu un lien entre le terrorisme et les armes de destruction massive a lieu avant de faire le lien entre ces armes et Saddam Hussein. La guerre a lieu en mars 2003. Quatre ans sont écoulés et les armes n’ont pas été trouvées. Peut-on s’attendre à un scénario donnant lieu à un possible lien entre Sheikh Mohamed et Téhéran ?

La chute de Saddam à lieu. Le 16 mars 2007, un rapport israélien déconseille aux américains de se retirer de l’Irak. Dans l’état d’instabilité actuelle, un retrait aboutira à la chute du roi de Jordanie et du régime du président Moubarak en Egypte, avec des conséquences néfastes sur l’État hébreu, écrit le quotidien israélien Haaretz. Si la chute de Saddam a abouti à l’instabilité en Iraq, une attaque contre l’Iran aura des conséquences incalculables dans la région, notamment sur les monarchies du Golfe et la stabilité de ces régimes.

Pour ces raisons, ces pays appellent Washington à renoncer à toute idée d’attaquer l’Iran. Fin février, le chef de la diplomatie du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, a mis en garde, à l'ouverture du Forum Forbes des PDG au Moyen-Orient, contre une confrontation entre les Etats-Unis et l'Iran  (9). En Europe et surtout en Amérique, les Iraniens menacent de s’attaquer aux intérêts économiques occidentaux ici et là.

Conscients du dangers d’un tel scénario, un groupe de députés au Congrès américain se prépare à déposer un projet de loi obligeant le président Bush à ne pas prendre la décision de guerre contre l’Iran sans l’approbation du Congrès. Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la nouvelle résolution. Le vice-président américain Dick Cheney a averti à plusieurs reprises ces dernières semaines que "toutes les options restent sur la table" dans le dossier iranien, relançant les spéculations sur une éventuelle opération militaire américaine en Iran  (10).

Bush pourrait alors utiliser cette résolution comme argument justifiant les attaques. Il pourrait user de son veto contre le vote du Congrès. Face à l’Iran qui se montre « non-dissuadable », Bush reste déterminé. Tous les ingrédients sont là pour aller vers les frappes. Téhérah menace de riposter par des attaques contre le réacteur nucléaire israélien de Dimona. Ils menacent aussi de fermer le détroit d'Ormuz, reliant le golfe persique à la mer d’Oman, et de s’attaquer aux navires pétroliers. Le Guide suprême de la révolution islamique Ali Khamenei déclare, le 21 mars, qu’en cas d’attaque, l’Iran ferait recours aux méthodes « illégales ». La région pourrait alors entrer dans la phase de la chute vertigineuse vers l’inconnu.

 Mohamed Abdel Azim *
Lyon (France)

*  Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre :  Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine , Paris, l’Harmattan, 2006.

Notes:
 (1) « Accord bancaire entre Washington et Pyongyang, préalable à la dénucléarisation », Le Monde, 19 mars 2007.
 (2) Elaine Sciolino, “Russia Gives Iran Ultimatum on Enrichment”,  The New York Times , 20 mars 2007.
 (3) Voir à ce propos : L’Iran: le Moyen-Orient au bord du chaos
 (4) CNN “  Late Edition ”, 17 janvier 205, “Journalist: U.S. planning for possible attack on Iran”.
 (5) “Russian Ultranationalist Leader Expects U.S. to Attack Iran in Late March”,  MosNews Radio, 7 février 2006.
 (6) Seymour Hersh, “The Iran Plans: Would President Bush go to war to stop Tehran from getting the bomb?”,  The New Yorker , 17 avril 2006.
 (7) “Revealed: Israel plans nuclear strike on Iran”,  The Sunday Times , 7 janvier 2007.
 (8) Brian Ross, Luis Martinez,“Confessions of a Terrorist: I'm Guilty of 3,000 Murders”, ABCNews, 14 mars 2007.
 (9) Forbes CEO Forum in Doha, "Driving Growth: Risk and Reward in the Middle East," 26-28 février 2007.
 (10) Lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre australien John Howard, le 24 février 2007.

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